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décret de restitution du 7 thermidor an XI, reprenait son cours à partir de la notification qui leur était faite de l'arrêté de rejet. (Arrêté du 19 août 1817.)

8o Le droit, pour les fabriques, de porter leurs demandes en justice, résultait pour elles du seul rejet, par le pouvoir exécutif, de leurs prétentions, sans qu'il fût besoin d'un renvoi spécial au pouvoir judiciaire. En conséquence: Est prescrite l'action en revendication d'une fabrique qui, non exercée pendant douze ans avant l'arrêté du 19 aoûl 1817, n'a été reprise que dix-neuf années après le rejet de son recours vers le pouvoir exécutif.

9o La possession d'un bien faisant partie de ceux restitués aux fabriques, prise par le domaine en vertu de la loi et dans les formes qu'elle détermine, n'étant pas fondée sur la violence, a pu servir de base à la prescription. (C. civ., 2233.)

(LA FABRIQUE DE L'ÉGLISE DE ROUVROY,

C. LE MINISTRE DES FINANCES.

Les faits de cette cause et l'arrêt de la Cour d'appel de Liége, du 15 mai 1850, qui a donné lieu au pourvoi, sont rapportés dans ce recueil, partie d'appel, année 1850, p.134.

La fabrique de l'église de Rouvroy a dénoncé cet arrêt à la Cour de cassation; son recours était fondé sur un moyen unique puisé dans la fausse application et la violation de la loi du 5 novembre 1790, titre III, art. 15; des art. 2235, 2242, 2244, 2246, 2247, 2251, 2262, 2281, C. civil; de l'art. 1032, C. de pr.; de l'arrêté du 17 ventôse an vi; de la loi du 5 nov. 1790, titre ler, articles 1 et 2; de la loi du 28 pluviose an vIII, art. 3 et 4; de la loi du 29 vendémiaire an v, art. 3; de l'arrêté du 7 thermidor an XI, art. 1, 2, 3 et 5; de l'arrêté du 28 frimaire an xi; de la loi du 18 germinal an x, art. 75 et 76; de l'avis du conseil d'Etat du 25 décembre 1806, approuvé le 25 janvier 1807; de l'avis du même conseil, du 25 prairial an xu; du décret du 50 déc. 1809, art. 36, S$ 1 et 3, et art. 77; de l'arrêté du 19 août 1817, dans toutes ses dispositions; de la loi fondamentale de 1805, art. 148; du décret du 11 prairial an x11; du décret du 30 septembre 1807; de la loi du 24 août 1790, titre II, art. 13; de la loi du 16 fructidor an in; de l'arrêté du 2 germinal au v; enfin de l'arrêté du 5 fructidor an IX.

Le moyen se divisait en huit paragraphes. Dans chacun d'eux, sauf le dernier, la demanderesse alléguait d'une manière géné

rale la violation et la fausse application.de tous les textes cités à l'appui du pourvoi, mais dans sa démonstration, elle les reprenait spécialement.

§ 1er. L'arrêt attaqué a considéré la fabrique comme recevable à agir en justice conformément à l'art. 15, titre III de la loi du 5 nov. 1790, par cela seul qu'elle avait satisfait à cette disposition en présentant à l'autorité administrative un mémoire non suivi de réponse dans le mois. Si les faits sont exacts, la conséquence ne l'est pas, car la fabrique avait en outre besoin, pour porter sa réclamation en justice, d'y être spécialement autorisée. La nécessité de celle autorisation se prouve d'abord par la combinaison de l'arrêté du 7 thermidor an xi, art. 3, avec les lois du 29 vendémiaire an v, article 5 et du 28 pluviôse an vшII, art. 4, et ensuite par le décret du 30 déc. 1809, article 77 et le Code de procédure, article 1032.

La fabrique n'ayant pas été autorisée s'est trouvée dans l'impuissance d'agir et la prescription n'a pas couru contre elle. L'arrêt attaqué a restreint à un mois l'effet interruptif de la prescription attaché à la présentation du mémoire: mais la loi du 5 novembre 1790 ni aucune autre n'a posé ce terme. La prescription ne pouvait recommencer qu'après la décision de l'autorité administrative; or, dans l'espèce, il n'a jamais été statué sur la réclamation de la fabrique.

