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Nolff, curé de Saint-Pierre de Lille, département du Nord.

Rangeard, curé d'Andard.

Jean-Marie Delaunay, recteur de Plouagat, département des Côtes-du-Nord.

Burnequets, curé de Mouthes, département du Doubs.

Aury, curé d'Hérisson, département de l'Allier.

Guino, recteur d'Elliane, département du Finistère.

Rousselot, curé, député du département de la Haute-Saône.

Delabat, curé de Saint-Léger.
Mesnard, député.
De Surade.
Duplaquet.

M. Royer, curé de Chavannes, s'exprime

ainsi :

«Il est bien consolant pour un pasteur chargé depuis trente ans des pénibles, mais très augustes fonctions du ministère, de pouvoir prêter devant l'Assemblée des représentants de la nation le serment de lui être fidèle, à la loi et au roi. C'est donc franchement, pour me servir de l'expression de notre monarque, le restaurateur de la liberté, que je prête le serment tel qu'il a été décrété par l'Assemblée. »

M. l'abbé Colaud de La Salcette. Je n'ai pas l'honneur d'être tonctionnaire public, mais je vous prie de me permettre de prêter serment comme ayant été ci-devant chanoine de cathédrale et recevant un traitement. « Je jure de « nouveau d'être fidèle à la nation, à la loi et au « roi, de maintenir de tout mon pouvoir tous les « décrets de l'Assemblée nationale, et notamment « ceux qui concernent la constitution civile du clergé, acceptés et sanctionnés par le roi. » Je pense que nul citoyen français ne doit vivre aux dépens de l'Etat s'il ne fait profession publique de soumission à la loi. (On applaudit.)

M. l'abbé Duplaquet. Ni moi non plus, je ne suis ni curé ni fonctionnaire public; cela ne m'empêche pas de renouveler un serment que j'ai déjà prêté avec la plus vive satisfaction; mes sentiments ne peuvent point être suspects, puisque le premier, dans la nuit du 4 août, j'ai abdiqué més bénéfices. (On applaudit.)

M. Dom Gerle. Je ne suis pas fonctionnaire public, mais je suis citoyen; c'est à ce titre que je renouvelle mon serment. (On applaudit.)

M. l'abbé Tridon se présente à la tribune et dit: Comme citoyen, je jure d'être fidèle à la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale est acceptée par le roi; comme pasteur, je jure de veiller avec soin sur les fidèles qui me seront confiés; comme chrétien, je jure de ne reconnaître, comme vous, d'autre autorité spirituelle que celle du Saint-Siège et des évêques.(Des murmures s'élèvent.)

M. le Président fait remarquer à M. l'abbé Tridon que l'Assemblée ne peut recevoir de serment que celui déterminé dans les décrets.

(M. l'abbé Tridon persiste dans sa rédaction.

(L'Assemblée refuse son serment.)

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« Les billets des administrateurs des domaines, et les assignations sur les dits domaines, dont le remboursement avait été suspendu par l'arrêt du conseil du 16 août 1788, seront remboursés à leurs échéances, à compter du premier janvier 1791, et cesseront en conséquence de produire des intérêts à compter desdites échéances à l'égard des billets renouvelés, et dont les échéances tombent dans les différents mois de l'année 1791, ceux qui s'en trouvent porteurs auront la faculté de se présenter, à compter du premier janvier prochain, et ils seront remboursés avec retenue de l'escompte à 5 0/0 depuis le jour où ils se présenteront, jusqu'au jour de l'échéance. Art. 3.

Ceux desdits billets et assignations qui sont échus, et qui n'ont pas été renouvelés, seront remboursés au premier janvier prochain, avec les intérêts du capital primitif, sur le pied de effets; ils cesseront de produire des intérêts à 5 0/0 à compter de l'échéance de chacun desdits compter dudit jour premier janvier 1791.

Art. 4.

« Les reconnaissances au porteur délivrées au Trésor public, conformément à la proclamation du 11 novembre 1789, en échange de remboursements suspendus, cesseront de produire des intérêts à compter du premier janvier 1791, et seront remboursés à cette époque, en rapportant par les propriétaires lesdits reconnaissances et les deux coupons de 1791, sauf l'imputation sur les capitaux des coupons à échoir qui ne seraient pas rapportés; sauf à faire le payement desdits coupons lorsqu'ils seront rapportés.

