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soient honorées et bénies par la même raison et avec la même foi qui nous font mépriser et maudire l'hérésie d'Arius, la réforme de Luther, la terreur de Robespierre et le socialisme de Fourrier; - qu'on appelle aussi des révolutions.

Va donc pour la révolution du 2 Décembre. Nous l'avions rêvée, nous l'avions pressentie, invoquée, saluée vaguement dans nos aspirations de penseurs, dans nos consciences d'honnêtes gens, dans notre patriotisme de citoyens. Mais rien, dans nos pressentiments et dans nos désirs, ne ressemblait à la forme splendide et foudroyante qu'elle a revêtue, et les cris de joie qui l'accueillent à cette heure se fussent changés en cris d'épouvante, si l'on nous eût dit la veille : « Voilà ce qu'elle sera. »

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Je veux dire ce qu'elle a été; je veux essayer, - non pas de raconter, car aujourd'hui tout est su de tous et l'histoire contemporaine est mieux écrite dans les souvenirs du dernier paysan que dans les pages du chroniqueur ; mais de constater phase à phase et progrès par progrès, cette évolution de vingt jours accomplie par l'esprit moderne sur cet axe de la civilisation qu'on appelle la France, et qui en inaugurant la deuxième moitié du XIXe siècle

lui prépare un plus large avenir qu'à son aînée. Je veux, simplement et à l'aide des faits officiellement étudiés et groupés, ébaucher les grandes lignes de cette page qu'une main plus habile ou moins inconnue revêtira quelque jour de couleur et de vie. L'histoire est un tableau dont les témoignages oculaires sont l'esquisse.

Et notre témoignage à nous, c'est la voix, c'est le regard, c'est l'oreille de la probité nationale parlant, comme dit l'Apôtre, de ce qu'elle a vu et ne pouvant pas ne pas attester ce qu'elle a entendu; c'est le cri de reconnaissance et d'espoir sorti des entrailles d'une société sauvée; c'est cette confession formulée par les partis les plus implacables et par les égoïsmes les plus blasés qu'il n'y avait de possible et de faisable que ce qui a été fait. C'est cet immense appel à l'oubli, à la conciliation, au travail et à l'ordre tonnant plus haut que le tocsin et les fusillades de la guerre civile; c'est la dernière barricade renversée et le dernier sang répandu; c'est enfin et surtout cette électricité d'union, de courage et de dévoûment qui, d'un bout de la France à l'autre, communique à tous les coeurs droits, à toutes les volontés libres, à toutes les âmes croyantes la

sainte et vaillante horreur de la démagogie, du communisme et de l'anarchie, et se traduit par ce mot déjà historique, gloire de LouisNapoléon et consolation de nos malheurs : — 1852 est mort.

Mort comme il eût vécu, dans le sang et la boue, dans le crime et la honte, dans le pillage, le viol, l'assassinat, l'athéisme et l'incendie; mort comme ces reptiles immondes qu'on broie du pied dans leur bave, mort d'étouffement, d'impuissance et de rage. Oh! bien mort, car c'est la justice de Dieu qui l'a tué. Depuis trois ans, depuis la magnifique élection du 10 Décembre, il n'était pas de menaces horribles ou de prédictions infâmes dont cette date maudite ne fût le prétexte et le thême, pas de journal rédigé par la haine et la calomnie, pas de pamphlet écrit sur une borne ou dans une caverne, pas de bandit appréhendé au collet par la police ou envoyé aux galères par le jury criminel, pas d'émeutier pris les armes à la main, pas d'empoisonneur public pontonné et bâillonné par la vindicte des lois, qui ne nous jetât à la face ce blasphème comminatoire : « Nous << aurons notre revanche en 1852! » C'était tout leur avenir à ces voleurs et à ces mé

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créants, la société chrétienne entrevue dans leurs rêves comme une aubaine réservée comme une épave légitime, comme un pillage organisé. Les plus intelligents la montraient du doigt aux plus brutes. Le partage était réglé d'avance, à chacun selon sa capacité et à chaque capacité selon ses œuvres ; à celui-là tel ministère, à cet autre telle caisse, aux valets l'habit de leur maître, au manoeuvre la maison qu'il a bâtie, au paysan la ferme qu'il exploite, au vicieux la femme honnête, à l'instituteur révoqué la direction des consciences, au fainéant les rentes du commerçant enrichi, au sophiste l'éducation de la jeunesse, au banqueroutier les finances de l'État, au barricadeur le commandement de l'armée, à l'ignorant l'instruction publique, à l'athée les cultes, à l'assassin la justice. Pas de jour, pas d'heure que la démagogie ne nous souffletât, nous tous travailleurs et pères de famille, avec cette indication sinistre; et si chacune de nos paroles n'était pas l'écho de la voix de tous, est-ce que les scènes exécrables dont dix départements viennent d'être le théâtre laisseraient encore le moindre doute aux hésitations les plus systématiquement aveugles et sourdes?

Oui! oui, Dieu est juste et l'unanime bénédiction dont notre bien-aimée et catholique patrie salue à cette heure l'homme qui l'a sauvée et les hommes qui, au péril de leur honneur et de leur vie, ont secondé cet homme, n'a pas plus besoin de confirmation que de commentaire. C'est le mot de notre Évangile qui se vérifie « Tout était perdu et tout est réparé. » C'est le cri de trente millions d'âmes et la joie de nos femmes et de nos enfants. Et c'est aussi la conviction qui nous a ordonné d'écrire ce livre.

Notre tâche, on le voit, est facile, aussi facile que notre impartialité sera naturelle,

Rappeler par quelle succession de calamités dans la nation et de complots dans le Parlement, Louis-Napoléon arriva à se poser cette suprême et terrible alternative: Mentir comme un lâche à Dieu et à ma destinée, ou sauver mon pays au nom du droit et de l'honneur;

Retracer, avec tous leurs détails authentiques et dans leurs minuties les plus caractéristiques, chacune des circonstances qui accompagnèrent l'exécution de ce dessein à qui la

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