§2. L'arrêt attaqué, en décidant que la fabrique pouvait agir sans avoir été envoyée en possession, a méconnu l'autorité de l'avis du conseil d'Etat du 23 déc. 1806, approuvé le 25 janvier 1807 (Pasin., 1, 14, p. 70).

Cette décision n'a pas, il est vrai, été insérée au Bulletin des lois; mais ayant été envoyée aux évêques par le ministre des cultes chargé d'en assurer l'exécution, elle est devenue obligatoire en conformité de l'avis du conseil d'Etat du 25 prairial an XIII.

La fabrique qui n'a jamais obtenu d'envoi en possession n'a jamais pu agir, elle n'a donc jamais encouru de prescription; qu'elle ne put, en l'absence de cette condition préalable, saisir les tribunaux de sa revendication, c'est ce qu'atteste la jurisprudence établie en France. Le mémoire citait sur ce point cinq arrêts de Cours françaises et six arrêts du conseil d'Etat.

3. Laissant même de côté l'avis du conseil d'Etat approuvé le 25 janvier 1807, l'impossibilité légale d'agir sans avoir obtenu un envoi en possession et la suspension de prescription qui en est la conséquence seraient encore incontestables.

L'arrêté de thermidor, en restituant collectivement aux fabriques leurs biens non aliénés, n'a pas de plein droit et de fait dessaisi l'Etat la transmission, l'appropriation ne se consommaient que par un acte spécial, acle rentrant dans l'exécution attribuée au ministre compétent, ainsi que le prouvent d'ailleurs la loi du 18 germinal an x, art. 75, et le décret du 30 déc. 1809, art. 36.

L'exécution de l'arrêté de thermidor impliquait la solution de questions nées de la nouvelle circonscription des succursales decrétée le 11 prairial an xr et le 30 septembre 1807; la loi du 28 pluviôse an viu défendait aux tribunaux de connaitre des difficultés de cette nature. Sous cette législation, il fallait donc qu'une fabrique, avant de faire valoir ses droits en justice, en soumit l'appréciation à l'administration. Jusqu'à la décision de celle-ci, pas d'action judiciaire, partant pas de prescription possible.

§ 4. L'arrêt attaqué ne pouvait compter, comme il l'a fait, dans le temps nécessaire à la prescription, l'intervalle de l'arrêté de restitution à la cessation du régime impérial, parce que, sous ce régime, la loi du 28 pluviose an vi attribuait à l'administration compétence exclusive sur le contentieux du domaine et sur les différends entre les établissements publics. Cette compétence n'a jamais été épuisée, celle des tribunaux n'a jamais été ouverte, puisque jamais l'administration n'a prononcé sur la réclamation que la fabrique lui a adressée, ainsi qu'il est reconnu par l'arrêt attaqué.

5. Si l'on supposait que l'administration. ne fût pas compétente pour statuer sur le fond du droit, il faudrait au moins reconnaltre, en présence de la disposition précise de la loi du 5 novembre 1790, titre III, article 15, que la fabrique, avant de porter sa réclamation devant les tribunaux, était tenue de la soumettre à l'autorité administrative, et que la remise du mémoire interrompait la prescription.

D'après les principes du droit commun, cet effet interruptif devait nécessairement opérer jusqu'à la décision de l'autorité administrative; aucune loi ne le fait cesser plutot; l'art. 15 ne dit pas que la prescription courra contre le réclamant qui ne se sera pas pourvu devant les tribunaux, à défaut de décision administrative dans le mois. Après ce terme subsiste encore comme auparavant l'instance dont l'administration est saisic: cette instance qui a pour objet la reconnaissance des droits du réclamant, forme obstacle au cours de la prescription. Celle-ci n'a

donc pu commencer qu'à l'époque où la loi fondamentale des Pays-Bas a rendu aux tribunaux la libre connaissance des questions de propriété.