"

Art. 5.

L'échange en reconnaissance du Trésor public des effets au porteur sortis en remboursements, n'aura plus lieu à compter du jour de la publication du présent décret; et les propriétaires de ces effets sortis, non encore échangés, seront remboursés sur la simple remise desdits effets; savoir des billets des loteries établies par les arrêts du conseil des 29 octobre 1780, 5 avril 1783, 4 octobre de la même année, et 13 octobre 1787; des billets au porteur de l'emprunt de 125 millions, créé par édit de décembre 1784; des bulletins délivrés pour chaque somme de 1,000 livres employée à l'acquisition des rentes créées par édit de décembre 1785, et des actions et portions d'actions de l'ancienne compagnie

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

des Indes. Il sera tenu compte en même temps aux porteurs desdits effets, des intérêts à 5 0/0 qui leur seront dus, à partir de l'époque à laquelle le remboursement devait être effectué, sans que, sous le prétexte des dispositions du présent article, il puisse être fait aucun payement d'effets non sortis au remboursement.

Art. 6.

Pour constater les intérêts appartenant à chacun desdits effets au porteur non échangés, les propriétaires se présenteront au liquidateur du Trésor public, qui en fera le décompte, et en délivrera le bulletin, lequel sera joint aux effets acquittés par la caisse de l'Extraordinaire.

Art. 7.

« Les intérêts payés par la caisse de l'Extraordinaire à la décharge du Trésor public, seront remboursés par le Trésor public à la caisse de l'extraordinaire; en conséquence, les bulletins d'intérêts acquittés par la caisse de l'Extraordinaire, seront passés par elle pour comptant au Trésor public, dans les sommes qu'elle aura à lui fournir, d'après les décrets de l'Assemblée.

Art. 8.

« Les lots comprenant le remboursement de chaque billet de 600 livres de la loterie établie par l'arrêt du conseil du 5 avril 1783, sortis par le tirage fait au mois d'octobre dernier, seront remboursés au premier avril 1791, sur la remise du billet.

Art. 9.

Quant aux parties constituées dans l'emprunt de 125 millions de l'Edit de décembre 1784, et sorties en remboursement, les arrérages en cesseront à compter du premier janvier 1791; elles seront remboursées à cette époque en remplissant par les propriétaires les formalités qui seront prescrites par l'article 12 ci-après, et en donnant quittance de la somme de 1,000 livres portée en chaque billet originaire, si l'accroissement de capital a été converti en reconnaissance, en vertu de la proclamation du 11 novembre 1789; et, dans le cas contraire, en donnant quittance, tant de ladite somme de 1,000 livres que de l'accroissement ou augmentation de capital attribué à chaque billet, conformément au tirage, et en rapportant de plus, par le propriétaire, le certificat du notaire possesseur de la minute du contrat, que sur cette minute il n'y a aucune mention de remboursement dudit accroissement.

Art. 10.

"Lors de la liquidation des parties constituées mentionnées en l'article précédent, il sera fait le décompte des intérêts, tant du capital de 1,000 liv. porté en chaque billet dudit emprunt, que de son accroissement, le tout à compter du premier avril de l'année du tirage. Sur le montant de ces intérêts, et, en cas d'insuffisance, sur le capital porté en la quittance du remboursement, il sera fait déduction des arrérages et intérêts touchés depuis le premier janvier de l'année du tirage.

Art. 11.

« Les quittances de finance au porteur, ou portant les noms des propriétaires, ainsi que celles sur lesquelles il a été passé des contrats, provenant des emprunts de 100 millions de l'édit de décembre 1782, et de 80 millions de l'édit de

127 décembre 1790.]

décembre 1785, qui n'ont pas été et ne seront pas converties en rentes viagères; les contrats des rentes ci-devant dues par l'Ordre du Saint-Esprit, et les contrats de rentes assignées sur le domaine de l'Hôtel de ville de Paris, sortis en remboursement par les tirages antérieurs à l'arrêt du conseil du 16 août 1788, même les quittances de finance et contrats sortis par les tirages faits depuis, et qui sortiront par ceux qui restent à faire dans ce présent mois de décembre, pareillement les quittances de finance au porteur, et celles aunexées à des contrats de constitution provenant de l'emprunt national, et qui sortiront par le tirage du présent mois, seront remboursés au premier janvier 1791, et cesseront de produire des intérêts à compter de cette époque. Art. 12.

