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197. Pour parvenir à partager, il faut d'abord, être bien fixé sur la masse partageable.

A cet effet, l'on procède d'après les règles qui vont être indiquées.

Ces règles se résument à obliger les époux ou leurs héritiers à rapporter à la masse des biens existants, tout ce dont ils sont débiteurs envers la communauté à titre de récompense ou d'indemnité.

Elles ont pour objet d'empêcher que la communauté s'enrichisse aux dépens des époux, et réciproquement, que ceux-ci s'enrichissent aux dépens de la communauté.

198. 1 RÈGLE. Si, pendant la communauté, il a été vendu un immeuble appartenant à l'un des époux, de même que si l'on s'est rédimé (ou racheté) de services fonciers (1) dus à des héritages propres à l'un d'eux, et que le prix de cet immeuble ou du service racheté ait été versé dans la communauté, sans que le remploi en ait été fait, il y a lieu au prélèvement de ce prix sur la communauté, au profit de l'époux qui était propriétaire soit de l'immeuble vendu, soit des services rachetés (art..1433 C. N.).

199. Le remploi est censé fait à l'égard du mari, toutes les fois que, lors d'une acquisition, il a déclaré qu'elle était faite des deniers provenus de l'aliénation de l'immeuble qui lui était personnel, et pour lui tenir lieu de remploi (art. 1434 C. N.). Dans la position indépendante du mari, une semblable déclaration doit nécessairement le lier d'une manière irrévocable.

200. La déclaration du mari que l'acquisition est faite des deniers provenus de l'immeuble vendu par la femme et pour lui servir de remploi, ne suffit point, si ce remploi n'a pas été formellement accepté par la femme si elle ne l'a pas acceptė, elle a simplement droit à la récompense du prix de son im

(1) Nous avons déjà expliqué sous le n° 170, à la note, ce qu'on entend par services fonciers.

meuble vendu, ainsi que nous l'avons déjà exposé sous le n° 170 pour la femme qui a renoncé à la communauté (art. 1435 G. N. ).

201. La récompense du prix de l'immeuble appartenant au mari, dont le remploi n'aurait pas été effectué, ne s'exerce que sur la masse de la communauté (1); celle du prix de l'immeuble appartenant à la femme, dont le remploi n'aurait pas été accepté par elle, s'exerce sur les biens personnels du mari, en cas d'insuffisance des biens de la communauté. Dans ces deux cas, c'est-à-dire pour le mari comme pour la femme, la récompense n'a lieu que sur le pied de la vente (2), quelque allégation qui soit faite touchant la valeur de l'immeuble aliéné (3) (art. 1436 C. N.).

202. 2o RÈGLE. Toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un immeuble à lui propre ou le rachat de services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense (art. 1437 C. N.).

Ainsi, par exemple, le rachat d'une rente perpétuelle ou rente constituée (4) qui grevait l'héritage propre à la femme,

(1) L'administration indépendante et omnipotente du mari explique et justifie cette disposition.

(2) Que sur le pied de la vente, c'est-à-dire d'après le prix porté dans le contrat de vente, encore bien que, depuis, l'immeuble ait augmenté de valeur.

(3) Sauf, toutefois, le cas de fraude, par exemple celui où le prix de l'immeuble aurait été porté dans le contrat à une somme moindre que le prix véritable, afin de se soustraire à la perception d'un droit d'enregistrement plus considérable. (4) Sous l'ancienne législation, la constitution de rente était un contrat par lequel l'un des contractants vendait à l'autre une rente annuelle et perpétuelle dont il se constituait le débiteur pour un prix licite convenu entre eux, qui devait consister en une somme de deniers qu'il recevait de lui, sous la faculté de pouvoir toujours racheter la rente, lorsqu'il lui plairait, pour le prix qu'il en avait reçu pour la constitution, et sans qu'il pût y être contraint. » (Pothier, Traité du contrat de constitution de rente.)

Sous la législation actuelle, l'art. 1909 C. N., au titre : Du prêt à intérêt, porte : On peut stipuler un intérêt moyennant un capital que le prêteur s'interdit d'exiger. Dans ce cas, le prêt prend le nom de constitution de rente, La rente constituée en perpétuel est essentiellement rachetable (art. 1911).

le payement d'une somme, opéré comme condition de la donation qui lui a été faite d'un immeuble, les frais de labours, d'engrais, de semences, de desséchement de marais, faits à une époque voisine du décès du mari, la valeur des biens que la femme a pris dans la communauté pour doter un enfant d'un autre lit ou pour doter personnellement l'enfant commun: toutes ces diverses causes imposent à la veuve l'obligation de rembourser à la communauté les avances qu'elle y a prises (1) (art. 1437, 1438 et 1469 C. N. combinés).

203. La veuve n'est point tenue d'indemniser la communauté des réparations usufructuaires faites aux immeubles qui lui sont propres, c'est-à-dire, des réparations d'entretien. Les frais de ces réparations, ainsi d'ailleurs que nous l'avons déjà dit sous le n° 31, sont à la charge de la communauté, qui a bénéficié des fruits et revenus de ces immeubles (art. 1409 C. N.).

