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troupes sous les ordres de Bezenval. Les soldats allemands brisent le buste de M. Necker; celui d'Orléans échappe par hasard aux coups d'un dragon. Dans la bagarre un garde française est tué, quelques autres personnes blessées.

M. de Lambesc, colonel de Royal-Allemand, était avec son régiment à l'entrée des Champs-Élysées. Le peuple furieux l'assaille d'une grêle de pierres. Le colonel s'indigne, la colère le transporte, il s'élance dans les Tuileries avec quelques cavaliers, et d'un coup de sabre blesse un vieillard inoffensif qui se retirait de cette scène de tumulte.

A cette vue, les cris aux armes redoublent et se répètent de proche en proche. Quelques épées brillent; le tocsin, cette voix du peuple en colère, résonne dans tous Paris; le torrent court à l'hôtel-de-ville, où les électeurs se rassemblent; quelques boutiques d'armuriers sont enfoncées; des gardes françaises s'échappent de leurs casernes, se mêlent avec la foule, régularisent le mouvement, et lui donnent un aspect redoutable; rassemblés sur les vieux boulevards, ils s'avancent en ordre de bataille, attaquent un détachement de Royal-Allemand; celui-ci, après avoir perdu trois hommes, se replie, sans riposter, sur la place Louis XV.

Les résolutions énergiques grandissaient avec la force et le péril. A onze heures du soir, les électeurs de Paris arrêtent la convocation des districts et l'armement des citoyens. Au même instant douze cents gardes françaises se rendent au Palais-Royal, se concertent entre eux; sans officiers, sans artillerie, ils se décident à se porter sur la place Louis XV, pour en chasser les troupes anti-nationales qui l'occupaient. Les citoyens applaudissent; ceux qui ont été assez heureux pour avoir des armes les accompagnent, et jurent de mourir avec leurs défenseurs. A la lueur des torches et des flambeaux, cette troupe patriote va se placer en face du régiment allemand, qui se retire sur Versailles.

Breteuil se flattait de terminer la crise en trois jours; mais il avait compté sur une force qui allait lui manquer, je veux parler des troupes; il ne prévoyait d'ailleurs une résistance un peu sérieuse qu'au sein de l'assemblée nationale.

Les événemens déjouèrent bien vite ses calculs : Paris était dans la vague inquiétude qui précède les grands soulèvemens populaires. De sourdes rumeurs s'élevaient de toutes parts; on courait au Palais-Royal, on s'informait, on délibérait; quelques uns espéraient encore que la cour reviendrait à de meilleurs conseils, lorsqu'un jeune homme, pâle, les vêtemens en désordre, s'élance sur une chaise et jette à la foule ce cri de deuil et de désespoir : Necker est exilé. Cet homme qui tient un pistolet à la main, et qui appelle le peuple aux armes, est Camille Desmoulins, lié à cette époque avec Mirabeau, et l'un de ses plus fervens admirateurs. Debout, l'œil en feu, planant sur la foule qui frémit de désespoir et de rage, le jeune révolutionnaire, triomphant de sa timidité, de l'embarras de sa prononciation, ordonne à tous les Parisiens de s'armer. Il adopte pour signe de ralliement une feuille d'arbre qu'il met à son chapeau; tous l'imitent, et bientôt les marronniers sont dépouillés. De cette foule qui se disperse, les uns courent aux armes, tandis que le plus grand nombre se précipitent sur les pas de Desmoulins. Le peuple prend le buste de Necker et celui du duc d'Orléans, qui, suivant le bruit général, allait être cxilé. On les couvre d'un crêpe noir, et une foule immense les porte et les accompagne avec respect et douleur.

Ce cortége traversait la place Louis XV, lorsqu'un détachement de Royal-Allemand et de dragons vint, le sabre haut, pour disperser la multitude. Le comité secret, qui, sans redouter le mouvement, avait prévu l'indignation qui agiterait la capitale, avait fait avancer des

troupes sous les ordres de Bezenval. Les soldats allemands brisent le buste de M. Necker; celui d'Orléans échappe par hasard aux coups d'un dragon. Dans la bagarre un garde française est tué, quelques autres personnes blessées.

M. de Lambesc, colonel de Royal-Allemand, était avec son régiment à l'entrée des Champs-Élysées. Le peuple furieux l'assaille d'une grêle de pierres. Le colonel s'indigne, la colère le transporte, il s'élance dans les Tuileries avec quelques cavaliers, et d'un coup de sabre blesse un vieillard inoffensif qui se retirait de cette scène de tumulte.

A cette vue, les cris aux armes redoublent et se répètent de proche en proche. Quelques épées brillent; le tocsin, cette voix du peuple en colère, résonne dans tous Paris; le torrent court à l'hôtel-de-ville, où les électeurs se rassemblent; quelques boutiques d'armuriers sont enfoncées; des gardes françaises s'échappent de leurs casernes, se mêlent avec la foule, régularisent le mouvement, et lui donnent un aspect redoutable; rassemblés sur les vieux boulevards, ils s'avancent en ordre de bataille, attaquent un détachement de Royal-Allemand; celui-ci, après avoir perdu trois hommes, se replie, sans riposter, sur la place Louis XV.

