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cette derniere propofition ;"J'ai la vraie foi, accompagnée de toutes les CLA S. vertus chrétiennes, & des bonnes œuvres, qui en font les fruits légitimes, leur eft à chacun d'eux en un plus haut degré d'évidence & de certitude, que toutes les autres que Dieu nous a révélées dans fa parole.

N°. VI.

Concluons donc, de tous ces témoignages du fieur Daillé, qui a eu trop de crédit parmi les Prétendus Réformés de France, pour avoir sujet de craindre qu'il ne foit défavoué; 1o. que l'affurance qu'ils veulent que chaque fidele ait de fa Juftification, eft inféparable de celle qu'ils veulent auffi qu'il ait de fon élection & de fon falut; parce que, felon eux, il n'y a que les élus qui foient juftifiés, & que ceux qui font une fois justifiés ne déchéent jamais de cet état.

2°. Que chaque fidele eft auffi affuré de fa Juftification & de fon falut, qu'il eft affuré que fon ame ne mourra point, & que fon corps reffufcitera au dernier jour.

3°. Que l'une & l'autre affurance, de la Juftification & du falut, est ende foi divine; chaque fidele parmi eux étant obligé de croire qu'il eft juf tifié, & qu'il fera fauvé, avec une pleine certitude, comme vérité divine & rélévée de Dieu en fa parole, de la même forte qu'il croit généralement, comme des vérités divines, que tous ceux qui ont la foi font juftifiés, & que tous ceux qui font juftifiés feront glorifiés.

4. Qu'il eft vrai que l'affurance qu'ils ont de leur Juftification & de leur falut, fuppofe qu'ils foient affurés d'avoir la foi: mais que cela n'a garde d'empêcher qu'ils ne croient, de foi divine, & avec une entiere certitude, qu'ils font en la grace de Dieu, & qu'ils régneront éternellement avec Jefus Chrift, parce qu'il leur eft plus certain, quant à eux, qu'ils ont la vraie foi, qu'il ne leur eft certain qu'il y a un enfer & un paradis.

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CHAPITRE VIII.

Que rien ne fait mieux voir l'attachement qu'ont les Calvinistes à ce nouveau dogme; Que tout fidele peut & doit avoir une entiere affurance de fon falut, que les efforts qu'ils font pour empêcher qu'on n'en voie la condamnation dans un passage de l'Epitre aux Romains.

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E ne fais fi les Calviniftes ne fe plaindront point, que nous nous mettons trop en peine de prouver ce qu'ils ne contestent pas, qui est, que c'est une maxime certaine de leur nouvelle Théologie: Que tout vrai fidele peut

doit avoir une entieré afsurance de fon falut.

Cela néanmoins me paroît fi important pour aller au devant des chica

neries dont ils tâchent d'embrouiller cette matiere quand on leur repré- III. fente vivement les abfurdités que ce dogme enferme, que je ne puis m'em- C'L A S. pêcher de rendre encore leur fentiment plus vifible & plus incontestable, N°. VL s'il eft poffible, en montrant de quelle forte ils ferment les yeux à la vérité, pour ne pas voir que S. Paul les condamne dans fon Epître aux Romains.

C'eft dans l'onzieme chapitre, où il représente le peuple Juif comme ayant été d'abord, dans les Patriarches & les Prophetes, le tronc de l'Olivier divin, auquel il faut être uni pour avoir part à l'Alliance de Dieu; & il montre en même temps, que les Juifs, qui n'avoient pas reçu le Messie, en avoient été retranchés, à caufe de leur incrédulité, & que les Gentils, convertis à Jefus Chrift, avoient été entés en leur place. Mais afin que ce ne fût pas à ces derniers un fujet de s'élever d'orgueil, il les avertit, qu'ils ont à craindre, que ce qui eft arrivé aux Juifs ne leur arrive aufli, & qu'ils ne foient retranchés de l'Alliance de Dieu, s'ils manquent à perfévérer dans l'état de grace où il les a mis. Pour le faire avec plus de force, il adresse fa parole à chacun de ces fideles convertis, & lui parle en ces termes.

