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bilité résultant pour lui de sa qualité de maître ou commettant, en vertu de l'article 206 du Code forestier, et non à raison de la responsabilité qui lui incomberait comme adjudicataire, en vertu de l'article 45, à raison des délits commis dans sa coupe et qu'il n'aurait pas fait régulièrement constater;

Mais attendu que, le fait de coupe en délit ayant été constaté contre Gaulet, dont la qualité d'adjudicataire est rappelée dans le procès-verbal, il importe peu que les gardes, en constatant le fait délictueux, n'aient paru l'envisager qu'au point de vue de la responsabilité édictée par l'article 206; que le fait régulièrement constaté engageant la responsabilité de Gaulet à un second point de vue, celui de sa qualité d'adjudicataire, en vertu des articles 45 et 46 du Code forestier, l'Administration a évidemment pu poursuivre Gaulet à raison de sa double responsabilité;

Que, dans les conclusions de l'original de l'assignation donnée à Gaulet, l'Administration concluait expressément à l'application, notamment des articles 45 et 46;

Qu'à la vérité, ces articles ne sont pas cités dans la copie d'assignation signifiée à Gaulet; que cette omission pouvait constituer un vice dont le prévenu aurait peut-être eu le droit de se prévaloir devant le tribunal, en excipant de la nullité de l'assignation, avant toute défense au fond; mais que, loin de se prévaloir de ce moyen de nullité et l'Administration concluant, sur l'audience comme dans son assignation, à l'application des articles 45 et 46, le prévenu a accepté le débat sur ce terrain et expressément conclu lui-même à ce que le tribunal déclarât les articles 31 et 45 inapplicables à l'adjudicataire au cas de vente de chablis ; que le moyen élevé devant la Cour est donc évidemment irrecevable;

Attendu qu'il s'agit seulement de savoir dans quelle mesure s'étend la responsabilité de l'adjudicataire de chablis et dans quelles conditions de distances doivent se trouver les délits commis pour que l'adjudicataire en soit responsable;

Que l'Administration soutient que, les délits ayant été commis dans les quartiers de la forêt de Laruns désignés par les affiches annonçant la vente comme ceux où se trouvaient les chablis à exploiter; cette désignation suffit pour rendre l'adjudicataire responsable de tous les délits commis dans les quartiers désignés, à quelle distance que soient les arbres coupés des chablis et même dans la zone de 250 mètres située au delà des limites des quartiers désignés ;

Que le prévenu soutient, de son côté, que la responsabilité de l'adjudicataire sur le fondement de l'article n'existe qu'au cas de délimitation des coupes, régulièrement faite dans les conditions et avec les formalités prescrites à la section 3 de l'ordonnance réglementaire; qu'il prétend que ce mode de délimitation n'étant pas par sa nature applicable aux coupes de chablis et d'ailleurs aucune des formalités de l'ordonnance n'ayant été remplie, la responsabilité de l'article 45 ne saurait lui être appliquée ;

Attendu que la délimitation de la coupe ou vente de chablis n'a pas été faite avec les formalités et dans les conditions de l'ordonnance réglementaire; qu'il est même évident qu'une délimitation est matériellement impossible au cas d'exploitation de chablis gisant épars dans une forêt;

Que le mode de délimitation réglementé par l'ordonnance ne s'applique

qu'au cas où il y a à déterminer le périmètre d'une partie de la forêt dont tous les produits (sauf ceux qui peuvent être spécialement réservés) ont été compris dans l'adjudication et doivent être exploités par l'adjudicataire;

Que, l'adjudicataire devant ainsi prendre librement possession de l'entière superficie formant le parterre de la coupe, il a fallu la délimiter d'une manière précise et matérielle et que, comme conséquence de sa liberté d'action sur ce terrain, la loi a dû rendre l'adjudicataire responsable non-seulement des délits commis dans l'enceinte délimitée du parterre de la coupe, mais encore dans une zone de 250 mètres au delà des limites tracées sur le terrain ;

