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La société a été mise en état de liquidation judiciaire le 17 décembre 1895 et plus tard déclarée en faillite.

A la suite d'un jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 13 février 1897, qui a condamné les associés commanditaires à reverser à la caisse sociale le montant de tous les intérêts touchés par eux par ce motif que ces intérêts représentaient des dividendes fictifs, les syndics ont, par exploit du 6 avril 1897, contenant assignation devant le tribunal civil, demandé la restitution de la somme de 5.700 fr. représentant la taxe sur le revenu acquittée depuis le 17 avril 1891. Ils ont prévenu l'Administration que cette assignation n'avait d'autre but que d'interrompre la prescription; qu'ils attendraient pour saisir le tribunal la solution définitive du procès engagé contre les commanditaires ;

Le jugement du 13 février 1897 a été confirmé par un arrêt de la Cour d'appel du 2 juillet suivant, et le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par un arrêt de la Chambre civile en date du 7 novembre 1899. Dans cette situation, l'Administration a examiné la réclamation faite par les syndics; tout en reconnaissant qu'elle était fondée en principe, elle a pensé que la restitution devait être réduite à 4.500 fr., le surplus étant atteint par la prescription quinquennale au moment de la notification de l'exploit introductif d'instance.

En conséquence, elle a délivré un mandat de paiement de 4.500 fr. au profit des syndics; mais ces derniers ont refusé de l'accepter, et pour éviter la péremption, ont assigné l'Administration en reprise d'instance par exploit du 7 avril 1900.

Les demandeurs, tant dans l'exploit introductif d'instance que dans leur mémoire en date du 8 décembre 1900, ont soutenu qu'il s'agissait dans l'espèce d'une perception effectuée à titre provisoire et sauf règlement ultérieur; que,dans ces conditions,la prescription ne pouvait courir tant que l'action en restitution n'avait pas pris naissance, c'est-à-dire que le règlement n'avait pas eu lieu ou que l'époque du règlement n'était pas échue; que, par conséquent, les quatre paiements de 1891 s'élevant à 1.200 fr., qui devaient être liquidés le 20 mai 1892, ne pouvaient être atteints par la prescription, l'acte interruptif ayant date du 6 avril 1897.

Sur ce débat le tribunal de Limoges a statué comme suit:

Attendu que la Société Maigne et Ranson n'a à aucune époque de son existence réalisé de bénéfices; que tous les versements faits par elle tant à ses commanditaires qu'au Trésor à raison de l'impôt dont elle pouvait être redevable étaient fictifs ainsi qu'il appert des jugements et arrêt susvisés ;

Attendu que la prescription quinquennale invoquée par l'administration de l'Enregistrement ne court pas du jour des versements, c'est-à-dire du jour où les droits ont été acquittés, mais à partir seulement du 30 juin 1891, date fixée pour la clôture de l'exercice et pour la confection de l'inventaire de la société ; que c'est à cette date du 30 juin qu'il faut reporter la date du départ de la prescription et non au mois de mai 1892, le délai de la

prescription de cinq ans ne commençant qu'à partir du jour où l'action en répétition a pu être valablement exercée ;

Attendu, en effet, que l'art. 8 des statuts porte que chaque année, le 30 juin, il sera fait un inventaire de l'actif et du passif de la société ; qu'il faut se placer au moment de l'inventaire pour savoir si des bénéfices ont été réalisés ou non ; et que c'est à cette date que la société pouvait établir l'improductivité de l'exercice précédent et demander le remboursement du droit payé à titre provisoire sur le revenu présumé ; que n'ayant jamais réalisé de bénéfices, la société était dispensée de payer l'impôt ; que son action en restitution était née, la première année même de son existence; qu'elle a eu le tort de n'en point user;

Attendu, en effet, que le droit d'exercer l'action en répétition de l'indù se rattache à l'exercice dans lequel il est né par le versement de fonds sans que le Trésor eût à s'occuper, comme dans l'espèce, de la mauvaise foi des directeurs ou administrateurs ;

Attendu que la société Maigne et Ranson était fondée à se pourvoir en restitution à la seule condition d'établir le caractère véritable des distributions effectuées; qu'il lui était facile de démontrer qu'elle n'avait réalisé aucun bénéfice; qu'en ne le faisant pas elle a volontairement payé l'indù et fait des versements dont elle était dispensée ;

Attendu que c'est du jour du paiement de l'indû que la prescription quinquennale court au profit du Trésor; que l'acte interruptif porte la date du 6 avril 1897; que, dans ces conditions, les paiements effectués du 17 avril 1891 au 12 janvier 1892 sont atteints par la prescription; Par ces motifs.....