"Vous direz peut-être ces branches (naturelles) ont été rompues ,, afin que j'y fuffe enté. Il eft vrai: elles ont été rompues à caufe de leur incrédulité, & pour vous, vous demeurez ferme par votre foi. Mais prenez garde de ne vous pas élever, & tenez-vous dans la crainte: car fi Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, craignez qu'il ne vous épargne point auffi. Confidérez donc la bonté & la févérité de Dieu. Sa févérité envers ceux qui font tombés, & sa bonté envers vous, fi vous demeurez ferme dans l'état où sa bonté vous a mis. Autrement vous ferez auffi retranché".

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Que peut-on defirer de plus clair contre ce dogme inoui à toute l'Antiquité, que tout fidele doit croire, comme une vérité de foi, qu'il ne fera point retranché de l'Alliance de Dieu? S. Paul marque expreffément, qu'il parle à un vrai fidele: Tu autem fide Atus. Parlant à ce fidele qui eft debout par la foi, il lui recommande de craindre: Noli altum fapere, fed timè ; & il lui déclare ce qu'il doit craindre, qui eft, que comme Dieu n'a pas épargné les Juifs, il ne l'épargne pas non plus qu'eux: Ne fortè nec tibi parcat. Il s'explique encore davantage fur le fujet de cette crainte, en tai mettant deux objets devant les yeux; l'un, d'espérance, & l'autre, de crainte, la bonté la févérité dé Dieu, & lui faifant entendre en même temps que la condition néceffaire pour continuer à éprouver fa bonté eft, de demeurer dans l'état de foi & de grace, où elle l'a mis: Si permanferis in bonitate; mais que, s'il décher de cet état, il éprouvera fa févérité étant reEcrits contre les Proteftants. Tome XIII.

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III. tranché de l'Olivier divin, comme l'ont été les Juifs incrédules, Alioquin CLAS. & tu excideris: ce qui emporte un entier retranchement du falut.

NO VI

Baillé Re plique Part. III.

ch. 26.

1

En vérité il faut être bien aveugle, ou de bien mauvaise foi pour ofer nier, que le deffein de S. Paul n'ait été de faire craindre aux fideles mêmes, que, ne perfévérant pas dans l'état de foi & de grace où Dieu les. avoit établis par fa bonté, ils ne foient retranchés de Jefus Chrift, & pourne pas conclure de-là, que l'Apôtre n'eût pas parlé de la forte, s'il avoit fuppofé, comme font les Calviniftes, que chaque fidele peut & doit avoir une entiere affurance de fon falut..

M. Daillé a bien vu.la néceffité de cette derniere conféquence ; & c'est ce qui l'a engagé à la. prévenir par deux fortes de réponses, qui font contraires l'une à l'autre, & également infoutenables

La premiere eft; que la crainte dont parle S. Paul dans ce paffage, n'eft que la la modestie & l'humilité, & non une véritable crainte d'être retranché de l'Alliance de Dieu, comme l'ont été les Juifs. Mais,. quoique tout le paffage de l'Apôtre faffe voir évidemment la fauffeté de cette prétention, il ne laiffe pas de propofer cette chimere avec une audace qui ne se peut concevoir.

Car le fieur Cottiby ayant renfermé en peu de paroles ce que contient ce paffage, en, difant, que S. Paul nous y avertit, que, regardant la févérité de Dieu, nous craignions qu'il n'arrive que nous ne foyons pas épargnes ; il le traite avec injure, en l'accufant d'avoi falfifié ce paffage de S. Paul.. Votre Néophyte, dit-il en parlant au Pere Adam, falfifie le texte de l' Apôtre, qui ne nous commande pas de craindre qu'il n'arrive que nous ne foyons. pas épargnés; mais dit fimplement : Ne t'éleve point par orgueil, mais crains: Qu l'oppofition qu'il fait de la crainte qu'il commande à cette orgueilleuse élèvation qu'il défend, montre évidemment que la crainte qu'il entend eft la modeftie & l'humilité.