§ 6. L'arrêté royal du 19 août 1817 a placé les fabriques dans l'impuissance de poursuivre devant les tribunaux les droits qu'elles puisaient dans l'arrêté restitutoire de thermidor, aussi longtemps que ces droits n'auraient pas été soumis à l'appréciation du roi et que le roi n'aurait pas renvoyé l'affaire à la justice ordinaire. Ce sursis ne s'applique pas seulement aux instances déjà pendantes, inais aussi à celles qui n'étaient pas encore introduites lors de la publication de l'arrêté; la Cour l'a ainsi décidé par son arrêt du 21 janvier 1848 (Bull., 1848, 1, 426).

La demanderesse a suivi la marche tracée par cette disposition: elle a demandé au gouvernement la restitution du bois de Bonlicu. A la vérité, cette restitution lui a été refusée par un arrêté du 24 décembre 1820 qu'on ne lui a notifié que le 19 sept. 1827; mais loin de renvoyer l'affaire aux tribunaux, cet arrêté laisse au département des cultes la faculté de présenter, s'il y a lieu, un rapport ultérieur sur les prétentions de la fabrique; il a donc maintenu le sursis.

Cet état de choses, qui a continué jusqu'à la constitution de 1831, a fermé jusqu'alors le recours aux tribunaux et par suite empéché la prescription.

§ 7. L'arrêt attaqué a violé l'article 15, titre III de la loi du 3 novembre 1790, ainsi que les art. 2242. 2244, 2246, 2247, 2251, 2262 et 2281 du C. civ., en appliquant à la cause soit la prescription trentenaire du Code civil, soit la prescription quadragénaire de la coutume de Luxembourg.

Eu égard à l'interruption et à la suspension résultant des réclamations adressées successivement aux administrations fran

çaise et néerlandaise, la possession du domaine n'avait pas eu la durée nécessaire à la plus courte des deux prescriptions.

§ 8. L'arrêt attaqué a violé l'art. 2233 du C. civ., en admettant comme utile pour la prescription une possession fondée sur la violence.

La demanderesse expliquait cette proposition en ce sens que les mesures qui lui interdisaient l'accès des tribunaux étaient à son égard des actes de contrainte excluant toute supposition de négligence dans l'exercice de ses droits.

Le défendeur répondait : § 1or, le moyen de cassation, dans son premier paragraphe,

n'est pas recevable parce qu'il est produit pour la première fois : la fabrique n'a jamais excipé devant les juges du fond de la nécessité ou de l'absence d'autorisation.

En second lieu, si elle n'a pas obtenu l'autorisation, c'est qu'elle ne l'a jamais demandée; elle n'a donc pas le droit de se plaindre.

Enfin le défaut d'autorisation n'empêchait pas le trésorier de faire, comme les art. 77 et 78 du décret du 30 décembre 1809 lui en reconnaissent la faculté, tous les actes conservatoires, ce qui comprend nécessairement ceux qui lendent à empêcher la prescription.

Ce n'est pas sérieusement que la demanderesse prétend que l'interruption opérée par la présentation du mémoire se serait perpétuée pendant toute la durée du régime français, la disposition même qu'elle invoque lui donnait, après un mois écoulé sans réponse, le droit d'agir en justice et lève ainsi l'obstacle qui arrêtait la prescription.

§ 2. Ainsi que le dit avec raison l'arrêt attaqué, l'avis de 1807 n'était pas obligatoire à défaut de publication; il ne s'agissait pas d'une de ces décisions d'un intérêt tout individuel qui obligeaient dès qu'elles parvenaient à la connaissance de ceux qu'elles concernaient; cet avis constituait une mesure d'administration générale, applicable à toutes les fabriques de l'empire, et ce caractère rendait indispensable l'insertion de la décision au Bulletin des lois.

Dans l'hypothèse contraire, c'est aux fabriques, c'est à chacune d'elles individuellement que l'avis approuvé aurait dû être adressé une simple communication faite aux évêques ne pouvait tenir lieu de l'envoi spécial prescrit par l'avis du conseil d'Etat du 25 prairial an XIII.

Au reste, la nécessité d'un envoi en possession ne s'étendait pas au cas où il s'agissait seulement de faire reconnaitre en justice les droits d'une fabrique. La jurisprudence invoquée par le pourvoi a pour base des ordonnances françaises de 1819 et 1821, et ces ordonnances n'ont point d'analogues en Belgique.

