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de tout. » C'est vrai» répondit l'économe, à qui ces dernières paroles avaient fait reprendre courage. En sortant de chez moi, il trouva arrêté devant la porte un chariot chargé de blé, que nous envoyait un ami de notre institution. »

Ces faits, auxquels nous pourrions en ajouter un très grand nombre d'autres, nous montrent comment le Seigneur prenait un soin continuel de cette utile institution. Le don le plus considérable qu'elle reçut fut de 5,000 écus. Frédéric Ier, roi de Prusse, figure au nombre des bienfaiteurs ; il donna 1,000 écus et de plus 100,000 pierres pour construire et 30,000 tuiles pour couvrir les bâtimens projetés. Unapothicaire de Leipzick fournit gratuitement les médicamens nécessaires aux enfans jusqu'à l'époque où une pharmacie fut établie dans la maison, et un ramoneurnommé Klemm, dont nos lecteurs nous sauront sans doute gré de consigner le nom dans nos Archives, s'engagea par écrit à ramoner grâtis, sa vie durant, toutes les cheminées de l'établissement.

Ces diverses institutions devinrent chaque année plus importantes; elles acquirent, encore du vivant de Francke, presque tout l'accroissement qu'elles ont aujourd'hui, et l'on ne peut s'en faire une juste idée qu'en les visitant soi-même. Nous dirons seulement qu'elles comprennent, outre ce qui se rapporte directement à la maison d'orphelins, une imprimerie, une librairie et une pharmacie qui s'exploitent au profit de la maison, une bibliothèque de 20,000 volumes, un cabinet d'histoire naturelle, une infirmerie, etc. A la mort de Francke, cent trente-quatre orphelins, placés sous la surveillance de dix inspecteurs, y étaient élevés; deux mille deux cent sept enfans. ou jeunes gens recevaient, dans différentes classes, auxquelles présidaient cent soixante-quinze maîtres, une instruction gratuite pour la plupart, et de plus trois cent soixante écoliers et deux cent cinquante-cinq étudians peu aisés étaient nourris. aux frais de l'établissement.

En voyant toutes ces choses opérées par un homme pauvre lui-même, qui n'élèverait ses pensées à Dieu et ne lui en rapporterait la gloire! C'est ce que Francke faisait sans cesse; « c'est le Dieu tout-puissant, disait-il, qui a créé cet établissement et

qui en a pris soin jusqu'à ce jour; et si jamais me venait la pensée que c'est moi qui en suis l'auteur, je la regarderais comme une tentation du diable, et la repousserais de toutes mes forces. Dieu n'a pas non plus fait ces choses par ma sagesse ou par des richesses qui m'appartinssent; je ne peux même pas dire que ma foi y ait quelque part; car, dans son amour, il a toujours fait au-delà de ce que j'ai cru; c'est sa miséricorde qui a tout opéré, et j'en rends témoignage, afin que tous louent avec moi le nom du Seigneur! ».

C'est dans la Bible que Francke avait trouvé la paix de son âme, le sentiment de sa réconciliation avec son Dieu, et cet amour pour le Seigneur qui était le principe de toutes ses œuvres de charité; il devait donc désirer par-dessus tout la propagation de ce livre divin; aussi saisit-il avec empressement une occasion qui s'offrit de travailler à le répandre. Son ami Charles de Canstein avait fondé à Halle, en 1712, une institution biblique qui, après un siècle et quart, existe encore. L'idée d'une sorte de stéréotypie s'était présentée à son esprit ; il fit fondre un nombre de caractères suffisant pour composer, d'abord le Nouveau-Testament, puis la Bible entière: les frais d'établissement étaient énormes, mais la conservation des planches épargnait ceux d'une composition répétée, et laissait la facilité de corriger les fautes. Son désir étant d'ailleurs uniquement de répandre la connaissance de la vérité parmi les classes les plus pauvres, il donna son édition des Livres saints à un très bas prix. Canstein mourut en 1719; il choisit Francke pour diriger l'immense entreprise qu'il avait fondée, et celuici, malgré ses occupations déjà si nombreuses, y donna ses soins jusqu'à sa mort (1).

(1) Ces Bibles allemandes de la version de Luther, pouvant se donner au plus bas prix, se sont répandues dans toute l'Allemagne. Nous ignorous combien il s'en est imprimé jusqu'à ce jour; mais on a compté que, dans un intervalle de quatre-vingts ans (de 1715 à 1795), on en a tiré 1,670,333 exemplaires de divers formats, y compris un petit nombre de traductions en bohémien, sans compter 863,890 exemplaires du Nouveau-Testament, un grand nombre de Psautiers, etc. Combien ces nombres ne doivent-ils pas s'être accrus dans les trente-trois ans écoulés depuis lors! Frédéric-Guillaume a donné, en 1735, à la maison d'orphe

Il prit aussi une grande part à l'organisation, dans les Indes, des missions danoises, qui sont les premières missions protestantes des temps modernes. En 1705, Frédéric IV, roi de Danemarck, ayant formé le projet d'envoyer des missionnaires dans ses possessions d'outre-mer, chargea Francke de désigner les jeunes ministres qui lui paraîtraient les plus propres à un tel emploi. Francke fit choix de Henry Plutschau et de Bartholomé Ziegenbalg, qui partirent peu après pour la côte de Malabar. Le succès de leurs travaux a justifié la préférence qu'il leur avait accordée. Depuis lors jusqu'à sa mort, il s'occupa toujours avec zèle de l'œuvre des missions ; c'est lui qui continua à choisir les jeunes gens qu'on envoya successivement rejoindre les premiers missionnaires; de plus, il publia une sorte de journal destiné à faire connaître les progrès du règne de Dieu dans l'Inde, qui est encore aujourd'hui continué par le directeur actuel de la maison d'orphelins de Halle.