Quelle infolence ou quel étourdiffement! C'eft falfifier S. Paul, que de dire, qu'il nous ordonne de craindre, qu'il ne nous arrive de n'être pas épargnés! Et que veut donc dire: Ne fortè nec tibi parcat? Que veut dire :: Alioquin & tu excideris ? N'eft-ce point vouloir que ceux à qui il parle craignent d'être traités comme les Juifs, & d'être retranchés comme eux de PAlliance de Dieu, s'ils ne perfévéroient dans la foi à laquelle ils avoient été appellés ?

Mais S. Paul, dit-il, oppofe la crainte à l'élévation de Porgueil, & dit fimplement; Ne t'éleve point par orgueil, mais crains. Il n'entend donc par ce mot que l'humilité & la modestie. Cette raison, toute pitoyable qu'elle eft, fe pourroit fouffrir, fi l'Apôtre ne s'étoit pas expliqué auffi clairement qu'il fait, & fi, comme M. Daillé le fait entendre fauffement, il en

étoit demeuré à ces paroles: Noli altum fapere, fed time, fans rieh ajouter HÌ. davantage. Mais ayant ajouté, comme nous venons de dire, auffi- tôt CLA 9." après le mot de time, Si enim naturalibus ramis non pepercit ne fortè nes N°. VI. tibi parcat, & 'tant d'autres 'chofes qui nous font voir manifeftement de quelle crainte il entend parler, eft-ce une chofe fupportable, de chercher des arguments pour montrer qu'il n'a pas dit ce qu'il a dit en termes formels? Mais encore quel argument? S. Paul, dit-il, oppofe la crainte à l'orgueil: ce n'est donc que l'humilité qu'il entend par cette crainte. Comme fi rien étoit plus capable de nous préserver de l'orgueil, que la jufte crainte d'être retranchés de Jefus Chrift, dans lequel nous avons été entés par la foi, fi nous ne perfévérons dans la juftice chrétienne.

Que fi les Prétendus Réforniés s'opiniâtroient encore à vouloir foutenir cette infoutenable glofe du fieur Daillé, il faudroit qu'ils tinffent leurs plus favants Interpretes de l'Ecriture pour des falfificateurs de la parole de Dieu, puifque les Auteurs des notes de leur nouvelle Bible Françoife, expliquant ces mots, fed time, mais crains, difent que ce que S. Paul veut que l'on craigne eft, de tomber auffi en incrédulité, d'être par ce moyen retranché. A quoi ils ajoutent: Et cette crainte, mere de l'humilité, eft en chaque fidele, une fainte follicitude, & un defir ardent de persévérer, qui s'accorde fort bien avec l'affurance du falut. C'est une autre question de favoir fi cette crainte s'accorde fort bien avec l'affurance du falut. Il ne s'agit ici que de favoir quelle elle eft. Et on ne peut douter que ces Commentateurs ne reconnoiffoient, que cette crainte, qu'ils avouent être en chaque fidele, n'eft pas fimplement l'humilité, & la modestie, mais une vraie crainte de tomber en incrédulité, & d'être par ce moyen retranché de Jefus Chrift. Et c'eft auffi ce que Calvin a reconnu dans fon Commentaire fur TEpître aux Romains, où, expliquant ces mêmes paroles: Si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, &c. il dit, (a) Que cette raison est très-forte pour réprimer en nous toute baine confiance. Car nous Ine devons jamais penser au traitement qu'ont fouffert les Juifs, quand Dieu les a retranchés de fon Alliance, que ce fouvenir ne nous caufe de l'horreur & ne nous faffe trembler: Il ne leur a pas pardonné, quoiqu'ils fussent les branches naturelles; que nous arrivera-t-il donc à nous autres qui ne fomines que des branches fauvages & étrangeres, fi nous devenons infolents ? N'estce pas expliquer la crainte dont parle l'Apôtre de la même forte qu'avoit fait le fieur Cottiby, à qui le fieur Daillé a reproché impertinemment d'avoir falfifié le texte de S. Paul?

