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autorité que personne ne sera tenté de contester; j'invoque à l'appui de mon système l'homme qui a le mieux connu la législation des peuples et les formes conservatrices des droits des citoyens ; je m'appuierai du suffrage de l'illustre Montesquieu, pour me justifier sur ce point de vouloir retarder par des incidens inutiles le jugement de cette

cause.

» Montesquieu (Esprit des Lois, liv. 6, ch. 2 ), dit :

<< Si vous examinez les formalités de la justice >> par rapport à la peine qu'a un citoyen de se faire » rendre son bien, ou à obtenir satisfaction de » quelque outrage, vous en trouverez sans doute >> trop si vous les regardez dans le rapport qu'elles » ont avec la liberté et la sûreté des citoyens, » vous en trouverez souvent trop peu; et vous » verrez que les peines, lès dépenses, les lon» gueurs, les dangers même de la justice, sont » le prix que chaque citoyen donne pour sa li» berté.

» ...... Dans les états modérés, où la tête du >> moindre citoyen est considérable, on ne lui >> ôte son honneur et ses biens qu'après un long >> examen ; on ne le prive de la vie que lorsque » la patrie elle-même l'attaque ; et elle ne l'attaque » qu'en lui laissant tous les moyens de se dé>> fendre. >>

>> L'opinion d'un homme aussi célèbre est une excuse suffisante à présenter pour établir les moyens de nullité.

» Le premier moyen de nullité résulte de ce que l'arrêt de la chambre, du 15 novembre, n'est pas revêtu de la signature de tous les membres de la chambre qui y ont concouru. L'art. 234 du code d'instruction criminelle l'exige impérieusement, à peine de nullité.

» Pardonnez-moi la remarque, Messeigneurs ; mais mon respect pour la loi m'autorise à relever l'absence de vos signatures. L'arrêt n'est signé que du président et des secrétaires.

>> Nous sommes ici dans le premier cercle de l'instruction criminelle rappelée dans l'article 2 de l'ordonnance du Roi. Le monarque a voulu qu'elle fût religieusement observée. »>

M. le procureur général a demandé ici aux défenseurs s'ils entendaient parler de l'arrêt du 13.

Me. Berryer a continué: « C'est de l'arrêt du 13. L'arrêt du 17 est, conformément à la loi, revêtu de toutes les signatures.

» Les arrêts rendus par les chambres d'accusation sont signés de tous les juges.

» Au surplus, cette première nullité est moins importante que la seconde.

» Deuxième moyen de nullité. Il résulte de ce

que vous n'avez rendu aucun arrêt qui ait pro-, noncé in terminis, la mise en accusation du maréchal Ney. Le code d'instruction le voulait impérativement. Il attache même une telle importance à l'exécution de cette formalité, qu'il a remplacé par des juges les jurés qui, avant 1810, composaient le juri d'accusation. On a pensé que des magistrats seraient, par leurs études et leur expérience, plus à portée que de simples citoyens de connaître et d'apprécier tout ce qui pouvait être à la charge comme à la décharge du prévenu. »

Ici le défenseur donne lecture des articles 221 et 231 du Code.

«< Il y a dans ces articles un ensemble d'énonciation qui annonce une volonté bien prononcée de la part du législateur, d'obliger les juges, sans pouvoir jamais s'en dispenser, de rendre un jugement de mise en accusation, avant de prononcer définitivement sur son sort, Les cours même ont pour cet objet une forme uniforme, un protocole imprimé. >>

(Ici Me. Berryer a fait lecture de quelques passages d'un ouvrage d'un de nos célèbres jurisconsultes, qu'il n'a pas nommé, à l'appui des développemens plus étendus qu'il a donnés..)

« Cette exactitude sévère que réclame la loi dans les formes, est non-seulement utile, mais indispensable, et n'a pas été prescrite sans une intention

formelle du législateur. Montesquieu lui-même en a senti l'impérieuse nécessité.

>> On a argumenté de l'arrêt que vous avez rendu le 17, et par lequel vous avez prononcé la prise de corps contre le maréchal, et l'on en a déduit la conséquence que vous vous étiez conformés aux dispositions du code d'instruction; mais tous les raisonnemens qu'on a faits à ce sujet portent à faux.

de

corps.

» L'arrêt du 17 s'est borné à prononcer la prise Ainsi cet arrêt a fait d'une mesure secondaire un objet principal. La conséquence a été tirée sans que le principe ait été posé; et en effet la prise de corps n'est que la conséquence de la mise en accusation. Si l'arrêt du 13 eût contenu la mise en accusation, le crime de l'accusé eût été défini, et vous l'auriez ainsi défini en son absence. >>

Le défenseur a lu l'article du Code ainsi conçu: « L'ordonnance de prise de corps, soit qu'elle » ait été rendue par les premiers juges, soit qu'elle » l'ait été par la cour, sera insérée dans l'arrêt de » mise en accusation, lequel contiendra l'ordre >> de conduire l'accusé dans la maison de justice » établie près la cour, où il sera envoyé.

« Il est donc vrai de dire que la prise de corps aurait dû suivre la mise en accusation, qui, d'ailleurs, n'a pas été prononcée, et que partout on

trouvera obligatoire dans les dispositions des lois qui nous régissent.

» On a cherché à éluder la difficulté dans le réquisitoire du procureur-général, en disant qu'une mise en accusation positive aurait exigé que la chambre se divisât en bureaux, et qu'il y eût eu une fraction de la pairie pour la prononcer. C'est à tort. L'arrêt du 17, qui a décrété le maréchal de prise de corps, a été rendu par la chambre entière; et cependant cette ordonnance de prise de corps n'aurait dû être prononcée qu'immédiatement après la mise en accusation, et par le même arrêt. Cette mise en accusation est tellement nécessaire, que, d'après le code d'instruction criminelle, le procureur-général ne peut poursuivre que quand elle a été textuellement prononcée, à peine de nullité et de prise à partie, et que l'article 122 prononce des peines contre le magistrat qui aurait traduit un citoyen devant un tribunal, avant qu'il ait été préalablement mis légalement en accusation. » N'est-ce pas là là une nouvelle preuve que rien

A

ne peut dispenser la cour des pairs de se conformer aux formes établies par le code d'instruction criminelle ?

» Il est impossible de transiger sur ces moyens. Vous avez simplement prononcé dans l'arrêt du 17, que le maréchal serait, frappé de prise de corps; vous avez donc établi la conséquence sans avoir

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