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jusque-là à l'arbitraire, et fixa notamment le maximum de la durée des priviléges à quinze années, sauf aux privilégiés à obtenir, s'il y avait lieu, une prolongation. Mais cet édit ne suffit pas pour détruire les abus; la plupart des priviléges, fruits du favoritisme ou de la concussion, n'étaient que des entraves, à la liberté de l'industrie.

En 1789, l'un des premiers actes de l'Assemblée nationale fut de décréter l'abolition des priviléges et la suppression des jurandes et maîtrises; mais dès le 30 décembre 1790, elle vota, sur le rapport de M. de Boufflers, une loi qui introduisit en France le système anglais des patentes, et dans laquelle l'Assemblée déclara maintenir ceux des anciens priviléges qui avaient été antérieurement concédés, dans les formes légales, pour de véritables inventions ou découvertes.

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Cette loi, qui prit la date du 7 janvier 1791, jour de sa sanction, posa en principe la propriété des inventeurs sur leurs découvertes; mais, en réalité, elle ne leur accorda qu'une jouissance temporaire, dont le maximum de durée fut fixé à quinze années. Complétée par la loi réglementaire du 25 mai 1791, elle a régi la matière des brevet d'invention et d'importation jusqu'en 1844, sauf les quelques modifications de détail qui furent successivement introduites, savoir: — 1opar la loi du 20 septembre 1792, qui interdit la délivrance des brevets pour des établissements de finances, et supprima ceux qui avaient été accordés ; 2o par l'arrêté du 8 octobre 1798 qui fixa le mode de publication des procédés brevetés à l'expiration des brevets; 3o par l'arrêté des consuls du 27 septembre 1800, portant que les certificats de brevets d'invention seraient signés par le ministre de l'intérieur; que les brevets seraient promulgués tous les trois mois au Bulletin des Lois, et que chaque expédition porterait la mention de non-garantie du gouvernement; -4° par le décret du 25 novembre 1806, abrogeant la disposition de la loi du 25 mai 1791, qui ne per

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mettait pas d'exploiter les brevets par action; — 5o par le décret du 25 janvier 1807, portant que les années de jouissance commenceraient à courir du jour de la signature des certificats de brevets par le ministre; mais, qu'en cas de difficultés entre deux brevetés pour le même objet, la priorité daterait du dépôt des pièces à la préfecture; 6o enfin, par le décret du 16 août 1810, permettant de donner aux brevets d'importation la même durée qu'aux brevets d'invention et de perfectionnement.

DEUXIÈME SECTION.

Précis de la législation en vigueur.

Aujourd'hui, les droits des inventeurs sont régis par la loi du 5 juillet 1844, qui a été promulguée le 8 du même mois et mise en vigueur le 9 octobre suivant. Cette loi, bien que l'on ait évité d'y reproduire le mot de propriété, repose sur les mêmes bases que celle de 1791. C'est un contrat entre l'inventeur qui vend et livre son secret, c'est-à-dire sa propriété, et la société qui l'achète et lui garantit en échange, pendant un certain temps, la jouissance entière et exclusive de sa découverte.

§ 1er. Objets brevetables.-Une invention pour être brevetable doit être nouvelle, industrielle et licite. Sont considérées comme nouvelles: l'invention de nouveaux produits industriels; l'invention de nouveaux moyens ou l'application nouvelle de moyens connus, pour l'obtention d'un résultat ou d'un produit industriel. Ne sont pas susceptibles d'être brevetés, les remèdes et compositions pharmaceutiques, les plans et combinaisons de crédit ou de finance, et généralement tous objets qui seraient contraires aux lois.

§ 2. Brevets. Il y a trois sortes de brevets: 1° le brevet d'invention, qui est délivré à tout Français ou étranger qui le demande, soit pour un objet entièrement nouveau, soit pour un

perfectionnement; 2o le brevet d'importation, qui n'est plus accordé qu'à celui qui est déjà breveté en pays étranger pour la même invention; 3° le certificat d'addition, qui n'est délivré qu'au propriétaire du brevet principal, dont il forme dès lors un accessoire et avec lequel il prend fin.

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§ 3. Formalités. -Pour obtenir un brevet, il faut adresser au ministre de l'agriculture et du commerce sur papier libre : 1o une demande indiquant sommairement la nature et la durée du brevet que l'on sollicite; 2o une description exacte et complète de l'invention, écrite en langue française, sans altération mi surcharge cette description doit être en double original; 3o également en duplicata, les dessins ou échantillons qui sont nécessaires pour l'intelligence de la description; - 4o enfin, un bordereau des pièces déposées. Le tout doit être signé par le demandeur ou par un mandataire spécial, et déposé, sous enveloppe cachetée, au secrétariat de la préfecture, soit du département où l'on est domicilié, soit de tout autre, en y faisant une élection de domicile. La forme et la dimension de l'enveloppe sont arbitraires.-Le dépôt n'est reçu que sur la production et la remise du récépissé constatant le versement de 100 fr., à valoir sur le montant de la taxe.-A Paris, les versements se font au bureau du receveur central des finances, rue Neuve-des-Mathurins, no 36, de neuf heures à trois heures, et dans les départements chez les receveurs généraux des finances.