Observations.· Pour les sociétés soumises à l'impôt sur le revenu d'après le forfait de 5 0/0, le fait générateur de la taxe est, d'après la jurisprudence (1) acceptée par la Régie, la réalisation d'un bénéfice au cours de l'exercice social. C'est donc au jour de la clôture de cet exercice que nait l'action en remboursement des parties s'il a été complètement improductif, car il est certain, dès ce jour, que toutes les sommes versées d'avance à titre provisoire l'ont été indûment.

Si, au contraire, l'exercice a été productif, ce n'est pas dès le jour de la clôture que naît l'action en restitution, mais seulement à la date de la liquidation définitive de l'impôt (T. A., Impôt sur le revenu, 407). Cette liquidation, en effet, peut être influencée par les cessions de parts sociales intervenues dans l'année et de telles cessions peuvent se produire, dans les derniers jours de l'année, c'està-dire après la clôture de l'exercice si cette clôture a lieu avant le 31 décembre.

Le jugement qui précède ayant statué dans un cas où l'exercice social avait été complètement improductif décide avec raison que l'action en remboursement prenait naissance au jour même de la clôture de l'exercice.

Annoter T.A., Impôt sur le revenu, 407.

(1) Civ. 13 avril 1886; S.87. 1. 181; Versailles, 10 juin 1887; J. E. 23049; R. P. 6912.

L'Imprimeur-Gérant J. THEVENOT.

Art. 2768.

Successions. Etablissements publics. legs. Loi du 4 février 1901.

Dons et

INSTRUCTION DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR POUR L'EXÉCUTION DE LA LOI.

Du 10 juin 1901.

Monsieur le Préfet, le Journal officiel du 6 février dernier a publié une loi du 4 du même mois, qui apporte des modifications importantes aux règles en vigueur sur la tutelle administrative en matière de dons et legs. Le législateur s'est proposé un triple objet : simplifier et unifier les dispositions législatives ou réglementaires en matière d'autorisation d'accepter ou de refuser les libéralités faites aux établissements publics ou d'utilité publique; faire un nouveau pas en avant dans la voie de la décentralisation administrative et, tout en augmentant les attributions des autorités électives ou locales, håter la solution de questions qui tenaient jusqu'ici en suspens pendant des délais fort longs les intérêts les plus graves des établissements et des familles.

Déjà le décret du 1er février 1896, commenté par la circulaire de l'un de mes prédécesseurs en date du 15 mars suivant, avait simplifié la procédure de l'instruction pour les demandes d'autorisation; mais on ne pouvait aller plus loin par la voie réglementaire, ni toucher à l'ordre des compétences, qui avait été réglé législativement et qui est d'ailleurs par essence du domaine de la loi. Or, les dispositions légales relatives à l'autorisation d'accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires étaient contenues jusqu'ici dans des textes nombreux, dont certains faisaient partie de lois organiques distinctes, et, par là même, n'avaient pu être conçues et rédigées avec une méthode et une logique irréprochables. L'avantage de la nouvelle loi, même à ne l'envisager qu'à ce point de vue spécial, est de coordonner toutes les dispositions antérieures et de faire enfin de notre législation sur la matière un tout homogène et mieux ordonné.

Je passerai successivement en revue les articles de la loi nouvelle, qui répondent d'ailleurs aux divisions naturelles du sujet.

1. LIBÉRALITÉS FAITES A L'ÉTAT OU AUX SERVICES NATIONAUX.

Les dons et legs faits à l'Etat, ou aux services nationaux non pourvus de la personnalité civile, sont autorisés par décret du Président de la République.

