Page images
PDF
EPUB

non moins impérieuses, ses conditions non moins absolues. Notre choix est fait depuis longtemps. C'est parce que nous ne voulons pas du despotisme que nous ne voulons pas de la guerre, même de celle qui commencerait par se faire au nom de la liberté des peuples.

II.

25 avril 1849.

L'Assemblée nationale a continué de discuter le projet de loi relatif à l'organisation de la force publique, absolument comme l'eût fait, en 1847, la Chambre des députés, sans paraître se douter le moins du monde que le 24 février 1848 avait changé la forme du gouvernement français, et mis la République à la place de la Monarchie.

S'abuserait-on jusqu'à croire que les conditions d'existence d'une république et d'une monarchie sont les mêmes, et ne diffèrent que dans le mode de transmission du pouvoir ?

Alors, à quoi donc aurait servi la peine que Montesquieu a prise pour décrire avec tant de soin, dans l'Esprit des lois, la nature des trois diverses formes de gouvernement, la différence entre la nature du gouvernement et son principe, la corrélation étroite qui doit exister entre le principe du gouvernement et ses lois, etc.?

Mais ce n'est pas Montesquieu que nous voulons invoquer ici, car il faudrait citer les principaux livres de l'Esprit des lois; nous n'irons chercher ni si loin ni si haut notre autorité, nous nous bornerons à emprunter à un ouvrage de M. Thiers, publié en 1831, sous ce titre : La Monarchie de 1830, les deux lignes suivantes :

«La République ne peut subsister dans des États tout militaires; elle y dégénère bientôt en gouvernement du sabre, »

Incontestable est la vérité de ces paroles, qui ont reçu le 24 juin 1848 une consécration nouvelle.

Eh bien! de deux choses l'une :

Ou il faut renoncer à la pensée de conserver la forme républicaine;

Ou il faut renoncer à l'idée d'entretenir une armée de cinq cent soixante mille hommes.

Cette alternative, ce n'est pas nous qui l'avons posée, c'est M. Thiers; nous prions de le remarquer.

Voter annuellement la dépense d'une armée permanente de cinq cent soixante mille hommes, c'est absolument la même chose que voter indirectement le renversement de la République et le retour de la Monarchie; voilà ce qu'il importe qu'on sache bien!

Le pays et ses représentants sont avertis !
Notre tâche est remplie.

1849.

LA GUERRE S'EN VA.

"En menant la France à la guerre, on a appris l'Europe à marcher: il ne s'est plus agi que de multiplier les moyens; les masses ont équipollé les masses. Au lieu de cent mille hommes, on en a pris six cent mille; au lieu de cent pièces de canon, on en a traîné cinq cents la science ne s'est point accrue; l'échelle seulement s'est élargie.... Napoléon a tué la guerre en l'exagérant.

CHATEAUBRIAND.

Oui, la guerre s'en va!

21 août 1849.

Comment pouvez-vous hasarder l'expression d'une telle pensée, lorsqu'elle est démentie par les faits? Est-ce que les Hongrois et les Autrichiens assistés par les Russes ne se battent pas à outrance? Est-ce que les Piémontais ne sont pas sous le coup d'une contribution de guerre qu'il leur faudra payer, sous peine de voir le maréchal Radetzki marcher de nouveau contre eux? Est-ce que la ville de Rome n'est pas occupée par des soldats français? Est-ce que la ville de Venise ne donne pas l'exemple de la plus héroïque défense? Est-ce que le Danemark n'a pas été obligé de s'armer pour le maintien de ses droits sur le duché de Schleswig-Holstein? Est-ce que les soldats prussiens ne parcourent pas en tous sens, tambours battants et mêches allumées, le territoire du Zollwerein? Est-ce qu'enfin l'odeur de la poudre ne s'exhale pas de toutes parts?

Je réponds: Oui, cela est vrai, le canon gronde, mais la guerre est intestine; elle est de peuple à gouvernement, elle n'est pas d'État à Etat, de souverain à souverain. Estce que les Autrichiens, après la bataille de Novarre, ont reculé leur frontière et ajouté une perle à leur riche écrin ? Est-ce que les possesseurs de Milan se sont emparé de Turin? Est-ce que la France a l'intention de garder Rome? Est-ce qu'enfin, sur un seul point, la plus légère atteinte a été portée à l'équilibre européen tel que l'ont établi les traités de 1815? Est-ce que de toutes les luttes on a vu jaillir l'étincelle d'une pensée de conquête? Des populations ont combattu et combattent encore pour leur indépendance, mais pas un seul coup de canon n'a été tiré en vue d'un agrandissement de territoire.

La guerre d'où l'esprit de conquête est absent, c'est de la discussion à coups de canons, ce n'est pas de la guerre. Aussitôt que les questions de gouvernement seront mieux posées, les dissensions s'éteindront pour ne plus renaître. Il suffira de substituer un mot à un autre le mot de confédération au mot de domination. Confédérez les peuples et ne les dominez plus, vous n'en serez pas moins puissants et vous en serez plus riches!

Oui, la guerre s'en va! Tout se réunit contre elle pour hâter son départ :

L'immense perfectionnement des voies de communication;

Le morcellement du sol;

La rareté des chevaux de selle propres à la remonte de la cavalerie;

La diminution de la taille de l'homme appelé à recruter les armées (1);

(1)

La difficulté d'avoir des hommes d'une taille élevée pour la cavalerie et l'artillerie a forcé le ministère à baisser cette taille; elle a été successivement réduite ainsi :

[blocks in formation]

La perfection des armes de guerre et des moyens de destruction;

La multiplication des échanges;

L'abaissement des barrières de douanes:

L'essor de l'industrie;

Le développement du commerce;

L'empire de la banque;

Le poids des budgets;

Le triomphe du suffrage universel;

Le progrès de l'instruction populaire et de la raison publique ;

L'aspiration de tous les peuples au bien-être ;

La nostalgie, cette peine que n'a pas précédée la faute; Enfin le cours nouveau des idées, qui autrefois remontait de la guerre à la paix, et qui maintenant remonte de la paix à la guerre !

La guerre paraît un non-sens, un anachronisme; en effet, c'est un anachronisme et un non-sens.

Lorsque le territoire d'une nation se sillonne en tous sens de canaux, de chemins de fer, de messageries; lorsque les fleuves se couvrent de bateaux à vapeur, lorsque la rapidité et l'économie de la circulation sont le but vers lequel tendent tous les efforts et tous les esprits, qu'arrive-t-il ?

Il arrive que l'usage du cheval de selle devient chaque jour plus rare; si à ces causes, déjà si puissantes par ellesmêmes, on ajoute encore le morcellement du sol et la nécessité de donner aux populations laborieuses une nourriture plus abondante, on apercevra dans l'avenir que le jour n'est pas loin où le maintien de la proportion des armes amènera forcément la réduction des armées. Aussi, loin de m'associer à tous les efforts si dispendieux qu'on fait contre la nature des choses pour entretenir des haras, battrai-je des mains le jour où on les supprimera du budget. Ce sera 2,600,000 francs d'économie. Aucune économie, si ce n'est celle pourtant de la suppression des ambassadeurs et des ministres plénipotentiaires, ne sera plus judicieuse. Il n'y a pas à craindre que le cheval de trait et que le cheval

« PreviousContinue »