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quer que, sous ce régime, tous les biens meubles provenant du mari ou de la femme, tous les immeubles acquis par eux pendant le mariage, ont, en réalité, appartenu exclusivement au mari, qui a pu en disposer, comme bon lui a semble, sans le consentement de sa femme; en telle sorte que, pendant la vie du mari, la femme, à proprement parler, n'a point été commune et n'a eu que l'espérance d'un droit dans ce qui resterait des biens de la communauté lors de sa dissolution.

La loi donne, en effet, au mari, outre le droit exclusif d'administrer les biens de la communauté, celui de les vendre, aliéner et hypothéquer, sans le concours de la femme, conséquemment sans avoir à lui en rendre compte (art. 1421 C. N.).

Ce droit absolu n'est restreint que par la défense imposée au mari de disposer entre-vifs à titre gratuit (1) des immeubles de la communauté, non plus que de l'universalité (ou totalité) ou d'une quotité (2) du mobilier, si ce n'est pour l'établissement des enfants communs.

11. La loi permet au mari de disposer des effets mobiliers (3) à titre gratuit et particulier au profit de toutes personnes, pourvu qu'il ne s'en réserve par l'usufruit (4) (art. 1422 C. N.).

Enfin la loi permet au mari de faire une donation testamentaire (5), pourvu qu'elle n'excède pas sa part dans la communauté; et, prévoyant le cas où il aurait donné en cette forme un effet de la communauté, la loi dispose que le donataire (6) ne pourra le réclamer en nature, qu'autant que, par l'événement du partage, l'effet tomberait au lot des héritiers du mari;

(1) Disposer entre-vifs à titre gratuit, c'est se dépouiller actuellement, irrévocablement, et sans recevoir l'équivalent de ce qu'on donne. Ce mode de disposer est appelé donation entre-vifs. (Voir au titre 14, et sous les numéros 1002, 1045 et suivants, ce qui sera dit sur les donations entre-vifs. )

(2) C'est-à-dire d'un tiers, d'un quart, etc.

(3) Argent, meubles meublants, etc. (art. 535 C. N. ).

(4) Afin de le porter plus difficilement à disposer, et afin qu'il n'épuise pas la communauté par des libéralités excessives au préjudice de la femme.

(5) C'est-à-dire de disposer pour le temps où il n'existera plus. (6) Celui en faveur duquel est faite la donation testamentaire.

dans le cas contraire, le légataire (1) a la récompense de la valeur totale de l'effet donné sur la part des héritiers du mari dans la communauté et sur les biens personnels de ce dernier (2) (art. 1423 C. N.).

12. Ceci posé, faisons connaître ce qui compose la communauté activement et passivement, c'est-à-dire ce qui forme son avoir et ses charges.

SECTION Ire. De l'actif de la communauté légale.

13. La communauté légale se compose activement (3) : 1° De tout le mobilier (4) que les époux possédaient au jour de la célébration du mariage, ensemble de tout le mobilier qui leur échoit pendant le mariage, à titre de succession ou même de donation, si le donateur n'a exprimé le contraire, c'est-àdire si, par ses dispositions, il n'a pas manifesté la volonté que le mobilier par lui donné n'entrât pas dans la communauté;

(1) Ou donataire testamentaire.

(2) C'est-à-dire que le donataire testamentaire ou légataire prend en argent la valeur estimative de l'effet à lui donné, et qui ne tombe pas dans le lot échu aux héritiers du mari.

(3) La communauté légale, et non celle conventionnelle. On a vu, en effet, plus haut et sous le titre de Notions préliminaires, et l'on verra, d'ailleurs, plus bas, que la communauté conventionnelle peut se composer différemment.

(4) L'expression mobilier ou de biens mobiliers (parce qu'ils se peuvent mouvoir), celle de biens meubles ou d'effets mobiliers, comprennent généralement tout ce qui est censé meuble d'après les règles établies par la loi.

