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Doctrine moderne

nemi, sans que le souverain de ces personnes-là s'en plaigne; comme, d'un autre côté, la puissance en guerre n'impute point aux souverains ncutres ces entreprises de leurs sujets. »>

§ 2777. Phillimore reconnaît que si l'on s'en tient à l'esprit des Phillimore. règles internationales modernes, la confiscation limitée aux seules marchandises illicites est fondée en droit; mais il avoue en même temps qu'il y a certains cas où l'application stricte des dispositions plus rigoureuses de l'ancienne législation peut se justifier.

Wildman,

Ortolan.

A ses yeux, le navire ncutre se rend passible de confiscation: 1° Lorsqu'il appartient au propriétaire de la cargaison;

2° Lorsque le chargeur a cherché à dissimuler le lieu réel de la destination;

3. Lorsqu'il s'est efforcé de cacher le nom du propriétaire, ou lorsque le transport qui l'opère viole les stipulations des traités ou le texte des lois en vigueur.

4° La confiscation est permise pendant le cours du voyage de retour, lorsque dans la traversée d'aller l'opération de contrebande a été dissimulée.

5o Peut également être saisi ou vendu le navire dont le capitaine conducteur institué par un tribunal de prises s'est livré à une opération de commerce illicite.

Enfin cet auteur approuve la confiscation de la totalité de la cargaison lorsqu'elle appartient à un seul et même propriétaire; il se prévaut à cet égard de l'opinion de Bynkershoek, d'après l'axiome: « ob continentiam delicti (complicité délictueuse) ».

Un autre publiciste anglais, Wildman, professe les mêmes idées, en soutenant néanmoins qu'il est des circonstances où il serait contraire à l'équité d'étendre en masse la saisie à tout une cargaison, et où par conséquent la confiscation doit être limitée aux articles réellement illicites.

<< Plusieurs distinctions, dit Ortolan, ont été faites sur ce point par divers publicistes ou par quelques règlements intérieurs. En les réunissant et en les résumant toutes il en résulterait que le navire et sa cargaison entière seraient confiscables dans les cas suivants :

« Si les marchandises de contrebande composent les trois quarts de la valeur du chargement;

« Si le navire et les marchandises innocentes appartiennent au propriétaire de la contrebande;

« Si le transport de la contrebande est fait avec les circonstances frauduleuses de faux papiers et de fausse destination;

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Enfin, si le navire servant au transport de la contrebande appartient à un propriétaire expressément obligé par les traités existant entre son pays et le pays capteur à s'abstenir de fournir de pareils articles à l'ennemi. »

Passant ensuite à l'analyse de ces distinctions, Ortolan ajoute: « La première se trouve dans l'article 1er du règlement de Louis XVI du 26 juillet 1778. La seconde, admise par Bynkershoek, qui la considère comme conforme à la raison, est reproduite par divers publicistes, notamment par l'honorable M. Wheaton et par l'honorable M. James Reddie, qui font aussi mention de la troisième. Dans l'ouvrage du premier, nous trouvons également l'indication du quatrième cas. Nous croyons fermement, quant à nous, que, suivant la raison internationale, aucune de ces distinctions ne serait à faire, et que dans aucun cas le navire porteur de la contrebande ni les marchandises innocentes ne devraient être confisquées. » Voici les arguments invoqués à l'appui de cette dernière thèse :

En effet, il ne faut pas perdre de vue que les sujets des États neutres, étrangers à la querelle des puissances belligérantes, conservent en principe la liberté de commercer avec chacune de ces puissances. Lorsque dans ce commerce ils portent soit à l'une, soit à l'autre, soit à toutes les deux, des articles de nature à servir directement et exclusivement à la guerre, ils ne font pas acte d'ennemis, mais acte de commerçants; nul des belligérants n'est donc autorisé à les traiter pour ce fait en ennemis ct à déclarer à ce titre de bonne prise le navire neutre et la cargaison innocente.