Jusqu'ici l'incertitude régnait sur la nécessité d'une autorisation pour l'acceptation des dons et legs faits à l'Etat lui-même, l'art. 910 C. civ. ne visant que les hospices, les pauvres et les établissements d'utilité publique. D'autre part, la mème incertitude existait sur les formes de l'autorisation. Appartenait-elle aux ministres ou fallait-il un décret? Ce décret pouvait-il étre simple ou devait-il être rendu en Conseil d'Etat ? Désormais la question est tranchée. Les libéralités faites à l'Etat directement, ou aux services gérés par lui et qui n'ont pas une personnalité distincte, seront autorisées par un décret simple; un décret rendu en Conseil d'Etat sera nécessaire s'il y a réclamation.

L'autorisation n'est nécessaire que pour l'acceptation: les représentants de l'Etat ont donc la faculté de refuser les libéralités qui lui sont faites, sans avoir à demander la consécration d'un décret.

Dès que vous aurez reçu avis de libéralités intéressant l'Etat ou un de

ses services non pourvus de la personnalité civile, vous aurez donc à accomplir, comme par le passé, et à l'égard des héritiers connus et inconnus, s'il s'agit d'une disposition testamentaire, toutes les formalités de procédure prescrites par le décret du 1er février 1896. A l'expiration des délais que prévoit ce règlement, vous transmettrez les pièces de l'instruction au ministre à qui il appartiendra de statuer, c'est-à-dire soit au ministre des finances, si le legs est fait à l'Etat sans condition ou à un service ressortissant à son administration, soit au ministre dans le département duquel se trouvera le service bénéficiaire.

Vous ne devrez vous abstenir de procéder aux formalités d'instruction que si le ministre compétent vous informe d'une décision de refus, définitivement prise par lui, et notifiée aux intéressés.

II. LIBÉRALITÉS FAITES AUX DÉPARTEMENTS.

Pour les libéralités faites aux départements, le texte en vigueur jusqu'ici était l'art. 46, no 5, de la loi du 10 août 1871, d'après lequel le conseil général statuait définitivement sur l'acceptation ou le refus des dons et legs faits au département quand ils ne donnaient pas lieu à réclamation. En cas de réclamation, la règle générale reprenait son empire et il fallait un décret en Conseil d'Etat.

L'art. 2 de la nouvelle loi modifie le paragraphe 5 de l'art. 46, pour en mieux préciser la rédaction et éviter une difficulté d'interprétation. On pouvait conclure, en effet, de l'ancien texte que, si la libéralité donnait lieu à réclamation, le conseil général ne pouvait la refuser sans autorisation, ce qui était peu logique et, de plus, soumettait, depuis la loi du 5 avril 1884 et sans raison explicable, les assemblées départementales à un régime de tutelle plus rigoureux que celui des conseils municipaux.

Désormais, il est hors de doute que le conseil général pourra refuser par une délibération définitive, une libéralité faite au département lors même que cette libéralité donnerait lieu à réclamation. Mais, en vertu de la disposition générale de l'art. 7, il ne pourra, comme aujourd'hui d'ailleurs, accepter qu'avec l'autorisation du gouvernement, en Conseil d'Etat, les libéralités qui font l'objet de réclamations.

L'art. 53 de la loi du 10 août 1871 n'est pas modifié. Il vous confère le droit, Monsieur le Préfet, d'accepter ou de refuser les dons et legs faits au département, en vertu soit de la délibération du conseil général, si elle est définitive, soit de la décision du gouvernement, s'il y a réclamation.

C'est également vous qui, en vertu du même article, possédez le droit d'intervenir pour l'acceptation provisoire, dans tous les cas.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler que votre acceptation définitive ne doit intervenir qu'après l'expiration des délais prescrits par le décret du 1er février 1896 et qu'il importe d'accomplir avec le plus grand soin toutes les formalités administratives imposées par ce décret. Votre droit d'assurer l'exécution de la délibération du conseil général, sans être muni d'une autorisation du chef de l'Etat, ne peut s'exercer que lorsqu'il est manifeste que tous les héritiers du testateur ont été mis à même d'user de la faculté qui leur a été conférée par la loi. Si cette règle était méconnue, le département serait exposé à voir contester ses droits à la propriété des biens légués.