« Les quittances de finance au porteur mentionnés en l'article précédent, seront rapportées déchargées du contrôle à la caisse de l'Extraordinaire, avec les coupons à échoir, à compter du premier janvier 1791; et, s'il en manquait, le montant en serait déduit sur le capital, sauf à faire le payement desdits coupons lorqu'ils seront représentés.

Art. 13.

"Les propriétaires de contrats et quittances de de finance en noms, donneront quittance de remboursement dans les formes ordinaires, et seront tenus d'y joindre, soit leurs quittances de fin ince en noms, déchargées du contrôle, soit les grosses des contrats, avec les pièces à l'appui de leurs droits et qualités, et avec les certificats des mentions de décharges et de rejets accoutumés, et celui du conservateur des hypothèques sur les finances; le tout sera présenté au commis liquidateur du Trésor public, pour y être vérifié et ensuite rapporté avec le visa du commis liquidateur du Trésor public, à la caisse de l'extraordinaire, pour le remboursement y être effectué comme simple effet au porteur.

Art. 14.

A l'égard des parties de rentes constituées, rejetées par les payeurs et non remboursées, et dont le rétablissement n'a pas été fait en exécntion de la proclamation du 11 novembre 1789, elles seront remboursées aux propriétaires sur leurs anciennes quittances de renboursement, et il leur sera tenu compte des intérêts qui peuvent leur appartenir depuis l'époque du rejet jusqu'au premier janvier 1791, sans qu'i's soient assujettis à d'autres formalités, que de rapporter 1° un certificat du payeur que le rétablissement n'a pas eu lieu; 2° et un nouveau certificat du conservateur des hypothèques sur les finances.

Art. 15.

» La caisse de l'Extraordinaire remboursera également au 1er janvier 1791, ce qui se trouvera exigible à cette époque, des objets compris dans la suspension de 1788, et déjà liquidés à l'époque de ladite suspension; savoir les offices supprimés au ci-devant conseil d'Alsace et du parlement de Pau, et les offices supprimés dans la maison du roi et dans celle de la reine, par édits du mois de janvier 1788 et mars 1789.

Art. 16.

Pour l'exécution de l'article précédent, les quittances de remboursement, titres et pièces à fournir par les parties prenantes seront présen

tés au commis liquidateur du Trésor public, visés de lui, et payés par la caisse de l'Extraordinaire, de la manière ordonnée par l'article 13.

Art. 17.

« Les arrérages et intérêts de tous les objets dont le remboursement a été ci-dessus ordonné, seront retranchés par tous trésoriers et payeurs, des états dans lesquels ils étaient employés, à compter des époques de cessation de jouissance, indiquées par les précédents articles.

Art. 18.

Les payements des effets suspendus, qui doivent être effectués en exécution du présent décret, seront faits par le trésorier de la caisse de l'Extraordinaire, sur les mandats du commissaire du roi administrateur de ladite caisse, joints aux effets au porteur, contrats et autres titres de créances à rembourser. Lesdits manda's seront ensuite échangés contre une ordonnance du roi, de la somme à laquelle monteront les

mandats.

Art. 19.

« Il sera établi un ordre pour indiquer la délivrauce qui sera faite, dans chaque jour du mois, des mandats de l'administrateur de la caisse de l'Extraordinaire, pour les différents objets qui se payeront à cette caisse. Tous les mois, et trois jours au moins avant la fin du mois, l'ordre du mois suivant sera rendu public par des affiches imprimées. Les parties prenantes se rendront aux bureaux de l'administration, aux jours qui seront indiqués selon la différente nature de leurs titres. A l'égard du payement des mandats, il sera acquitté à la caisse tous les jours indistinctement.