Enfin l'arrêt contient une autre considėration qui serait à elle seule décisive sur cette partie du moyen : c'est que la demanderesse ne justifie pas avoir jamais fait aucune diligence pour obtenir l'envoi en pos

session.

§3. Le pourvoi confond la restitution en droit avec la prise de possession en fait.

Certes, quelque fondés que fussent ses

droits, une fabrique ne pouvait se faire justice à elle-même et reprendre violemment à l'Etat sa possession; elle devait lui demander la restitution: mais, quant à la propriété, elle l'avait récupérée par le seul effet de l'arrêté de thermidor, et si cette propriété lui était injustement contestée, elle puisait dans l'arrêté de restitution le droit d'agir en justice pour la faire reconnaître.

§ 4. Il ne s'agissait nullement, dans l'espèce, du contentieux des domaines nationaux il s'agissait de vérifier si le bois de Bonlieu avait été restitué à la fabrique, s'il avait cessé d'appartenir à l'Etat. Quand même le conseil de préfecture aurait été compétent pour connaitre d'une pareille instance, la fabrique l'a-t-elle portée devant lui? jamais. L'arrêt attaqué constale souverainement que les demandes adressées par elle au préfet n'avaient pas le caractère d'une litiscontestation, et en effet, pour lier une instance administrative, il fallait saisir de la demande non le préfet, mais le conseil de préfecture dont les attributions avaient été séparées et fixées par les art. 3 et 4 de la loi du 28 pluviose an XIII.

§ 5. La demanderesse confond l'interrup tion de la prescription avec la suspension. La première n'a pas comme la seconde un effet successif qui se prolonge aussi longtemps que dure sa cause. L'interruption agit sur le passé et non sur l'avenir elle n'empêche pas la prescription de recommencer immédiatement après l'acte interruptif.

$6 et § 7. On ne peut voir dans l'arrêté du 19 août 1817 autre chose qu'une mesure destinée à régulariser l'exécution de l'arrêté de thermidor, mais sans enlever aux tribunaux leur compétence constitutionnelle sur les questions de propriété. Si la loi fondamentale confiait au roi la mission de concilier les différends entre les autorités locales, et si l'on a étendu cette prérogative jusqu'à la décision des questions de propriété, ce n'est qu'entre ces mêmes autorités locales et jamais entre le domaine et les fabriques. Aussi l'arrêté de 1817 annonce-t-il que les réclamations douteuses seront renvoyées à la connaissance des tribunaux.

On pourrait conclure de là que la voie judiciaire demeurait ouverte aux fabriques; qu'elles pouvaient au moins faire les actes conservatoires; que l'arrêté de 1817 n'a suspendu la prescription qu'à l'égard des fabriques qui avaient déjà porté leurs réclamations en justice.

Mais lors même qu'on généraliserait le sursis, il resterait constant que le roi a rejeté

définitivement la demande par arrêté du 26 décembre 1820, et que la prescription a recommencé à courir après cette décision et au plus tard après la notification qui en a été faite à la demanderesse, le 19 sept. 1827.

Quant au renvoi devant les tribunaux, il se conçoit pour des réclamations douteuses, et c'est en effet pour ce cas seulement que dispose l'article 3 de l'arrêté, mais on ne le comprend plus pour des prétentions que le roi rejetait définitivement comme non fondées; libre après cela à la fabrique éconduite à se pourvoir en justice en remplissant les formalités voulues.

8. Le défendeur repoussait ce dernier membre du moyen comme non recevable et comme non fondé. Comme non recevable, puisqu'il était nouveau : comme non fondé, parce que le domaine n'avait agi qu'en vertu et en conformité des lois; parce que d'ailleurs il n'était pas vrai que la demanderessc eût été mise dans l'impossibilité d'ester en justice, sauf peut-être depuis l'arrêté de 1817, jusqu'à la notification de 1827.

M. le procureur général Leclercq a conclu au rejet, il a dit :

L'arrêt qui vous est dénoncé applique à une action en revendication d'immeubles la prescription de quarante ans réduite au besoin à trente ans, suivant l'article 2281 du Code civil.

Le pourvoi dirigé contre cet arrêt repose sur un moyen général qui se rattache, sous différents rapports, à un grand nombre de lois.

