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» lit, en changeant seulement les draps, car il est » bon. »

Il y avait bien des choses dans ce peu de mots, mais on ne profita guère des conseils qui s'y trouvaient. Nous en verrons bientôt les conséquences.

Le 16 avril, se réunirent, à Fontainebleau, le général russe Schouwalow, le général autrichien Koller, le colonel anglais Campbell, et le général prussien Waldebourg-Truchsess, commissaires des puissances étrangères pour accompagner Napoléon jusqu'au port de Fréjus et présider à son embarquement.

Quatre jours après, Napoléon, par des motifs qu'il nous a été impossible de connaître, fut tenté de revenir sur son abdication.

Le 20 avril au matin, il fit appeler le général autrichien Koller, auquel il tint le discours sui

vant :

« J'ai réfléchi sur ce qu'il me restait à faire; je » me suis décidé à ne point partir. Les alliés ne » sont pas fidèles aux engagements qu'ils ont pris › avec moi, je puis donc aussi révoquer mon abdi› cation, qui n'était toujours que conditionnelle. » Plus de mille adresses me sont parvenues cette » nuit. L'on m'y conjure de reprendre les rênes du » gouvernement. Je n'avais renoncé à tous mes » droits à la couronne que pour épargner à la » France les horreurs d'une guerre civile, n'ayant jamais eu d'autre but que sa gloire et son bon» heur. Mais, connaissant aujourd'hui le mécon

D

» tentement qu'inspirent les mesures prises par le » nouveau gouvernement, voyant de quelle ma>> nière on remplit les promesses qui m'ont été faites, je puis expliquer maintenant à mes gardes » quels sont les motifs qui me font révoquer mon » abdication, et je verrai comment on m'arrachera > le cœur de mes soldats. Il est vrai que le nombre » des troupes sur lesquelles je pourrai compter > n'excèdera pas trente mille hommes, mais il me › sera facile de les porter, en peu de jours, jusqu'à » cent trente mille. Sachez que je pourrai tout » aussi bien, sans compromettre mon honneur, » dire à mes gardes que, ne considérant que le re» pos et le bonheur de la patrie, je renonce à tous › mes droits, et les exhorter à suivre, ainsi que » moi, le vœu de la nation. »

Le général Koller lui répliqua, et le pria de lui dire en quoi les alliés lui paraissaient avoir manqué au traité.

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« En ce qu'on empêche l'Impératrice de » m'accompagner jusqu'à Saint-Tropez, comme il » était convenu. »

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— « Je vous assure, reprit le général, que Sa Majesté n'est pas retenue, et que c'est par sa propre volonté qu'elle s'est décidée à ne pas » vous accompagner. »

D

— « Eh bien, je veux rester fidèle à ma pro» messe; mais, si j'ai de nouvelles raisons de me » plaindre, je me verrais dégagé de tout ce que j'ai promis.»

Пy a dans ces paroles, et surtout dans leur spontanéité, un accent de loyauté qui émeut profondément!

CHAPITRE XI.

SOMMAIRE. - Adieux de Fontainebleau.

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mée. Émotion profonde et visible de Napoléon. Tableau du bataillon qui doit le suivre à l'île d'Elbe; le commandement en est confié au noble et loyal Cambronne. Le voyage de ce bataillon peut être considéré comme une marche triomphale. Contrôle nominatif des officiers, sous-officiers et soldats du bataillon de l'île d'Elbe.

Le 20 avril, jour fixé pour le départ de Napoléon, il descendit, vers midi, par le grand escalier dans la cour du Cheval-Blanc; il la traversa à pied, au milieu de douze cents grenadiers et chasseurs de sa garde, rangés sur deux haies depuis l'escalier jusqu'à la grille, mais accompagné d'UN SEUL de ses maréchaux, le vénérable duc de Conigliano!...

Avant d'arriver à la grille, Napoléon s'arrêta, fit former un cercle à la garde, fit signe à tous les officiers de se rapprocher et prononça d'une voix ferme, quoiqu'émue, le discours suivant :

« Officiers et soldats de la garde, je vous fais » mes adieux!... Pendant vingt ans, je vous ai » conduits sur le chemin de la victoire! Pendant

vingt ans, vous m'avez servi avec honneur et fi› délité : recevez mes remercîments!

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» Mon but a toujours été le bonheur et la gloire » de la France. Aujourd'hui les circonstances ont changé!... (a) Lorsque l'Europe entière est ar» mée contre moi; quand tous les princes, toutes » les puissances sont liguées; lorsqu'une grande portion de mon empire est livrée, envahie; lors

(a) On a beaucoup accusé Napoléon de despotisme!....... Mais qu'en reste-t-il de ce despotisme? Si nous le cherchons dans les institutions, le constitutionalisme l'en a effacé. Veut-on le trouver dans l'armée, dans cette armée, tant calomniée?... Jamais elle ne fut plus docile, plus soumise, mieux disciplinée; elle obéit comme un seul homme et marche au moindre signe. Un caporal conduirait un régiment, si ce régiment l'avait pour chef. Trouvera-t-on, sous le règne de Napoléon, la corruption qui coule aujourd'hui à pleins bords dans l'administration et marche le front levé?... Napoléon imposait sa volonté. mais n'achetait pas l'obéissance. Fonda-t-il l'égoïsme?... Personne ne fut plus généreux, ni plus magnifique que lui dans ses bienfaits; seulement, il ne surchargeait pas la nation d'impôts, et il ne gaspillait pas le trésor public. Qui conçut et fit exécuter plus de travaux, plus de monuments gigantesques que lui et en aussi peu de temps? Qu'a-t-on à opposer aux ports d'Anvers, du Hâvre, de Cherbourg; à la construction des ponts d'Austerlitz, d'Iéna, des Arts; à la continuation des Tuileries, l'Entrepôt, l'Arc-deTriomphe de l'Étoile, etc., etc. Et puis l'ordre rétabli partout, les autels relevés, leurs ministres remis en crédit; la magistrature rendue forte et considérée pour l'application d'un code sans égal, et le rang auquel il a placé la France et l'armée! Oh! ici, nous nous arrêtons, car nous ne pourrions atteindre à la hauteur où la France et l'armée furent placées par lui!

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