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Un membre demande que les commissaires, sur le rapport desquels a été rendu le décret du 8 novembre dernier, soient chargés de présenter incessamment un article additionnel pour déterminer le mode suivant lequel les titulaires d' fices, en faisant la remise de leurs titres, recevront le visa qui les autorisera à donner en payement de domaines nationaux, la moitié du montant du prix de leurs offices, avant la liquidation.

(Cette demande est renvoyée aux deux comités de judicature et de liquidation.)

M. Camus, commissaire de l'Extraordinaire, demande que l'erreur qui s'est gli-sée dans la rédaction de l'article 6 du décret du 6 décembre présent mois, concernant la caisse de l'Extraordinaire, soit réformée, et qu'en conséquence, l'article porte ces mots : l'administrateur proposera au roi, au lieu de ceux-ci proposera au commissaire du roi.

L'Assemblée décrète cette modification et l'article se trouve, en conséquence, rédigé comme suit:

«L'administrateur proposera au roi les mesures qui lui paraîtront les plus convenables pour surveiller et opérer la rentrée de la contribution patriotique, et celle des autres objets à verser dans la caisse de l'Extraordinaire. »

M. Le Couteulx de Canteleu, au nom du comité des finances, présente le projet de décret suivant, qui est adopté sans discussion:

« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

Le directeur général du Trésor public est autorisé d'établir, sous sa direction et sa surveillance, un bureau de correspondance générale avec les receveurs de district, formé en quatre sections, entre lesquelles seront partagés les quatre-vingt trois départements, avec un directeur et deux chefs de bureau à chaque section, el autant de commis qu'il sera nécessaire. Les comptes de chacun des receveurs de district v seront tenus en partie double, pour s'assurer de la recette effective et des sommes à disposer à terme fixe, pour les besoins du Trésor public. Art. 2.

Ce sera à ce bureau que les receveurs respectifs remettront les fonds de leur recette, dont il leur sera donné des récépissés signés par le trésorier préposé à cet effet, lesquels seront, à la fin de chaque année, échangés contre des quittances comptables; ce sera à ce même bureau que seront fournies des rescriptions à vue sur lesdites recettes pour de l'argent comptant, et que se tireront les rescriptions sur les mêmes recettes, pour les dépenses des départements les lieux; lesdites rescriptions seront signées par un signataire nommé, et visées par le directeur dans la section duquel sera la recette sur laquelle rescription sera tirée.

«

Art. 3.

Chaque jour les fonds remis directement par les receveurs, les fonds reçus en échange pour des rescriptions, et les rescriptions destinées aux dépenses des départements, seront remises au Trésor public, et le trésorier préposé à cet effet en donnera les décharges nécessaires, dans lesquelles seront distinguées les remises en argent et les remises en rescription. »

M. Dauchy, au nom du comité d'imposition, propose un article additionnel aux dispositions déjà décrétées sur les messageries.

Cet article est adopté dans les termes suivants : « L'Ass mblée nationale décrète que les dispositions du décret du 20 de ce mois, qui prorogent jusqu'au 1er avril prochain les baux et sous-baux des messageries,sont communes aux entrepreneurs et sous-entrepreneurs chargés de la conduite des voitures de messageries, tant par terie que par eau, et qu'en conséquence les entrepreneurs et sous-entrepreneurs de ces différents services seront tenus de les continuer pendant les trois premiers mois de 1791. »

Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent successivement à l'Assemblée de vendre, et l'Assemblée déclare vendre aux municipalités ci-après, les biens compris dans leurs différents états, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai,toutes lesquelles sommes payables de la manière déterminée par le même décret;

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L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés.

M. Mougins. J'ai lu avec attention le projet de loi que vous a proposé M. Duport. J'ai tâché d'en méditer les principes, d'en combiner les rapports; je me suis convaincu qu'il avait tout vu en philosophe, et presque rien en magistrat.

D'abord j'interroge tous ceux qui connaissent les principes de la législation criminelle; je leur demande si l'ordonnance de 1670, qui règle les formalités des accusations, des plaintes, ne présente pas, à quelques réformes près, un ensemble de vues, une unité de principes, capables de rassurer la société entière pour la protection de l'innocence et la découverte des crimes; et ces réformes que cette ordonnance exigeait pour être perfectionnée, vous les avez opérées.