« Toutefois, il est vrai qu'en étendant leur commerce à de pareils objets ils blessent les intérêts de l'une ou de l'autre des puissances en guerre et s'exposent à l'exercice du droit, reconnu à ces puissances, de mettre obstacle à de pareils transports. La conséquence forcée, c'est que ces marchandises pourront être arrêtées dans la route; et la raison internationale ajoute, pour donner plus d'efficacité à la prohibition, qu'elles seront confiscables.

<< Cette confiscation est une punition logique qui découle de la nature même des choses, et qui se proportionne d'elle-même à la gravité de l'infraction, puisqu'elle atteint tous les objets prohibés, peu ou beaucoup, selon que ces objets étaient en petite ou en grande quantité. Aller plus loin, confisquer le navire neutre et les marchandises non interdites, ce serait appliquer une peine variable et arbitraire dans son étenduc, tombant souvent sur des innocents et injustifiable même dans les cas particuliers précités.

<«< En effet, dans le premier cas, c'est-à-dire si les articles de

contrebande composent les trois quarts de la valeur du chargement ou même davantage, la confiscation se proportionnera à la gravité du fait; elle atteindra les trois quarts du chargement ou même davantage : voilà l'aggravation logique de la peine. Mais comment le capteur serait-il autorisé à traiter en ennemi le navire neutre commerçant et à se l'approprier à titre de prise? Comment surtout aurait-il le droit d'atteindre les marchandises étrangères à la contrebande et appartenant peut-être à d'autres propriétaires?

« Dans le second cas, c'est-à-dire lorsque le navire, les articles non prohibés et la contrebande appartiennent ensemble à la même personne, qu'est-ce que cette circonstance ajoute à la gravité de l'infraction? Comment cette personne serait-elle plus punissable qu'une autre? La peine ne tomberait pas, il est vrai, sur un innocent; mais pourquoi tomberait-elle plus forte ici que dans d'autres cas? Et quelle proportion équitable aurait cette peine, puisque quelques articles prohibés suffiraient pour faire confisquer tout un navire et tout une riche cargaison, de telle sorte que plus la contrebande serait en petite quantité dans le chargement, plus la punition serait grande? Le fond de la pensée serait toujours ici de traiter le commerçant en ennemi, de dire: « Nous tenons les biens; quels qu'ils soient, nous les gardons. » Mais, nous le répétons, il n'est pas ennemi, il est commerçant; il ne s'agit pas d'actes d'un gouvernement qui romprait la neutralité, mais d'actes de particuliers qui exercent leur trafic.

« Dans le troisième cas, lorsque le transport de la contrebande est fait avec les circonstances frauduleuses de faux papiers et de fausse destination, si ces faux sont tels qu'ils constituent une infraction aux règles du droit des gens, ou bien un crime ou un délit quelconque puni par les lois intérieures du pays auquel appartient le navire, il y aura lieu sans doute d'y appliquer les dispositions répressives de pareils faits, selon les lois qui les régissent et les juridictions compétentes pour chacun d'eux; mais ces crimes ou ces délits sont distincts du fait de contrebande; ils ne doivent pas ètre confondus avec elle, et nous ne voyons pas comment ils pourraient donner au capteur le droit de confisquer le navire et toute sa cargaison pour cause de contrebande.

« Enfin, le quatrième cas ne nous paraît pas de nature à justifier davantage cette confiscation. L'obligation pour les commerçants neutres de s'abstenir de la contrebande de guerre existe indépendamment des traités; elle devient plus precise, mieux determinée dans ses objets, lorsqu'elle est stipulee expressément dans un traité public

avec énumération des marchandises prohibées; mais elle ne devient pas plus forte pour cela, et la pénalité n'en est pas aggravée, à moins que le traité ne stipulât l'application d'une peine particulière, et alors il faudrait s'en tenir à cette peinc. En un mot, ou le traité ne dit rien quant à la peine, et dans ce cas il n'y a rien à ajouter à la pénalité commune; ou le traité contient quelque disposition répressive spéciale, et alors il faut s'en tenir à ses termes.

« Nous croyons donc démontré que le transport de la contrebande de guerre n'emporte par lui-même et dans tous les cas d'autre droit pour le capteur que celui de confisquer les marchandises prohibées.