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Les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi. Sont meubles par leur nature les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes comme les animaux, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère comme les choses inanimées. Les meubles par leur nature comprennent : 1o les bateaux, bacs, vires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison; 2o les matériaux provenant de la démolition d'un édifice, ceux assemblés pour en construire un nouveau, jusqu'à ce qu'ils aient été employés par l'ouvrier dans la construction ; 3o les meubles meublants, c'est-à-dire ceux destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, comme tapisseries, lits, siéges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature, les tableaux et statues faisant partie du meuble d'un appartement, enfin les porcelaines faisaut partie de la décoration d'un appartement. Les collections de tableaux ou de porcelaines qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières ne sont pas comprises sous la dénomination de meubles meublants.

Sont meubles par la détermination de la loi les obligations et actions ayant pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie, les rentes perpétuelles ou

2o de tous les fruits (1), revenus, intérêts et arrérages, de quelque nature qu'ils soient, échus ou perçus pendant le mariage et provenant des biens qui appartenaient aux époux lors de sa célébration, ou de ceux qui leur sont échus pendant le mariage, à quelque titre que ce soit (2);

3o De tous les immeubles (3) qui sont acquis pendant le mariage (art. 1401 C. N.).

14. Ces immeubles sont appelés acquêts ou conquêts.

15. Ceux que possédaient les époux au jour de la célébration du mariage, ceux dus à la libéralité ou à des droits de succession, n'entrent point en communauté et sont propres ou personnels aux époux, parce qu'ils ne sont pas le produit de la collaboration commune.

16. Si la communauté légale embrasse les meubles respectifs présents et futurs, ce n'est que dans la vue d'affranchir les époux de la nécessité de faire incessamment des inventaires, et d'éviter les difficultés de récolement (4) qui en résulteraient. Comment, en effet, après un long usage, pourrait-on distinguer facilement les meubles qui auraient appartenu à l'un ou à l'autre

viagères sur l'Etat ou sur des particuliers (art. 527 et suivants C. N.). Ils comprennent aussi les offices ministériels (argument tiré de l'art. 91 de la loi du 28 avril 1816), et les ouvrages littéraires et artistiques. (Voir au titre 12o de la première partie ce qui sera dit touchant la propriété littéraire et artistique.)

(1) Tout ce qui naît et renaît d'une chose. Les fruits sont naturels, industriels ou civils. Les fruits naturels sont le produit spontané de la terre, tels que les arbres, les foins, la pêche d'un étang, le produit des colombiers et des ruches à miel, etc. Le produit et le eroit des animaux sont aussi des fruits naturels. Les fruits industriels sont ceux qu'on obtient par la culture ou par l'industrie, tels que les produits des moulins, des mines, des usines, etc. Enfin, les fruits civils sont les loyers des maisons et des fermes, les arrérages de rentes, les intérêts des placements de capitaux. Le trésor qui, pendant le mariage, serait trouvé dans le fonds propre à l'un des époux, n'entrerait, pour aucune partie, dans l'actif de la communauté, parce que sa découverte, due à un pur effet du hasard, ne saurait lui donner la nature de fruits, dans aucune des acceptions de ce mot; que, d'ailleurs, la propriété du sol emportant la propriété du dessus et du dessous, tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient exclusivement au propriétaire de cette chose par droit d'accession (art. 551, 552 et 716 C. N. combinés).

(2) C'est-à-dire par succession, donation entre-vifs ou donation testamentaire. (3) C'est-à-dire maisons, terres, etc. (Voir à la note sous le n° 169 la définition générale du mot immeuble.)

(4) Le récolement est la vérification de tous les meubles et papiers contenus dans

un inventaire.

des époux et qui seraient confondus depuis longtemps? Quels embarras et quelle source de discorde naîtraient de la preuve par témoins, à défaut de preuve écrite, pour arriver à connaître ceux qui appartiendraient à chacun des époux!

17. Tout immeuble est réputé acquét de communauté, c'està-dire avoir été acquis par la communauté et à son profit, s'il n'est prouvé que l'un des époux en avait la propriété ou possession légale (1) antérieurement au mariage, ou qu'il lui est échu depuis à titre de succession ou donation.