Les amis de l'humanité ont vu avec attendrissement obtenir ce que sollicitaient la raison et la justice. On lui accorde un conseil que la loi civile n'a pas le droit de refuser, parce que c'est la loi naturelle qui l'accorde. Vous avez ordonné cette publicité tutélaire qui ne peut être un malheur que pour l'ignorance ou la mauvaise foi. Vous avez proscrit ce siège honteux dont l'infamie osa dérober l'usage à la pitié qui le créa. Elle n'est plus aussi, cette férocité de tortures, reste impie des siècles barbares:

Ajoutez à toutes ces réformes commandées par la nature et par l'humanité l'établissement de quelques jurés, suivant le mode qui était en usage chez les Romains, qui jugeront le fait de l'accusation près de chaque tribunal de district, lequel appliquera la loi, et vous aurez tout fait pour la justice et pour l'humanité.

Mais, Messieurs, si vous adoptez les différentes lois que vous propose votre comité, si vous embrassez ce système métaphysique qui en forme l'essence, si vous compliquez une procédure, qui doit être claire, simple, de tous les ressorts à la faveur desquels on voudrait la faire mouvoir, je le dis à regret, mais avec toute la franchise de l'expérience, vous donnez un brevet d'impunité à tous les malveillants du royaume. Quels circuits, quelles sinuosités métaphysiciennes on remarque dans le projet du comité! Il faudrait parcourir cinq tribunaux avant que d'avoir une décision définitive..... Je demande si les lenteurs que ces formes réellement bizarres, et qui n'ont été jusqu'aujourd'hui en usage chez aucun peuple de la terre, occasionneraient ne présenteraient pas des inconvénients terribles pour les droits de l'innocence et le maintien de l'ordre public. Car si l'accusé que vous renvoyez du tribunal de gendarme à celui du juge de paix, du juge de paix au petit jury, du petit jury au grand jury, et ainsi de suite, est innocent, combien ne retardez-vous pas son triomphe ? S'il est coupable, ne craignez-vous pas qu'il trouve le moyen d'opérer, à travers ces lenteurs, son salut par la fuite?

Ce premier inconvénient n'est pas le seul qui frappe contre les projets de vos comités; il en est d'autres qui sont également sensibles. Je demande si l'on croit qu'il soit prudent de confier à un cavalier de maréchaussée, à un juge de paix, le droit terrible de lancer un décret de prise de corps, ou, ce qui est la même chose, un mandat d'amener? Vous développerai-je les connaissances qu'il fallait avoir pour bien connaître la nature des preuves? Croyez-vous que toutes ces nuances si essentielles à saisir puissent être confiées à des hommes que M. Duport crée tout à coup magistrats, et plus accoutumés à des courses qu'à l'étude des fois; à des juges de paix, plus aptes à connaître du dommage causé à un champ que du rapport des preuves et de leur combinaison ? Ce n'est pas à de telles mains que vous devez confier le droit terrible de prononcer sur la liberté des hommes.

Votre comité abdique les preuves écrites; tout se fera verbalement. Le jugement seul sera écrit ; les preuves ne le seront pas.

Comment pourra-t-on saisir le fil d'un fait, en saisir le développement, suivre la chaîne des idées retracées dans une déposition, si tout est fait verbalement? C'est-à-dire que l'on jugera un criminel de confiance et sur un simple aperçu!

Ehl si les jurés et les juges se trompent, l'accusé sera sans espoir comme sans moyens.

Enfin votre comité crée un tribunal nouveau dans chaque département; il le compose de juges établis dans le district, qui viendront tous les trois mois faire leur serment, c'est-à-dire que l'on veut faire revivre l'ambulance des juges que M. Duport vous avait proposée lors des tribunaux de district, et que vous vous empressâtes de proscrire. Un pareil établissement exposerait les juges à des déplacements incommodes et ridicules; ils ont été créés pour être sédentaires, et l'on dépasserait les bornes prescrites par la loi si on allait les greffer dans un autre tribunal.