Mais que, si ce mode rigoureux de délimitation, le seul prévu par la loi, ne peut être appliqué à raison de la nature de l'exploitation à d'autres coupes que celles pour lesquelles il a été établi, il ne saurait appartenir à l'Administration forestière de le remplacer, notamment en matière de vente de chablis, par d'autres moyens de prétendue délimitation et notamment par la simple indication dans les affiches annonçant la vente de la forêt ou même des quartiers de la forêt où se trouvent les chablis à exploiter. Ces quartiers fussent-ils déterminés même par des accidents de terrain tels que des rochers ou des cours d'eau;

Qu'une telle annonce, sans garantie sérieuse, puisqu'elle n'émanerait que de simples agents de l'Administration, ne saurait servir à déterminer l'étendue de la responsabilité grave que l'article 45 fait peser sur les adjudicataires;

Que cela est d'autant moins admissible que, dans le cas de coupes ordinaires délimitées conformément à l'ordonnance, la responsabilité ne s'étend jamais que sur le terrain où l'adjudicataire a dû s'installer pour son exploitation et à la distance de 250 mètres au delà des limites de ce terrain, tandis que, dans le cas d'une coupe de chablis à faire dans un quartier déterminé, la responsabilité pourrait s'étendre, d'une manière indéfinie, bien au delà de 250 mètres, à raison de la distance qui pourrait séparer la partie du quartier où l'exploitation doit se faire des limites de ce quartier; quc, dans ce cas, la responsabilité s'étendrait même aux quartiers voisins dans une zone de 250 mètres au delà du quartier où se fait l'exploitation;

Qu'enfin, au cas où l'affiche aurait simplement annoncé la vente des chablis existant dans une forêt d'ailleurs parfaitement connue et délimitée, la responsabilité de l'adjudicataire de quelques chablis s'étendrait à tous les délits commis dans cette forêt, quelle que fût son étendue et quelle que fût la distance séparant le point où se fait l'exploitation de celui où les délits ont été commis;

Qu'il suit de là que le système absolu de l'Administration ne saurait être accueilli et que les énonciations de l'affiche annonçant l'adjudication de chablis qui a eu lieu en faveur de Gaulet ne sauraient, ni en droit ni en fait, dans l'espèce, servir à déterminer l'étendue de la responsabilité qui peut peser sur lui en vertu de l'article 45;

Mais attendu, d'un autre côté, que l'adjudicataire de chablis ne saurait, sous prétexte d'inapplicabilité de l'ordonnance à la délimitation de ce genre de coupes, échapper à la responsabilité que l'article 45 fait peser sur tous les adjudicataires sans exception;

Qu'à défaut d'un parterre de coupe dont tous les produits doivent être

exploités par l'adjudicataire, les ventes ou coupes dont parle l'article 45 s'entendent évidemment de chaque arbre isolé, les chablis pouvant se trouver à de grandes distances les uns des autres; que la vente ou coupe est dans ce cas l'arbre lui-même et l'ouïe de la cognée déterminant la responsabilité, la zone qui entoure l'arbre dans un rayon de 250 mètres ;

Que telle est évidemment la volonté de la loi et qu'ainsi se trouve atteint son but qui a été de rendre l'adjudicataire responsable de tous les délits commis à une distance de 250 mètres du point où il est appelé à travailler pour les nécessités de son exploitation;

Qu'il ya donc lieu de reconnaître Gaulet responsable seulement des délits qu'il a négligé de faire constater et qui ont été commis à moins de 250 mètres de chacun des chablis à lui adjugés ;

Atteudu que, le procès-verbal ne s'expliquant pas sur la distance où les arbres ont été coupés et sur les dimensions de ceux à raison desquels Gaulet peut être déclaré responsable, et les parties n'étant pas d'accord à cet égard, il y a lieu de faire procéder à la constatation de ces faits par une expertise régulière;

Par ces motifs,

LA COUR, disant droit à l'appel relevé par l'Administration des forêts contre le jugement dont s'agit,