La demanderesse prétend que durant la plus grande partie du temps de la prescription elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'agir autrement qu'elle ne l'a fait, c'est-àdire, par voie de réclamation administrative adressée, sous le régime français, au préfet, et, sous le régime des Pays-Bas, au roi.

Les lois qu'elle invoque sous différents rapports pour établir cette impossibilité, et qui, suivant elle, ont été violées, divisent naturellement son moyen général en plusieurs parties distinctes.

Elle soutient d'abord que les lois qui interdisent aux fabriques d'églises d'agir en justice sans en avoir obtenu l'autorisation constituaient pour elle une impossibilité d'interrompre la prescription, et qu'en conséquence l'arrêt attaqué y a contrevenu en déclarant qu'elle pouvait procéder en justice. après les réclamations adressées par elle au préfet el tenant lieu du mémoire préalable requis par l'article 15, titre III, de la loi du

5 novembre 1790, pour toute action contre la régie des domaines; elle ajoute, et cette observation forme encore l'objet de la cinquième partie du moyen, elle ajoute que ce mémoire même était interruptif de la prescription suivant les termes exprès de l'article 15 de la loi de 1790 auquel l'arrêt se réfère, et qu'en conséquence il a été contrevenu à cet article comme aux articles sur l'autorisation de plaider.

Le moyen sous ce rapport n'est point recevable, en ce qu'il est déduit d'une contravention aux lois sur l'autorisation de plaider nécessaire aux fabriques; il n'est point fondé en ce qu'il est déduit d'une contravention à l'article 15, titre III, de la loi du 5 novembre 1790.

Il n'est point recevable parce qu'il est employé pour la première fois, et qu'il aurait pu être présenté en première instance et en appel, dépendant qu'il est, non de la violation de la loi de 1790, mais de la prescription en général; il n'est point fondé, parce que l'article 15 du titre III de la loi de 1790 n'établit aucune juridiction spéciale en matière domaniale, mais se borne à prescrire des mesures préalables propres à prévenir les contestations judiciaires sur celle matière, en mettant l'administration à même d'acquiescer aux demandes qui lui sembleraient fondées; que tel est le sens naturel de ses termes; qu'il a toujours été entendu en ce sens; que toute autre interprétation serait en contradiction avec les principes et les institutions alors en vigueur; que d'ailleurs il se borne à déclarer interruptive de la prescription la remise du mémoire préalable, et que, tout en lui attribuant cet unique effet, il autorise les parties à se pourvoir devant les tribunaux après l'expiration d'un mois; qu'en conséquence il restreint à cet intervalle la durée de l'interruption, et qu'ainsi la Cour d'appel de Liége n'a pu y contrevenir en reconnaissant à la fabrique demanderesse le pouvoir de procéder en justice, conformément à ce qu'il prescrit.

Cette fabrique soutient, en deuxième lieu, que l'avis du conseil d'Etat, du 25 janvier 1807, en interdisant aux fabriques d'églises de se mettre en possession d'aucun objet sans un arrêté spécial du préfet, l'a mise, non moins que les lois sur l'autorisation de plaider, dans l'impossibilité d'agir, et que pour avoir méconnu la force et les effets de cet avis, la Cour d'appel y a contrevenu et a contrevenu en même temps à l'avis du conseil d'Etat du 25-prairial an xın sur la publication des décrets impériaux.

Nous pensons que le moyen, sous ce rapport, attribue à l'avis du 25 janvier 1807 des effets qu'il ne peut produire, et qu'en conséquence aucune contravention n'a pu être commise de ce chef.