Francke s'était marié à l'âge de trente et un ans; il eut une. fille et deux fils, dont l'un mourut fort jeune et dont l'autre, qui fut professeur de théologie à Halle, succéda à son père. dans la direction de ses nombreux établissemens de charité. Nous ne savons que peu de chose de sa vie domestique; un de. ses amis nous apprend cependant que dans sa maison on se conformait à ce précepte de Saint-Paul: Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou que vous fassiez quelque autre chose, faites tout à la gloire de Dieu. (1, Corinthiens, x, 31.)

La santé de Francke fut souvent altérée par son activité excessive; il dut, à plusieurs reprises, cesser tout travail et entreprendre des voyages qui lui permissent de jouir de quelque repos. En 1725, il commença à souffrir d'une maladie douloureuse à laquelle il fut sujet jusqu'à sa mort; l'année suivante, il devint paralytique de la main gauche, à la suite d'un coup d'apoplexie; cependant, au printemps 1727, il se sentit mieux

lins où Francke transporta cet établissement, un nouveau privilége; on y a publié aussi plusieurs Bibles en langues étrangères. Douze presses y sont encore constamment occupées à fournir, par de nouveaux tirages, aux demandes multipliées du publie chrétien,

portant, et espéra pouvoir reprendre ses leçons publiques. Il ouvrit, en effet, son cours le 15 mai, mais éprouva, aussitôt après la leçon, un grand affaiblissement. Le 24 du même mois, il se fit conduire dans le jardin qui dépend de la maison d'orphelins, et là, dans une prière qu'il prononça à haute voix et qui dura près d'une heure, il rappela toutes les bénédictions dont Dieu l'avait comblé depuis son enfance, rendant grâces surtout de cette conversion que le Seigneur avait, dans sa jeunesse, opérée dans son âme, et priant pour sa famille et pour les enfans selon la grâce qu'il lui avait accordés en grand nombre.

Le lendemain, la maladie fit de nouveaux progrès, et on comprit bientôt que cette carrière de foi et de charité touchait à son terme. Souvent, pendant sa maladie, il s'écria, tantôt en hébreu, tantôt en allemand : « Seigneur, j'attends ton salut!» Sa femme lui ayant demandé s'il sentait la présence de son Sauveur, il répondit avec assurance : « Oui, sans aucun doute je la sens; » et après avoir souvent prié à haute voix et avoir prononcé, dans les derniers jours de sa vie, beaucoup de paroles édifiantes qui consolèrent et fortifièrent dans la foi tous ceux qui entouraient son lit de douleur, il s'endormit le 8 juin 1727, à l'âge de 64 ans.

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On a écrit en allemand un grand nombre de notices sur la vie de Francke. La dernière et la plus complète est celle publiée en 1827, juste cent ans après sa mort, par M. le docteur Guerike. (Halle, 1 vol. in-8, de 474 pages.) Elle contient de nombreux extraits de ses ouvrages. Ce chrétien excellent était peu connu en France, l'article de M. de Lasteyrie dans la Biographie universelle n'étant relatif qu'à son activité extérieure, et ne donnant aucune idée de ses convictions et de ses sentimens; nous avons cru utile de lui consacrer ces lignes, parce que sa vie entière est la confirmation de cette promesse : Quiconque confesse que Jésus-Christ est le fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu, en même temps que l'accomplissement de ce commandement : Que celui qui aime Dieu, aime aussi son frère.

REVUE LITTÉRAIRE ET RELIGIEUSE. Į

I. HISTOIRE DES INSTITUTIONS De Moïse et du PEUPLE HÉBREU, par J. SALVADOR. 3 vol. in-8°. Paris, 1828, chez PONTHIEU ET Cie, et chez H. SERVIER, rue de l'Oratoire n° 6. Prix: 21 fr. II. JÉSUS DEVANT CAÏPHE ET PILATE. Réfutation du chapitre de M. SALVADOR intitulé: JUGEMENT ET CONDAMNATION DE JÉSUS; par M. Dupin Ainé, avocat et docteur en droit. Br. in-12, de 120 pages. Paris, 1828. Chez PAUL LEDOUX et chez H. SERVIER. Prix :1 fr.-Se vend au profit des pauvres.

Nous ne sommes pas fâchés d'être appelés à exprimer notre opinion sur un sujet aussi important que celui de l'authenticité du Nouveau-Testament, en ce qui regarde l'histoire de la mort du Sauveur du monde ; car si la foi était ébranlée sur un point aussi essentiel, il importerait peu quel degré de confiance l'Évangile mérite sur d'autres sujets. Peut-être y auraitil bien des choses à dire sur la manière dont on a donné de la publicité à la discussion dont il s'agit; ainsi, par exemple, nous n'avons certes pas été édifiés en voyant affichés aux coins des rues et dans les lieux les plus fréquentés, des placards en gros caractères portant cette inscription: Procès de Jésus-Christ, et celle-ci : Jésus et Caïphe. Comme protestans, nòus en aurons peut-être éprouvé plus de peine que nos frères d'une autre communion; accoutumés, comme ils le sont, à voir les gravures les plus grossières et les images les plus dégoûtantes de Celui que nous croyons, avec M. Dupin, être l'Homme-Dieu, de Celui qui est l'auteur de notre salut et l'objet de notre adoration, ils ont peut-être été moins blessés que nous du genre de publicité qu'on a donné à des opinions particulières sur les circonstances qui ont amené la mort de notre Rédempteur ; mais il nous semble que tous les gens pieux et même que tous les gens de bon goût penseront, comme nous, qu'on ne doit pas faire figurer l'annonce de discussions aussi solennelles, et

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