Rejette la fin de non-recevoir opposée'par Gaulet à l'action de l'Administration, ayant pour objet l'application des articles 45 et 46 du Code forestier;

Au fond:

Annule la disposition du jugement qui a déclaré ces articles inapplicables à Gaulet en tant qu'adjudicataire d'une coupe de chablis;

Déclare, au contraire, Gaulet responsable, aux termes desdits articles, des délits commis en forêt depuis le permis d'exploiter à lui délivré, mais seulement à la distance de 250 mètres autour de chacun des chablis vendus;

Et pour déterminer le nombre des arbres coupés et enlevés dans ces conditions,

Ordonne que, par M. le garde général du cantonnement qui prêtera serment devant le juge de paix de sa résidence, il sera procédé, parties présentes ou appelées, à la recherche des arbres, dont la coupe a été constatée par le procès-verbal qui sert de fondement à la poursuite et qui se trouvent dans les conditions qui viennent d'être fixées;

Charge également l'expert de procéder au mesurage de ces arbres, conformément aux dispositions de la loi, et d'en estimer la valeur

Pour, au vu du rapport, être statué définitivement sur les conclusions de l'Administration.

Du 20 février 1886. MM. Soulé, président; Borie, rapporteur.

SECOND ARRÊT (définitif) :

LA COUR: Attendu que par l'arrêt qui s'exécute Gaulet a été déclaré, en principe responsable, en sa qualité d'adjudicataire, des délits commis dans la coupe qu'il avait soumissionnée; qu'il ne s'agit donc plus d'un délit

ordinaire de droit commun puni par les articies 192 et suivants du Code forestier, mais bien d'un délit d'exploitation auquel il doit être fait application des dispositions particulières qui concernent les adjudicataires;

Que, sur ce terrain, Gaulet allègue, pour la première fois, que le permis d'exploiter lui a été délivré sans que les 294 sapins qui lui avaient été vendus eussent été marqués, qu'il offre de prouver, par témoins, que le martelage ne fut opéré que pour 130 arbres, le mauvais temps ayant empêché de continuer cette désignation, et qu'il demande une enquête pour établir le nombre d'arbres marqués après la vente;

Que cette preuve et cette expertise sont également irrecevables au cas particulier; que les arbres doivent être marqués avant l'adjudication; qu'à partir de ce moment, il y a présomption légale qu'ils l'ont été et aussi que l'arbre abattu n'était pas compris dans la vente, quand l'adjudicataire ne représente point l'empreinte du marteau de délivrance; que cela est si vrai, qu'ainsi que l'enseigne M. Meaume, la preuve que la marque avait disparu par accident ou force majeure ne peut jamais être admise et, dans ce cas, le défaut de représentation de l'empreinte ne peut être considéré comme une infraction au cahier des charges relatives au mode d'abatage des arbres;

Attendu, en fait, qu'en présence des constatations de l'expertise et des conclusions de l'Administration il n'y a point lieu de considérer comme bois de délit les souchès qui font l'objet de la 2e partie du rapport et qui ont été trouvées au bas de la glissoire des parcelles C3 et D3;

En ce qui concerné les autres chablis, au nombre de 34, compris dans le premier tableau de l'expert :

Attendu que l'article 29 du Code forestier n'est point applicable à l'espèce; que cet article prévoit le cas d'outrepasse et n'est fait que pour les ventes par contenance, d'où suit qu'il est étranger aux ventes jardinatoires ou de chablis dont le caractère est identique; que, par conséquent, le sieur Gaulet est placé sous le coup des articles 33 et 34 du Code forestier;

Attendu qu'aux termes de l'article 33, l'adjudicataire sera tenu de respecter tous les arbres marqués ou désignés pour demeurer en réserve, quelle que soit leur qualification, lors même que leur nombre excéderait celui qui est porté au procès-verbal de martelage et sans que l'on puisse admettre, en compensation d'arbres coupés en contravention, d'autres arbres non réservés que l'adjudicataire aurait laissés sur pied.