D

Hautefeuille, toujours guidé d'après ses idées sur le droit primi- Hautefeuille. tif, arrive en cette matière aux mêmes conclusions, qui ont, à nos yeux, le très grave défaut de faire complètement abstraction du point de vue pratique des choses et de se heurter contre les règles sanctionnées par le droit des gens moderne. En effet, discuter une question théoriquement dans le domaine abstrait des principes est tout autre chose que de l'étudier dans la sphère qui lui est propre et dans ses rapports avec l'ensemble des faits qui s'y rattachent d'une manière intime.

Wheaton n'entre pas dans le vif du débat; il se borne en quelque sorte à affirmer la doctrine combattue par les auteurs que nous venons de citer et à poser comme règle que le navire est passible de confiscation toutes les fois que le trafic auquel il se livre est en opposition directe avec une clause de droit conventionnel, parce que dans ce cas il y a à la fois acte hostile et violation d'une défense légalement obligatoire.

Dana, son commentateur, est du même avis, et résume son opinion personnelle sur la matière en disant que, si le navire neutre n'a pas d'intérêt engagé dans la propriété de la cargaison et se borne au transport de marchandises réputées contrebande de guerre, son châtiment ne doit pas aller au delà de la perte du fret, du temps perdu et des frais de procédure; mais que lorsqu'il y a eu recours à des moyens frauduleux pour tromper le belligérant et éviter ou rendre illusoire le droit de visite, ou bien lorsque le neutre a passé un contrat formel pour fournir de la contrebande, le navire peut être condamné comme fauteur d'actes propres à favoriser l'ennemi. Cette distinction qu'établit Dana entre la culpabilité du service rendu à un Etat belligérant et le caractère innocent ou licite de transports d'objets constituant une propriété privée, celle-ci se composât-elle d'armes, de munitions ou de vivres pour

Wheaton.

Dana.

Perels.

Pratique des

nations mari

times.

un port bloqué, nous paraît plus subtile que juste; elle est en tout cas contraire à la jurisprudence consacrée par la plupart des Cours de prises. L'excuse d'erreur ou d'ignorance ouvre une trop large porte à la fraude pour être acceptée comme motif sérieux d'exemption de capture, et les neutres auraient tort de compter sur son efficacité pour échapper aux légitimes suspicions qu'éveillent toujours des escales intermédiaires ou des transports de cargaisons qui ne sont pas exclusivement composées d'articles de commerce licite.

«< A notre avis, dit Perels, il n'existe pas de motifs juridiques pour condamner la partie innocente de la cargaison, bien qu'il ne soit souvent pas possible d'éviter qu'elle soit saisie, ainsi que le navire, en même temps que la marchandise de contrebande; mais il va de soi que cette saisie ne préjuge nullement la question d'un acquittement définitif. »

§ 2778. Deux principes paraissent guider la pratique des nations maritimes: les unes limitent la confiscation à la portion illicite du chargement du navire neutre, tandis que d'autres l'étendent au chargement tout entier et au navire même, lorsque la contrebande forme la partie principale de la cargaison.

Ainsi le règlement danois du 16 février 1864 et le règlement prussien du 3 mars de la même année déclarent de bonne prise les navires neutres dont le chargement entier se compose de contrebande de guerre; mais si une partie seulement constitue de la contrebande, le navire échappe à la confiscation en livrant volontairement la contrebande sur place ou dans le port le plus proche, et il peut ensuite continuer sa course; mais la contrebande est de bonne prise.

Les instructions complémentaires françaises de 1870 contiennent une disposition à peu près identique; il y est dit en effet que << quand la contrebande ne se trouve à bord que dans une proportion inférieure aux trois quarts du chargement, on pourra relàcher le navire, si le capitaine consent à remettre tous les objets de contrebande dont il est porteur ».

L'article 215 du Code de droit maritime italien de 1865 n'admet pas qu'on puisse confisquer les marchandises qui sont libres, pour le motif qu'elles sont mêlées à une cargaison de contrebande.

D'après l'ordonnance autrichienne du 9 juillet 1866, les navires qui transportent de la contrebande ne sont de bonne prise que lorsque la contrebande est en quantité considérable proportionnellement au reste du chargement.

Aux termes du règlement russe de 1869, le navire neutre n'est

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