(a) Validiffima ratio ad omnem præfidentiam retundendam. Nunquam enim Judæo rum rejectio venire in mentem debet, quin nos horrore percellat & concutiat.... Illis non

parcitum eft, quum effent rami naturales:
quid ergo fiet nobis fylveftribus & exraneis
fi ultra modum infolefcamus?

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Hi. Calvin appelle encore la crainte dont parle S. Paul, la crainte de la CLAS. damnation, dont il dit qu'il eft bon que la chair des fideles mêmes foit frappée, comme nous aurons plus d'occafion de le faire voir en réfutant. la feconde réponse du fieur Daillé, qui n'eft pas plus raifonnable.

N°. VI.

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Il n'y a eu recours que dans l'appréhenfion qu'on ne voulût pas fe payer de la premiere. Mais quand tout cela, dit-il, ne feroit point, toujours est-il évident que vous ne fauriez rien induire de ce paffage, contre l'affurance que chaque fidele peut & doit avoir de fon falut. Et comment cela eft-il évident? C'eft, dit-il, que Apôtre parle en ce lieu là de l'état des peuples Gentils, convertis à Jefus Christ en général, & oppofé au peuple des Juifs en gros, & dit, que ce qui eft arrivé à ceuxçi, d'être retranchés de l'Olivier de Dieu; c'est-à-dire, de perdre la possesfion de la Doctrine falutaire, peut auffi arriver aux Eglifes Chrétiennes recueillies des Gentils. De-là il s'enfuit, bien que nous ne pouvons ni ne devons être affurés de la perfévérance d'aucun peuple en l'Alliance de Dieu, celui qui l'a maintenant pouvant en déchoir par incrédulité, comme il eft arrivé aux Juifs, & depuis, felon la menace de S. Paul, à plufieurs peu-ples, qui, ayant eu long-temps la profeffion du vrai Chriftianifme, l'ont enfin perdue. Et de cela nous fommes d'accord. Mais c'eft extravaguer d'en. conclure, qu'un fidele juftifié au fang de Chrift, & fanctifié par fon Ef. prit puiffe décheoir du falut, qui est le point de notre question,

Il paroît par cette feconde réponse du S. . Daillé, qu'il abandonne la premiere, ayant bien vu que ce n'étoit pas un pofte tenable, que de s'opiniâtrer à dire, comme il avoit fait d'abord, que la crainte, dont parle S. Paul, ne fignifie que la modeftie & l'humilité, & non la crainte qu'il ne nous arrive de n'étre pas épargnés non plus que les Juifs..

Il veut bien maintenant que S. Paul ait parlé de cette derniere forte de crainte; mais il rejette la difpute d'un autre côté, en prétendant, que: ceux à qui l'Apôtre a voulu faire craindre un traitement femblable à celui des Juifs, ne font que les Gentils convertis en genéral, & non chacun d'eux en particulier?;

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Vit-on jamais tant de témérité & tant de foibleffe tout enfemble? 1o. Il propose une interprétation toute nouvelle d'un paffage très-célebre de S. Paul. Il ne la fauroit appuyer de l'autorité d'un feul Pe-. re: & cependant il la propofe d'un air fi fier, qu'il ofe dire, qu'il eft: évident que ce paffage de S. Paul ne fait rien contre-eux, & que c'eft extravagaer que d'en, conclure, qu'un fidele puiffe décheoir du falut.. Quand je dis que l'interprétation du fieur Daillé eft nouvelle, je ne pré-. tends pas que ce foit en ce qu'il dit que S. Paul a parlé du peuple Gen-. til par oppofition aux Juifs (car cela eft indubitable ;) mais feulement, en,

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