18. Les coupes des bois appartenant à la femme, les produits des carrières et mines qui sont également sa propriété, tombent dans la communauté pour tout ce qui en est considéré comme usufruit, mais aux charges qui vont être exprimées.

Ainsi, en ce qui touche les bois taillis (2), il faut que le mari, administrateur légal des biens personnels de la femme, ait observé l'ordre et la quotité des coupes, conformément à l'aménagement ou à l'usage constant des propriétaires. Et en ce qui touche les mines et carrières, il faut qu'elles aient été ouvertes avant la célébration du mariage; si leur ouverture avait eu lieu pendant le mariage, les produits n'en tomberaient dans la communauté que sauf récompense ou indemnité en faveur de la veuve. Celle-ci, à son tour, devrait récompense à raison des dépenses qui auraient été faites pour améliorer le fonds (art. 590 et § dernier de l'article 1403 C. N.).

(1) La possession légale s'établit par la détention ou jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-même, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom; notre fermier, par exemple. Il faut que cette possession soit continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. Sa durée doit être de trente ans, par soi-même ou par ses auteurs, c'est-à-dire par ceux de qui on tient le bien, lorsqu'on ne peut rapporter un titre de propriété, et dans le cas où l'on peut établir que l'acquisition a été faite de bonne foi, et au moyen d'un juste titre, de dix ou de vingt ans, suivant que le véritable propriétaire habite ou non dans le ressort de la cour impériale, dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé (art. 2228, 2229, 2262 et 2265 C. N. combinés). (Consulter, au besoin, l'art. 2266 C. N.)

(2) Bois taillis (et dans quelques contrées bois de raspe), se dit de ceux qui sont sujets aux coupes ordinaires après une révolution de dix ans, ou dont la coupe s'opère de quinze en quinze ans, ou de vingt ans en vingt ans. (Merlin, — Répertoire de Jurisprudence, au mot Bois, § 3o.)

19. Les parties de bois de haute futaie (1) qui auraient été mises en coupe réglée tomberaient également dans la communauté, soit que ces coupes se fissent périodiquement sur une certaine étendue de terrain, soit qu'elles se fissent sur une certaine quantité d'arbres pris indistinctement sur toute la surface du domaine, mais toujours à la charge par le mari de se conformer aux époques et à l'usage des anciens propriétaires (art. 591 et 1403 C. N. combinés).

20. Nous avons dit plus haut que les immeubles possédés par les époux au jour de la célébration du mariage n'entraient point en communauté. Il suffit, comme on le voit, de la simple possession. Nous l'avons définie plus haut.

21. Néanmoins, si l'un des époux avait acquis un immeuble depuis le contrat de mariage, contenant stipulation de communauté, et avant la célébration du mariage, l'immeuble acquis dans cet intervalle entrerait dans la communauté, à moins que l'acquisition n'ait été faite en exécution de quelque clause du mariage, auquel cas elle serait réglée suivant la convention (art. 1404 C. N.).

Les expressions depuis le contrat de mariage impliquent l'idée que s'il n'existe pas de contrat de mariage les principes qui viennent d'être développés ne doivent point recevoir d'application, et que l'immeuble acquis avant la célébration du mariage n'entre point en communauté.

22. Les donations d'immeubles qui ne sont faites, pendant le mariage, qu'à l'un des deux époux, ne tombent point en communauté et appartiennent au donataire seul, à moins que la donation ne contienne expressément que la chose donnée appartiendra à la communauté (art. 1405 C. N.).

La communauté forme, en effet, dans ce cas, un être moral

(1) Bois de haute futaie se dit des bois qui ont passé trois coupes ordinaires des bois taillis, ou trente années, et qu'on laisse ordinairement croître jusqu'à ce qu'ils viennent sur le retour.

Pour connaître l'âge du bois, on en scie le tronc horizontalement; on compte les cercles que l'on y remarque, et chaque cercle dénote une année. (Merlin, au mot Bois, § 3.)

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