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HISTORIQUE

E T

POLITIQUE,

RUSSIE.

De Pétersbourg, le 4 Mai 1792.

LE Traité d'alliance entre les Cours de Vienne & de Berlin a été notifié à l'Impératrice avec invitation d'y accéder; on ne connoît point encore fa réponse, mais tout laiffe à penfer qu'elle ne fe refusera pas à un moyen de sûreté qui ne peut qu'affurer la tranquillité de l'Europe par la ftabilité des Gouvernemens & des Etats respectifs.

Les principes dangereux propagés ici par les François, comme ailleurs, les ont fait furveiller plus particulièrement; plufieurs ont été arrêtés, & mis en prifon. Cette rigueur, qu'en tout autre temps l'on blâmeroit, eft regardée, généralement, No. 23. 9 Juin 1792.

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comme une mefure de sureté indifpenfable. C'est le même motif qui a porté l'Impératrice à éloigner tous ceux de cette Nation qui font à fon fervice, & particulièrement attachés à la cuifine. Au refte, deux des François détenus ont été relâchés; S. M. a même fait témoigner à l'un d'eux qu'elle reconnoiffoit avec plaifir qu'il ne partageoit point les opinions de ceux de fa Nation qui s'étoient attiré par leur conduite la haine publique & la févérité du Gouvernement. Les autres, encore en prison, n'en fortiront qu'aux conditions de quitter la Ruffie, où feront exilés dans les provinces du Nord; c'eft au moins l'opinion géné

rale ici.

On a remarqué que les conférences entre le Comte de Cobenizel, Miniftre de Vienne, le Comte de Golz, Miniftre de Pruffe, & le Comte Oftermann font très fréquentes. Il eft aifé de foupçonner quel en peut être le fujet politique; cependant on doit attendre des évènemens à juger des véritables intentions des Cours, & de leurs réfolutions définitives. L'efcadre de Cronftadt fe borne à trois vaiffeaux & quatre frégates en armement; ils iront attendre neuf autres vaiffeaux de ligne & fix frégates conftruites à Archangel, pour les ramener dans le port de Cronstadt; mais jufqu'à présent on ne leur connoît point d'autre deftination.

POLOGNE

De Varfovie, le 14 Mai 1792

L'oppofition de la Cour de Pétersbourg aux changemens effectués fubitement dans notre Gouvernement, & fur-tout à la loi qui rend héréditaire la Couronne, d'élective qu'elle étoit, cette oppofition prend un caractère prononcé, & menace d'une guerre effective la nouvelle Conftitution de la République.

Cette détermination de la Cour de Pétersbourg a été accélérée par nos difpofitions militaires & la marche des troupes depuis le Décret de la Diète du 16 Avril dernier. Plufieurs régimens font arrivés ici pour y être paffés en revue, & de là répartis dans les Corps d'armée de la Lithuanie & de l'Ukraine. Le régiment du Prince de Wurtemberg, avec celui de Potocki, cavalerie, font partis, ainfi que celui de Dziatinski, infanterie, avec du canon & les mu nitions néceffaires.

De fon côté l'Impératrice de Ruffie a donné ordre à un corps de 25 à 30 mille hommes de troupe d'élite de fe rendre fur nos frontières. Ils feront bientôt fuivis d'un plus grand nombre, & les Officiers qui doivent les commander font partis. En même temps le Miniftre de Péters

bourg a notifié au nom de fa Souveraine, que defirant maintenir l'ordre, la paix & la forme du Gouverment Polonois, & notamment le droit d'élire un Roi, qui appar tient à la République, elle ne peut approu ver la nouville Conftitution, & qu'elle s'oppofera à fon exécution.

Ce nouvel orage, que quelques perfonnes ardentes méprifent, jettent de l'inquiétude & de l'embarras dans les affaires; il donne un moyen d'activité aux mécontens, & peut fournir des reffources trèsfolides au parti de l'oppofition. Ces conmencemens de troubles fe trouveront encore accrus par l'enthoufiafme que l'on paroît vouloir répandre parmi le Peuple; enthousiasme qui n'eft point du courage, qui mène au fanatifme, à la perfécution, & fait d'un obftacle facile à détruire, une infurmontable réfiftance. Au moins les expreffions que l'on met dans la bouche du Roi, à un repas donné par Corps-de-ville le 13 de ce mois, femblent elles annoncer cet efprit d'ardeur. Ce Prince, dit-on, répondit aux fantés qu'on lui porta par ces paroles : « Le moment eft venu où les diftinctions font détruites; où l'homme eft rapproché de l'homme, &c. » C'eft avec des maximes à-peu-près femblables, des adages pareils, que la France a fait de l'exercice du droit national, de faire dans fon Gouvernement les réformes

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que les Etats-généraux auroient trouvées utiles, un moyen d'anarchie & de divifions politiques dont on ne voit point le terme.

ALLEMAGNE.

De Berlin, le 24 Mai 1792.

Le Roi part pour les revues de Magdebourg; il fe rendra enfuite à celles de Poméranie, & delà à Anfpach, Bareith & à l'armée. Sa Majefté avoit paffé en revue, la femaine dernière, les régimens arrivés des garnifons voifines, & la revue générale a eu lieu enfuite, fuivant l'ufage. Il a été donné des ordres aux régimens en garnifon dans la Pomeranie de fe tenir prêts à marcher; P'on croit qu'il en paffera une partie fur les frontières de la Pologne; ceux de Braun & de Lignowky, qui font partie de notre garnifon, doivent fe rendre en Silésie.

Ces foins militaires font peut être la caufe du retard de la marche des troupes à leur deftination du Rhin & des PaysBas; ce qu'il y a de vrai c'eft qu'on n'apprend, point encore que l'on en ait vu paffer dans aucune des villes qui fe rencontrent fur la route qu'elles doivent tenir; lenteur que l'on voudroit attribuer à des incertitudes dans notre Cabinet, quoique jufqu'à préfent on ne connoiffe aucun motif qui ait pu le faire changer de détermination.

Le Prince de Hohenlohe, Général de

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