Que de frais encore pour le déplacement des témoins! Ils seraient obligés de faire des voyages souvent de trois ou quatre jours pour se rendre à la ville de département, et l'on en trouverait peut-être qui ne seraient pas toujours prêts à obéir à la justice lorsque les sacrifices qu'elle leur commanderait seraient onéreux.

Je conclus au rejet du projet des comités, et à ce que l'on adopte l'institution des jurés en usage chez les Romains. Voici en quoi elle consistait :

Les jurés n'étaient pas élus pour chaque crime particulier; toutes les années on nommait dix à douze citoyens qui devaient en remplir les fonctions jusqu'à l'année suivante; l'accusé pouvait en récuser une partie; les autres prononçaient sur le fait de l'accusation; le juge appliquait la loi.

Telle est cette institution que je vous propose de former pour chaque tribunal de district.

M. Robespierre. Je m'élève contre la disposition du plan des comités qui associe les officiers de la maréchaussée aux fonctions des juges de paix et qui les érige en magistrats de police. Je soutiens qu'ils ne peuvent être que les exécuteurs des ordonnances de la police, mais qu'ils ne peuvent eux-mêmes occuper son tribunal et rendre des décisions sur la liberté des citoyens. Je fonde mon opinion sur les premières notions de toute Constitution libre. Vos comités ont fondé

leur système sur une nuance qu'ils ont remarquée entre la justice et la police. Cette nuance peut être exprimée avec assez de justesse sous le rapport de la question actuelle, en définissant la police de sûreté une justice provisoire.

Le juge absout ou condamne; le magistrat de police décide si un citoyen est assez suspect pour perdre provisoirement sa liberté et pour être remis sous la main de la justice.

L'une et l'autre ont un objet commun, la sûreté publique; leurs moyens diffèrent en ce que la marche de la police est soumise à des formes moins scrupuleuses, en ce que ses décisions ont quelque chose de plus expéditif et de plus arbitraire. Mais remarquez que l'une et l'autre doi vent concilier, autant qu'il est possible, la nécessité de réprimer le crime avec les droits de l'innocence et la liberté civile, et que la police même ne peut sans crime outrepasser le degré de rigueur ou de précipitation qui est peut-être absolument indispensable pour remplir son objet. Remarquez surtout que, de cela même que la loi est obligée de laisser plus de latitude à la volonté et à la conscience de l'homme qu'elle charge de veiller au maintien de la police, plus elle doit mettre de soin et de sollicitude dans le choix de ce magistrat, plus elle doit chercher toutes les présomptions morales et politiques qui garantissent l'impartialité, le respect pour les droits du citoyen, l'éloignement de toute espèce d'injustice, de violence et de despotisme. « Ce danger, ce malheur de perdre la liberté avant d'être convaincu, et quoique l'on soit innocent, dit le rapporteur des deux comités, est un droit que tout citoyen a remis à la société : c'est un sacrifice qu'il lui doit.» Mais c'est précisément par cette raison qu'il faut prendre toutes les précautions possibles pour s'assurer que ce sera l'intérêt général, que ce sera le vœu et le besoin public, et non les passions particulières, qui commanderont ces sacrifices et qui réclameront ce droit, c'est-à-dire pour ne pas faire d'une institution faite pour maintenir la sûreté des citoyens le plus terrible fléau qui puisse la menacer. Si ces principes sont incontestables, mon opinion est déjà justifiée.

J'en tire d'abord la conséquence que des officiers militaires ne doivent pas être magistrats de police; ce n'est que sous le despotisme que des fonctions aussi disparates, que des pouvoirs aussi incompatibles peuvent être réunis, ou plutôt cette réunion monstrueuse serait elle-même le dispotisme le plus violent, c'est-à-dire le despotisme militaire. Or, qu'est-ce que les officiers de maréchaussée, si ce ne sont des officiers militaires? Vous vous rappelez sans doute la Constitution que Vous avez donnée à ce corps; vous savez que vous avez déclaré qu'il faisait partie de l'armée de ligne, qu'il serait soumis au même régime; vous avez décrété que, pour y être admis, il fallait avoir servi dans les troupes de ligne pendant un nombre d'années déterininé; vous avez décrété que les trois quarts des lieutenants seraient des officiers de troupe de ligne: il faut passer par ce grade pour arriver aux grades supérieurs, qui sont tous assimilés à ceux de l'armée de ligne. Le législateur ne peut donc confier des fonctions civiles si importantes et si délicates aux officiers de la maréchaussée sans oublier ce principe sacré qu'il doit trouver dans ceux qu'il investit d'une telle magistrature la garantie la plus sûre possible de l'usage humain et modéré qu'ils en feront.

