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saire, être soumis à la torture '; aucun délai ne lui était accordé pour sa défense, aucune communication des charges ne lui était faite 2; enfin, c'était une simple question que de savoir s'il pouvait être puni sans une sentence du juge, et Julius Clarus émet l'avis que toutes les solennités du jugement sont inutiles, et qu'un simple ordre du juge suffit : possent, his casibus, omitti solemnitates requisita in sententiæ prolatione et sufficerit simplex ordinatio à judice subscripta 3. Cette doctrine est suivie par Farinacius et par tous les légistes de la même époque. Il faut ajouter que le coupable surpris en flagrant délit pouvait être arrêté sans mandat du juge par tous les témoins du crime: hunc in flagranti crimine repertum propria auctoritate capere et ad judicem inducere licitum est, non solùm parti offensæ et cujus interest, sed etiam cuilibet de populo 5. Enfin, l'accusé était réputé saisi en flagrant délit quand il était pris dans l'exécution même du crime, ou même après cette exécution, soit pendant sa fuite, soit dans le lieu où il s'était caché, pourvu qu'il ne fût pas encore parvenu jusqu'au lieu où se dirigeaient ses pas : captura dicitur facta in flagranti crimine, quandò quis capitur in ipso actu malefacii aut post commissum maleficium, sive capiatur in ambulatione sive in latitatione, dummodò

1 Sentent., quæst. VIII, num. 2.

2. Ibid., num. 3.

3 Ibid., num. 4.

Farinacius, quæst. 21, n° 135; Carrerius, Pract. crim., tit. de Ind., § 3, n° 2; Follerius, v° Quod fuit captus in flagranti, n° 9; Ant. Gomez, tit. de Delictis, cap. 9, n°3; Guazzinus, def. V, cap. 8.

Guazzinus, def. V, cap. 8.

non pervenerit ad locum destinatum . On ne confondait pas, d'ailleurs, le crime notoire et le crime flagrant: la notoriété faisait preuve complète, tandis que le flagrant délit ne constituait qu'un commencement de preuve; la notoriété excluait toute défense et toute excuse, tandis que le flagrant délit n'avait pour effet que d'abréger les délais et de supprimer les solennités de la procédure 2.

L'ordonnance de 1670 n'adopta pas toute cette doctrine des légistes, mais elle maintint la double décision, puisée dans le droit romain, relative à l'arrestation de l'accusé sans mandat et à la poursuite du juge. L'art. 4 du tit. 2 enjoignait aux prévôts des maréchaux « d'arrêter les criminels pris en flagrant délit ou à la clameur publique. » L'art. 4 du titre 6 autorisait les juges à entendre les témoins d'office et sans assignation en cas de flagrant délit. L'art. 9 du tit. 10 ajoutait : « Après qu'un accusé pris en flagrant délit ou à la clameur publique aura été conduit prisonnier, le juge ordonnera qu'il sera arrêté et écroué. » Enfin, l'art. 14 du tit. 14 déléguait aux commissaires du Châtelet le pouvoir d'interroger pour la première fois les accusés pris en flagrant délit, et l'art. 3 du même titre portait même que les accusés pouvaient être interrogés dans le premier lieu qui serait trouvé commode.

Les commentateurs de cette ordonnance se sont attachés, en expliquant ces dispositions, à remplir

Guazzinus, loc. cit., num. 2.

Julius Clarus, lib. V, quæst. 9.