Dans le cas où l'instruction aurait été faite dans un autre département que le vôtre, il vous appartiendra néanmoins d'examiner si dans ce département aucune irrégularité n'a été commise, soit pour les notifications individuelles à faire aux héritiers connus, soit pour les publications concernant les héritiers inconnus. Vous dénonceriez éventuellement à votre collègue celles que vous croiriez avoir constatées, en le priant de procéder

à un complément d'instruction. Si une divergence d'opinions surgissait entre vous à ce propos, il y aurait lieu de soumettre à mon administration le point litigieux.

En résumé, il n'est rien innové au fond en ce qui concerne les libéralités faites aux départements, mais la nouvelle rédaction de l'art. 46, no 5, de la loi du 10 août 1871 ne laisse plus aucun doute sur les droits du conseil général et sur ceux du gouvernement.

La formule dont s'est servi le législateur pour régler à l'avenir les pouvoirs des conseils généraux a pour conséquence de soustraire le département de la Seine à l'application de l'art. 2 de la loi du 4 février 1901. Cet article, en effet, modifie simplement l'art. 46 de la loi du 10 août 1871, qui n'est pas applicable à ce département.

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La loi du 5 avril 1884 avait établi les distinctions suivantes : si les libéralités étaient faites sans charges ni conditions, le conseil municipal les acceptait définitivement (art. 68, no 8); s'il y avait des charges ou conditions, l'autorisation d'accepter était donnée par le préfet en conseil de préfecture; s'il y avait réclamation des prétendants droit à la succession, l'autorisation était donnée par un décret en Conseil d'Etat.

Acceptation.

Il a paru inutile de maintenir la distinction entre les dons et legs purs et simples et les libéralités faites avec charges ou conditions; les uns comme les autres peuvent être acceptés désormais par le conseil municipal sans autorisation, ce qui a entraîné la modification de l'art. 68 et de l'art. 111 de la loi du 5 avril 1884.

Lorsque les libéralités sont faites avec des charges ou des conditions, vous êtes dessaisi du droit que vous teniez de l'art. 111 de la loi municipale d'en autoriser l'acceptation. L'importance de la nouvelle disposition ne vous échappera pas : elle transforme la nature du contrôle que vous avez à exercer en ces matières sur l'administration communale, mais elle ne le fait pas disparaître. Si le pouvoir de tutelle est aboli, il vous reste le droit de veiller à ce que les assemblées générales respectent scrupuleusement les limites tracées par la loi elle-même entre les attributions des différents établissements publics.

Cette limitation a été formulée très nettement par la jurisprudence du Conseil d'Etat en de nombreuses espèces et constitue dans son ensemble le principe de la spécialité (V. Notes de jurisprudence, Section de l'Intérieur, des Cultes, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts du Conseil d'Etat, 1899, p. 198 et suiv.). « Qu'un legs, par exemple, soit fait à une commune, dit à ce propos le rapport fait à la Chambre des députés sur le projet qui est devenu la loi du 4 février 1901, à la charge d'en employer le produit soit à faire dire des messes, soit à entretenir des écoles congréganistes, la commune ne pourrait en exécuter les charges sans sortir du cercle de ses attributions légales dans le premier cas, ou sans violer, dans le second cas, la loi du 30 octobre 1886, qui interdit aux communes de fonder des écoles privées ou de les entretenir. » L'autorisation préventive du préfet ou du gouvernement avait autrefois pour objet notamment d'empêcher cette extension abusive des attributions du conseil municipal ou cette violation de la loi. Mais sous le nouveau régime, votre administration ne restera pas désarmée; seulement votre contrôle au lieu d'être pré ventif, deviendra répressif » (méme rapport). Si donc un conseil municipal acceptait une libéralité dont l'objet est incompatible avec ses attributions légales, ou qui serait soumise à des conditions contraires à la loi, vous

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