S'il avait la portée qu'on lui donne il aurait enlevé aux fabriques d'églises, vérita bles personnes civiles, le droit qui leur appartenait auparavant de revendiquer, en cas de contestation, devant la juridiction compétente, les biens qui leur avaient été rendus par les arrêtés du 7 thermidor an XI et du 28 frimaire an x11; il aurait essentiellement modifié cette restitution et la propriété des fabriques en faisant dépendre l'une et l'autre de la volonté ultérieure du gouvernement exprimée spécialement pour chaque bien, et en les rendant ainsi révocables ou au moins conditionnelles de définitives et de pures et simples qu'elles étaient. Une semblable mesure ne serait plus une mesure d'ordre administratif intérieur, comme la qualifie la demanderesse, elle serait une véritable mesure de droit; elle serait une mesure portant atteinte à la plénitude des droits de nombreuses personnes civiles, les renfermant dans des limites qu'ils n'avaient pas eues jusqu'alors, ainsi que le reconnait implicitement l'avis lui-même, et par conséquent elle ne pourrait avoir de force sans une publication légale du décret qui la contient, c'est-à-dire, pour emprunter les termes de l'avis du 25 prairial an XIII, sans avoir été insérée au Bulletin des lois ou sans avoir été portée à la connaissance réelle des personnes qu'elle concerne ; or, dans l'espèce, aucune de ces deux formalités n'a été remplie : l'insertion au Bulletin des lois n'a pas été faite; les personnes que l'avis de 1807 concerne sont ici les fabriques d'églises; l'avis de l'an XIII indiquait les voies à suivre pour porter un décret à leur connaissance et le rendre obligatoire à leur égard; ces voies étaient une publication, une affiche, une notification ou signification ou un envoi à elles fait ou ordonné, et rien de tout cela n'a été accompli; car on ne peut considérer comme une publication pour la fabrique d'une église du département des Forêts (province de Luxembourg) l'insertion au mémorial administratif du département de l'Ourthe (province de Liége); on ne peut non plus considérer comme une notification ou un envoi à une fabrique, personne civile représentée par son conseil, une circulaire d'un ministre aux évêques. L'avis du conseil d'Etat, du 25 janvier 1807, n'a donc reçu aucune publication légale ; il est donc demeuré sans force, s'il était des

tiné à produire les effets qu'on lui attribue; il n'a donc dans cette hypothèse créé pour l'avenir aucune impossibilité d'agir, et par conséquent la Cour d'appel, en lui refusant tout effet dans ce sens, à défaut de publication, n'a pu y contrevenir non plus qu'à l'avis du 23 prairial an XIII.

Du reste, nous pensons que cet avis de 1807 n'a point la portée que lui donne la demanderesse tout en le qualifiant, à l'exemple de l'arrêt attaqué, de simple mesure d'administration et d'ordre intérieur, et en soutenant qu'à ce titre il n'avait besoin d'autre publication que de l'ordre d'exécution adressé aux agents chargés d'y pourvoir; comme simple mesure d'ordre en effet il devait laisser intact le droit de revendiquer devant la juridiction compétente, droit inhérent à la propriété; il ne pouvait statuer qu'en vue d'empêcher les prises de possession par voie de fait et les abus qu'elles devaient nécessairement engendrer; il tre pouvait avoir d'autres résultats que de subordonner ces prises de possession à une entente préalable entre les nouveaux propriétaires et l'ancien, sauf, en cas de contestation sur le fond du droit, à laisser son libre cours à la justice, soit ordinaire, du contentieux administratif dans les différents degrés, avec les formes et sous les garanties propres à chacune d'elles; là seulement était la simple mesure d'ordre; hors de là il n'y avait qu'arbitraire, usurpation, renversement de tous les droits, confusion de tous les pouvoirs, et les termes les plus exprès pourraient seuls faire admettre pareils résultats; ces termes ne se rencontrent pas dans l'avis du 25 janvier 1807; tout au contraire y annonce, ce que l'arrêt attaqué y a vu, cette simple mesure d'ordre qui concilie les droits de chacun, appelle l'autorité administrative à exécuter la loi dans une matière administrative selon les titres de chaque partie, et l'autorité judiciaire à reconnaître ces titres, à constater le droit, à y appliquer la loi, et à poser ainsi le préalable nécessaire à son exécution.

soit

L'avis porte: « Les fabriques ne doivent « se mettre en possession à l'avenir d'aucun « objet qu'en vertu d'arrêtés spéciaux des << préfets, etc. »

Il n'y a pas dans ces termes de l'avis un mot qui constitue le préfet juge absolu du droit, ce qui serait pourtant s'ils avaient la portée que le pourvoi leur donne. Par ces mots, les fabriques ne doivent se mettre à l'avenir en possession, etc., le conseil d'Etat suppose que jusqu'alors elles l'ont fait et l'ont pu faire; restreint de la sorte, son avis

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