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la lacune qu'elles ont laissée en ce qui concerne la définition des cas de flagrant délit. Jousse s'exprime en ces termes : « Le cas de flagrant délit est lorsqu'un crime vient de se commettre et est exposé à la vue de tout le monde, comme lorsqu'une maison vient d'être incendiée ou un mur percé, ou qu'un homme vient d'être tué ou blessé dans une rue, ou lorsqu'il arrive une émotion populaire et que les témoins sont encore sur le lieu; alors, comme il arrive le plus souvent que l'information requiert célérité, et qu'il est nécessaire d'entendre promptement les témoins, ou de recevoir la déclaration du blessé, le juge doit sur-le-champ se transporter sur les lieux, en dresser son procès-verbal et entendre d'office ces témoins, sans attendre qu'on lui rende aucune plainte pour raison de ce délit '.» Jousse ajoute plus loin : « Un accusé est pris en flagrant délit lorsqu'il est surpris volant ou dérobant, ou qu'il est surpris avec les effets dérobés dans le lieu où s'est fait le vol ou auprès et immédiatement après le vol commis, ou, en fait de meurtre, lorsqu'il est pris dans l'action même, ou qu'il a été pris sur le lieu l'épée à la main et ensanglantée, dans l'instant du meurtre ou immédiatement après 2. » Rousseaud de la Combe déclare également : « Qu'un accusé est censé être pris en flagrant délit lors, par exemple, qu'en fait de vol, l'accusé a été pris volant ou dérobant, ou dans le lieu dans lequel le vol a été fait,

Traité de just. crim., t. II, p. 15. 2 Ibid., t. II, p. 16.

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ou bien lorsque le voleur a été trouvé avec la chose volée ou dérobée; en fait de meurtre et assassinat, lorsque le meurtrier a été pris dans l'action ou qu'il a été vu dans le lieu où le crime a été commis, avec l'épée, lui ensanglanté ou son épée'. » Serpillon pense aussi que « Le flagrant délit, c'est quand le cas est notoire, que le crime a été commis en présence du peuple; par exemple, un voleur qui a été surpris en dérobant ou saisi de la chose volée, un assassin qui a été vu l'épée à la main et ensanglantée dans le lieu où le meurtre a été commis 2. »

De tout ce qui précède, il résulte que, dans notre ancien droit, il n'y avait flagrant délit que lorsque l'accusé était surpris, soit dans l'exécution même du crime, soit dans les actes qui suivaient immédiatement cette exécution et qui s'y rattachaient étroitement. Il en résulte également que le flagrant délit avait un double effet: 1° de donner au juge le droit d'informer d'office, sans être saisi par la plainte de la partie lésée ou du ministère public; 2° de donner à toute personne le droit d'arrêter le coupable pour le conduire devant le juge.

$ 295.

Définition du flagrant délit dans notre droit actuel.

La loi du 16-29 septembre 1791 avait évidemment puisé dans notre ancien droit les art. 1, 2 et 3 du

Mat. crim., p. 232.

Code crim., t. I, p. 555.

titre 4, ainsi conçus : « Art. 1o. Lorsqu'un officier de police apprendra qu'il se commet un délit grave dans un lieu, ou que la tranquillité publique y aura été violemment troublée, il sera tenu de s'y transporter aussitôt, d'y dresser procès-verbal détaillé du corps du délit, quel qu'il soit, et de toutes ses circonstances, enfin de tout ce qui peut servir à conviction ou à décharge. Art. 2. En cas de flagrant délit ou sur la clameur publique, l'officier de police fera saisir et amener devant lui les prévenus, sans attendre les déclarations des témoins, et si les prévenus ne peuvent être saisis, il délivrera un mandat d'amener pour les faire comparaître devant lui. — Art. 3. Tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen sera tenu de s'employer pour saisir un homme trouvé en flagrant délit, ou poursuivi par la clameur publique comme coupable d'un délit et de l'amener devant l'officier de police le plus voisin.»>

Voici dans quels termes l'instruction du 29 septembre 1791 expliquait ces articles : « Dans le cas de flagrant délit, tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen, doit, pour l'intérêt de la société, s'employer de lui-même à saisir le délinquant; car tous les bons citoyens doivent former sans cesse une ligue sainte et patriotique contre les infracteurs de la Constitution et des lois, concourir à empêcher qu'un délit ne se commette, et à remettre entre les mains des ministres de la loi les délinquants qu'ils ont surpris troublant l'ordre public. On doit considérer comme équivalent au cas de flagrant délit,

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