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ont succombé devant le grand intérêt de l'unité nationale.

Les mêmes excès ont produit dans un pays voisin une réaction centralisatrice exagérée comme en France. Si les attributions des députations provinciales ne s'étaient pas étendues à des objets réservés à l'autorité législative ou exécutive, tels que l'établissement des impôts, l'organisation de la milice nationale, la direction des élections politiques, etc., les vieilles franchises castillanes n'auraient pas été sacrifiées, en Espagne, au despotisme administratif.

Loin de nous donc la pensée de porter atteinte au double principe d'unité et de subordination entre le gouvernement et les conseils départementaux, principe consacré par toutes nos constitutions modernes comme par notre ancien droit public.

Ainsi l'ordonnance de convocation des conseils de département doit être, sauf les cas d'urgence, contresignée par le ministre de l'intérieur, et les procès-verbaux des assemblées de ces conseils doivent lui être transmis, afin qu'il vérifie s'ils ne contiennent rien de contraire aux lois générales et à l'autorité de l'État1.

Autant la loi doit favoriser l'exercice régulier des attributions administratives des conseils généraux, autant elle doit veiller à ce que ces assemblées ne sortent pas des bornes de leur compétence.

Une correspondance purement administrative entre les conseils généraux ne saurait être interdite; elle est souvent nécessaire pour assurer l'ensemble d'un ser

1 Loi du 27 avril 1794, section 3, art. 5.

vice qui intéresse plusieurs départements : toutes les législations étrangères l'autorisent dans ces limites, les unes par leur silence, les autres par des dispositions formelles. Mais si, sous prétexte de correspondre dans un intérêt administratif, plusieurs conseils généraux cherchaient à se fédérer dans un but politique hors des cas prévus par la loi, le gouvernement aurait le droit et le devoir de l'empêcher.

En général, tout conseil de département qui voudrait sortir des limites de ses attributions pourrait être suspendu par le préfet et poursuivi devant les tribunaux ; mais il ne peut être dissous, et ses actes illégaux ne peuvent être annulés qu'en vertu d'un décret du gouvernement 2.

1 Les États provinciaux peuvent entrer en correspondance avec les États des autres provinces sur des affaires qui sont de leur compétence (Loi provinciale néerlandaise de 1850, art. 96). Aucun conseil provincial ne pourra se mettre en correspondance avec le conseil d'une autre province sur des objets qui sortent de ses allributions (Loi provinciale belge, art. 91).

2 Art. 9, 14, 16, 17, de la loi du 22 juin 1833.

CHAPITRE V

DES PROPRIÉTÉS DÉPARTEMENTALES.

SOMMAIRE.

Principe de la propriété départementale. Décrets de 1811. Acquisition, aliénation, administration des propriétés départementales. Dons et legs faits aux départements. Actions judiciaires. Transactions.

Le département est-il, comme la commune, une personne civile? Peut-il acquérir, posséder, administrer, aliéner?

« Il n'en est pas, dit un publiciste, des départements comme des communes. La résidence dans les mêmes murs, le voisinage, les relations de commerce, la nécessité d'une police et d'une administration locale obligeront toujours le législateur, quelle que soit la forme du gouvernement établi, à reconnaître à la commune une existence à part, à lui attribuer des droits et à lui imposer des devoirs qui lui sont propres. Les mêmes motifs n'existent pas lorsqu'il s'agit d'une certaine étendue de territoire, sans agglomération

1 M. DUMESNIL, Des attributions des conseils généraux, t. I, p. 286.

d'individus, qu'on désigne cette étendue soit sous le nom de province, soit sous celui de département. Cette circonscription territoriale, tracée seulement pour les besoins de l'administration, n'emporte avec elle aucune des nécessités sociales attachées à l'existence des communes due à une combinaison administrative, elle peut sans inconvénient être remplacée par une combinaison nouvelle, mieux appropriée aux intérêts du pays. »

A l'appui de cette thèse on invoque, après avoir écarté l'exemple exceptionnel, dit-on, des pays d'États, la loi du 17 avril 1791, qui déclara que toutes les propriétés, tant mobilières qu'immobilières, appartenant aux ci-devant pays d'États, à titre collectif, étaient déclarées domaines nationaux, et que les dettes de ces pays étaient mises à la charge de la nation.

Mais 1° la loi de 1791 ne prouve rien, puisqu'à cette époque la spoliation des provinces ne fut que le prélude de celle du clergé, des communes, des hôpitaux, etc.

2o Le droit de créer des propriétés collectives, tout aussi inviolables que les propriétés individuelles, appartient à toute association établie ou tolérée par les lois.

3o Les décrets des 15 mars et 9 août 1814, suppléant au Code civil, ont imposé aux départements l'obligation d'acheter les mobiliers des préfectures, et leur ont concédé gratuitement la propriété des édifices destinés à l'administration, aux cours, aux tribunaux ct à l'instruction publique, à la charge de les entretenir et d'en payer les contributions avec les fonds spéciaux du département.

Le principe de la propriété départementale épouvante nos ultra - centralisateurs. « N'est-il pas à craindre, dit M. le chevalier Tarbé de Vauxclairs, inspecteur général des Ponts-et-Chaussées 1, qu'en assimilant les départements aux communes, sous le rapport des droits civils, on ne rétablisse, par la succession des temps, les provinces, les pays d'États, le fédéralisme? Il est évident que l'Assemblée constituante, en abattant ces grandes corporations qui gênaient la marche du gouvernement, a voulu les remplacer par des centres d'administration, et non par d'autres corporations pouvant, sous le manteau de la propriété, se procurer une sorte d'existence indépendante. >>

Nous avons trop souvent fait justice de ces considérations générales pour avoir besoin de les réfuter de nouveau. Du droit de s'ériger en une personne collective dérive le droit d'acquérir et de posséder. Or, le département, doté qu'il est d'établissements destinés à des services publics, et d'un budget destiné à faire prospérer ces services, offre tous les caractères d'une personne civile qui peut contester d'ailleurs, en présence d'une expérience de quarante ans, que la création de la propriété départementale n'ait excité de la part des conseils locaux un redoublement de sollicitude et de zèle pour l'accomplissement de tous les services, et ne soit devenue un principe d'améliorations de tout genre dans l'entretien des immeubles et dans la comptabilité des deniers?

▲ Dictionnaire des travaux publics, vo Routes départementales.

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