Il est surtout une garantie qu'il n'est par permis de négliger: c'est celle que vous avez vous-mêmes cherchée en décrétant que les fonctionnaires pu

blics qui doivent décider des intérêts des citoyens soient nommés par le peuple. Quand les citoyens soumettent leur liberté aux soupçons, à la volonté d'un homme, la moindre condition qu'ils puissent mettre à ce sacrifice, c'est sans doute qu'ils choisiront eux-mêmes cet homme-là; or, les officiers de la maréchaussée ne sont pas choisis par le peuple; les colonels, les chefs de ce corps sont choisis par le directoire, et choisissent à leur tour les autres officiers. Observez encore que vous avez vous-mêmes consacré le principe que j'invoque, dans la matière même dont je parle, en confiant l'autorité de la police à des juges de paix nommés par le peuple; or, comment vos comités peuventils proposer de la partager entre eux et les officiers de maréchaussée, et même de donner à ceux-ci un pouvoir plus étendu? de fonder cette institution si intimement liée aux droits les plus sacrés des citoyens sur deux principes si opposés ou plutôt sur des contraditions si révoltantes !

Mais il est un troisième rapport qui marque d'une manière plus sensible encore l'opposition de ce système avec les maximes de justice et de prudence que j'ai exposées. Pourquoi n'aurais-je pas le courage de le dire? ou plutôt pourquoi faut-il que les représentants de la nation aient besoin de courage pour dire les vérités qui importent le plus à son bonheur? S'il est vrai que tous les abus de l'autorité viennent des intérêts ou des passions des hommes qui les exercent, ne devez-vous pas calculer celles qui, dans les circonstances où nous sommes, c'est-à-dire dans l'époque la plus importante de notre gouvernement, pourraient la diriger entre les mains des officiers de police?

Pouvons-nous oublier que longtemps encore la différence des sentiments et des opinions sera marquée par celle des conditions et des anciennes habitudes? Pouvez-vous croire que le moyen de donner au peuple les juges, les magistrats de police les plus impartiaux, les plus dévoués à ses intérêts, les plus religieusement pénétrés des respects qui lui sont dus, serait de les choisir précisément dans la classe des ci-devant privilégiés, des officiers militaires, chez qui l'amour de la Révolution est combattu par tant de causes différentes? Or, les officiers de maréchaussée ne seront-ils pas composés de cette manière, par les dispositions qui destinent la plupart des places importantes à des officiers de troupes de ligne et qui font dépendre l'avancement des autres du suffrage de ces derniers?

Vous ne pouvez donc leur abandonner l'autorité de la police sans exposer les patriotes les plus zélés, sans livrer le peuple à ces persécutions secrètes, à ces vexations arbitraires dont votre comité avoue que l'exercice de la police peut être facilement le prétexte; vous ne le pouvez pas sans démentir à la fois et votre humanité, et votre sagesse, et votre justice.

Vous serez effrayés si vous examiniez en détail les fonctions qu'on leur attribue. Quoi! un officier militaire pourra faire amener devant lui par la maréchaussée tout citoyen qu'il lui plaira de suspecter, à quelque distance qu'il se trouve ! Il pourra le relâcher s'il se trouve satisfait de ses réponses ou l'envoyer dans une prison! Il pourra le faire arrêter dans sa propre maison! il pourra recevoir des plaintes, dresser des procès-verbaux, entendre des témoins, et former les premiers titres qui compromettront l'honneur où la vie d'un citoyen! Un officier militaire pourra susciter un procès criminel à tout citoyen, le

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