Les résolutions énergiques grandissaient avec la force et le péril. A onze heures du soir, les électeurs de Paris arrêtent la convocation des districts et l'armement des citoyens. Au même instant douze cents gardes françaises se rendent au Palais-Royal, se concertent entre eux; sans officiers, sans artillerie, ils se décident à se porter sur la place Louis XV, pour en chasser les troupes anti-nationales qui l'occupaient. Les citoyens applaudissent; ceux qui ont été assez heureux pour avoir des armes les accompagnent, et jurent de mourir avec leurs défenseurs. A la Ineur des torches et des flambeaux, cette troupe patriote va se placer en face du régiment allemand, qui se retire sur Versailles.

Pendant la nuit, des bandes de voleurs, écume de toutes les grandes villes, sortent de leurs repaires, se répandent dans Paris et dans ses faubourgs, mettent le feu en différens endroits, et dévastent plusieurs maisons. Tout était confusion, point d'autorités; point d'ordres; une terreur profonde, solennelle, plane sur cette immense cité qui a cent mille de ses enfans prêts à la défendre, mais pas une tête pour les commander.

Le lendemain, au lever du jour, le peuple est à l'hôtelde-ville; il veut des armes. Les électeurs réunis lui répondent qu'ils n'en ont pas, qu'il faut s'adresser au prévôt des marchands et aux échevins. M. de Flesselles, leur chef, ne veut venir que sur une invitation générale des électeurs. Il la reçoit, obéit, et la foule l'accueille avec transport. Les drapeaux de la ville qui avaient été pris pendant la nuit, sont rapportés et placés en trophée à côté d'un buste de Lafayette, envoyé par les Etats-Unis à la ville de Paris. En voyant l'image de l'ami de Washington, quelques citoyens, saisis d'une inspiration soudaine, s'écrient qu'il faut déférer à M. de Lafayette le commandement de la garde nationale.

Des tambours dans les différens quartiers appellent le peuple aux armes il se rassemble sur les places, dans les jardins; il se forme en troupes qui bientôt prirent des noms particuliers; les unes furent appelées volontaires du Palais-Royal, d'autres volontaires des Tuileries, de la Basoche, de l'Arquebuse, etc. En haine du comte d'Artois, dont la livrée était verte, on se hâte de déposer les premières cocardes pour y substituer les couleurs de Paris, rouges et bleues.

Les Parisiens avaient des armes ; celles de l'hôtel-de-ville leur avaient été livrées au moment où ils enfonçaient les portes pour s'en emparer. Mais la poudre manquait; le hasard en fait découvrir cinq milliers chargés sur un bateau, et qui allaient sortir de Paris. Ils sont arrêtés, saisis, déposés

dans une salle basse de l'hôtel-de-ville, où l'abbé Lefèvre les distribue au milieu des plus grands périls, et d'un tumulte difficile à décrire. Les drapeaux de la ville sont déployés, on fait des décharges de canons pour tenir les citoyens en alerte, on établit des tranchées, des barricades dans les faubourgs, ainsi que dans quelques rues du centre; on poste partout des corps-de-garde; en moins de trente-six heures Paris présente l'image d'une ville de guerre. Cent mille citoyens se nomment des commandans, s'organisent en bataillons qui se dévouent pour veiller à la tranquillité publique.

Les gardes françaises viennent aussi, au nombre de trois mille, se ranger autour de l'assemblée des électeurs, et jurent de mourir pour la patrie. Leurs chefs voulaient les entraîner dans la plaine Saint-Denis, c'était les envoyer à la boucherie; ils refusèrent, aimant mieux, disaientils, verser utilement leur sang, s'il le fallait, que d'aller se livrer, sans aucune chance de succès, à la fureur des troupes étrangères, pourvues de tous les moyens de défense, et redoutables encore par la supériorité du nombre. Non-seulement la cour avait résolu de tout soumettre par la force, mais elle employait encore un moyen odieux dont la découverte ne pouvait qu'enflammer les esprits. Des citoyens surprirent un convoi de farines que l'on faisait sortir de Paris au moment où le peuple manquait de pain. On a donné, pour prétexte à cet enlèvement, la nécessité de nourrir les troupes chassées de Paris; mais alors quel défaut d'habileté ou quelle imprudence de s'exposer à rassembler des troupes sans avoir d'autre moyen de les approvisionner que celui de diminuer les subsistances déjà insuffisantes de la capitale!

Flesselles avait promis douze mille fusils, pour lesquels il prétendait avoir passé un marché avec M. de Pressoles, intéressé dans la manufacture de Charleville. Le soir, on apporte des caisses sur lesquelles était écrit artillerie, et qui

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