Elle n'est point tenue, non plus, d'indemniser la communauté des dépenses pour grosses réparations faites à ses immeubles, lorsque ces réparations ont été occasionnées par le défaut d'entretien, défaut imputable au mari, chef et maître de la communauté et administrateur des biens personnels de sa femme (argument tiré des art. 605, 606, 1409, 1428 et 1562 C. N. combinés).

Enfin, elle n'est point tenue des dépenses purement voluptuaires (c'est-à-dire de celles qui ne procurent que du plaisir ou de l'agrément) qui ont été faites dans l'héritage à elle propre, alors même qu'elle aurait engagé son mari à les faire (argument tiré de l'art. 599 C. N.).

204. « Le rachat d'une rente viagère grevant un immeuble » propre à la femme et constituée sur la tête d'une personne » morte durant la communauté n'obligerait pas la veuve à ré» compenser la communauté du capital employé à ce rachat, » parce que la communauté a bénéficié du service des arrérages

(1) Par le principe que l'un des époux ne peut jamais s'enrichir aux dépens de la

communauté.

» dont elle (la communauté) était tenue. Il en serait autrement » si le rentier viager existait encore au moment de la dissolu» tion de la communauté, parce que, dans ce cas, la veuve profiterait du rachat de la rente aux dépens de la commu» nauté.

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» Dans le même cas, la veuve a le choix, ou de servir aux » héritiers du mari, pendant la vie du rentier viager, une por» tion de la rente, équivalente au droit de ces héritiers dans la >> communauté, par exemple, moitié, ou de rembourser aux » mêmes héritiers la part qui leur reviendrait dans la somme » tirée de la communauté pour le rachat, sous la déduction, toutefois, de ce dont la communauté a profité par le rachat, >> c'est-à-dire de ce dont les arrérages de la rente viagère eussent » excédé les intérêts de la somme pour laquelle elle a été rache»tée pendant tout le temps couru depuis le rachat de la rente jusqu'à la dissolution de la communauté. » (Pothier, Traité de la communauté, no 626.)

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205. Toujours par suite de la 2o règle que nous avons indiquée plus haut, si la femme, appelée, avec d'autres, à recueillir une succession, et usant du bénéfice d'une disposition de la loi, d'après laquelle, « toute personne, même parente du dé>> funt, mais n'étant pas son successible (c'est-à-dire n'étant pas » appelée à prendre part dans la succession), et à laquelle un » cohéritier aurait cédé son droit à la succession, peut être » écartée du partage, même par un seul des héritiers, en lui >> remboursant le prix de la cession » (art. 841 C. N.); si, disons-nous, la femme avait, ainsi, écarté le cessionnaire de son cohéritier dans ce cas, elle devrait récompense à la communauté de la somme qu'elle y aurait prise pour exercer ce droit, appelé retrait successoral.

206. La femme devrait également récompense dans les cas que nous avons indiqués au titre Ier, section 1re du chapitre I", et sous les n° 18, 23 et 27, auxquels nous renvoyons.

207. Sur la masse des biens, chaque époux ou son héritier prélève ou distrait :

1o Ses biens personnels qui ne sont point entrés en communauté, s'ils existent en nature, ou ceux qui ont été acquis en remploi (1);

2o Le prix de ses immeubles qui ont été aliénés pendant la communauté et dont il n'a pas été fait remploi ;

3o Les indemnités qui lui sont dues par la communauté (art. 1470 C. N.).

208. Par une faveur et une préférence qu'explique sa privation de pouvoir et d'influence dans les actes d'administration de la communauté, les prélèvements de la femme s'exercent avant ceux du mari.

Ils s'exercent pour les biens qui n'existent plus en nature, d'abord, sur l'argent comptant, ensuite, sur le mobilier, et, subsidiairement, sur les immeubles de la communauté dans ce dernier cas, le choix des immeubles est déféré à la femme (art. 1471 C. N.).

L'ordre de ces prélèvements ne peut être interverti; et après l'épuisement de l'argent comptant et du mobilier, la femme, privée de ses immeubles par le défaut de remploi, imputable au mari, en reprend en nature parmi les immeubles de la communauté, et a droit de les choisir après qu'estimation en a été faite par des experts.

209. Le mari ne peut exercer ses reprises que sur les biens de la communauté.

La femme, au contraire, par suite de la faveur et de la préférence dont nous avons déjà parlé, exerce ses reprises sur les biens personnels du mari, en cas d'insuffisance de ceux de la communauté (art. 1472 C. N.).

210. Les remplois et récompenses dus par la communautė aux époux, et les récompenses par eux dues à la communauté,

(1) Biens meubles ou immeubles existant en nature et n'étant point entrés en communauté, par exemple, en ce qui touche les biens meubles, sous l'empire de la clause qui exclut de la communauté le mobilier en tout ou en partie (voir au no 54). La femme reprend ces biens dans l'état où ils se trouvent, sauf l'indemnité qui pourrait lui appartenir, dans le cas où il y aurait eu dégradation par suite de la négligence que le mari aurait apportée dans son administration,

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