Que si, dans les coupes à la contenance, les arbres réservés sont les arbres marqués qui servent à les délimiter, dans les coupes jardinatoires, chaque arbre vendu étant marqué en délivrance, il s'ensuit forcément, a contrario, que tout ce qui n'est pas marqué est réservé; c'est ce qui fait dire à M. Meaume que, dans ce cas, l'obligation de l'adjudicataire est la même que dans le premier, mais qu'elle est inverse;

Attendu que la coupe de chablis est, dans l'esprit de la loi et suivant la jurisprudence, une coupe jardinatoire; qu'elle donne à l'adjudicataire les mêmes droits et lui impose les mêmes obligations;

Que c'est donc à tort que Gaulet prétend que les chablis non marqués étant des arbres brisés ne pouvant servir de reproducteurs, on ne saurait leur reconnaître la qualité d'arbres de réserve; que c'est là un abus de raisonnement qui ne détruit point les motifs précédents et qui, s'il était admis, mène

rait à ce résultat que la coupe de chablis ne serait plus une coupe au sens légal et que l'adjudicataire échapperait à la responsabilité plus étendue que sa qualité lui impose et dont le législateur a posé la sanction dans l'art. 34; Attendu donc qu'il y a lieu de prononcer contre Gaulet l'amende édictée par l'article 34; qu'aux termes du même article, la restitution doit être égale à l'amende sans égard à la valeur réelle du bois coupé en délit; qu'enfin, au cas particulier et aux termes de la doctrine et de la jurisprudence constante de la Cour suprême, les dommages-intérêts sont obligatoires pour le juge et ne peuvent pas être inférieurs à l'amende simple; que d'ailleurs l'amende simple est l'amende tiercée prononcée par l'article 34.

Par ces motifs;

Vidant l'interlocutoire ordonné,

Sans s'arrêter à aucune des conclusions de Gaulet dont il demeure débouté; Le condamne, par toutes voies de droit et par corps: 1° à 1838 fr. 53 d'amende; 2o à 1830 fr. 53 de restitution; 3° à 1830 fr. 53 de dommages-intérêts.

Le pourvoi formé par le sieur Gaulet a été rejeté par l'arrêt sui

vant :

ARRÊT:

LA COUR: Sur le premier moyen tiré de la violation par fausse application des articles 33, 34, 45 et 46 du Code forestier, en ce que l'arrêt attaqué aurait à tort déclaré lesdits articles applicables à l'adjudicataire d'une coupe jardinatoire qui a coupé et enlevé en délit des bois chablis non marqués en délivrance;

Attendu que les dispositions des art. 45 et 46 du Code forestier concernant la responsabilité des adjudicataires pour tout délit forestier commis dans leurs ventes sont générales et absolues et qu'il n'y a, sous ce rapport, aucune distinction à faire, entre les adjudicataires de coupes à tire et aire et les adjudicataires de coupes jardinatoires; qu'il en est de même des dispositions des art. 33 et 34 du même Code lesquels imposent aux adjudicataires l'obligation de respecter non seulement tous les arbres marqués, mais encore tous ceux désignés pour demeurer en réserve, quelle que soit leur qualification;

Attendu que si, dans les coupes à tire et aire, ce sont les arbres réservés qui sont frappés de l'empreinte du marteau de l'Administration, il en est tout autrement dans les coupes jardinatoires pour lesquelles cette empreinte désigne au contraire les arbres délivrés à l'adjudicataire; qu'il suit de là que, dans les coupes de cette dernière espèce, les seuls arbres que l'adjudicataire a le droit d'abattre sont ceux qui sont indiqués par la marque et que l'absence de l'empreinte lui désigne tous ceux qui sont réservés et qu'il est tenu de respecter, quels qu'ils soient;

Attendu, dès lors, qu'il y a même délit de la part d'un adjudicataire, soit à couper et enlever dans une coupe à tire et aire des arbres frappés de l'empreinte du marteau de l'Administration, soit à couper et enlever dans une coupe jardinatoire des arbres qui ne portent pas cette empreinte; que, dans

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