§ 4. Taxe et durée. Les brevets principaux d'invention ou de perfectionnement sont de cinq, dix ou quinze années au choix de l'impétrant, et donnent lieu à une taxe de 500 fr., 1,000 fr. et 1,500 fr., payables par annuités de 100 fr. et d'avance. Les certificats d'addition sont soumis au droit fixe de 20 francs.

§ 5. Délivrance.--La délivrance du brevet s'effectue par un arrêté du ministre, dont une expédition est remise au demandeur avec les duplicata certifiés de la description et des

dessins. L'administration n'examine que la régularité intrinsèque de la demande. Tout brevet dont la demande a été régulièrement formée est délivré aux risques et périls du demandeur, sans examen préalable ni garantie, soit de la nouveauté ou du mérite de l'invention, soit de la fidélité ou de l'exactitude de la description. La première expédition des brevets est délivrée sans frais. Toute expédition ultérieure donne lieu au payement d'un droit de 25 fr. et des frais de dessin, s'il y a lieu.Lorsque la demande est rejetée, la décision est notifiée au demandeur; en général, ce refus est motivé sur de simples irrégularités de forme que l'on est admis à rectifier. S'il en était autrement, le demandeur serait en droit de se pourvoir au Conseil d'Etat, par la voie contentieuse, dans le délai ordinaire de trois mois, à partir de la notification.

§ 6. Nullités. - Déchéances. Il y a nullité du brevet: 1° lorsque l'objet n'était pas brevetable; 2o lorsqu'il y a eu dissimulation ou réticence dans le titre ou dans la description, parce qu'il faut que la société soit loyalement mise à même de profiter de l'invention, lorsque expirera la jouissance exclusive qu'elle a garantie à l'inventeur pour prix de son secret.

Il y a déchéance: 1o lorsque le breveté laisse commencer une année sans acquitter son annuité; 2o lorsqu'il ne met pas son invention en exploitation dans les deux ans, ou qu'il cesse de l'exploiter pendant deux années consécutives; 3o lorsqu'il introduit en France des objets fabriqués en pays étranger, et semblables à ceux qui sont garantis par son brevet.

§ 7. cessions.- Le breveté peut céder son brevet en totalité ou en partie, mais à la charge de payer le montant intégral de la taxe. Pour être valable à l'égard des tiers, la cession doit être faite par acte notarié et enregistrée au secrétariat de la préfecture du département dans lequel l'acte a été passé. Cet enregistrement a lieu sans frais, mais l'acte est passible d'un droit de 2 pour 100 sur le prix de la cession.

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§ 8. communication et publication.-L'administration publie : 1o au commencement de chaque année un catalogue contenant les titres des brevets délivrés dans le courant de l'année précédente; 2° après le payement de la seconde annuité, le texte même ou l'extrait des descriptions et dessins. Le catalogue et le recueil de ces publications sont déposés, tant au ministère de l'agriculture et du commerce, qu'au secrétariat de la préfecture de chaque département, où ils peuvent être consultés sans frais. - En outre, soit avant, soit après ces publications, et jusqu'à l'expiration des brevets, toute personne peut prendre, sans frais, au ministère de l'agriculture et du commerce, communication des originaux des descriptions, dessins, échantillons et modèles, et en obtenir même une copie en payant les frais d'expédition. Enfin, après l'expiration des brevets, les originaux des descriptions et dessins sont déposés au Conservatoire des arts et métiers, où ils sont encore à la disposition du public.

§ 9. Poursuites.-compétence.-Les actions principales en nullité ou déchéance de brevets sont portées devant les tribunaux civils. Les actions en contrefaçon peuvent être indistinctement soumises à la juridiction civile ou correctionnelle; - lorsqu'il y a lieu à description ou saisie d'objets argués de contrefaçon, elle est faite par un huissier en vertu d'une ordonnance du président du tribunal civil, qui peut ordonner la consignation préalable d'un cautionnement. -Le cautionnement est toujours imposé à l'étranger qui requiert saisie. Le requérant doit, à peine de nullité des saisie ou description, former sa demande dans la huitaine, outre un jour par trois myriamètres de distance entre le lieu de la saisie et le domicile du demandeur.

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§ 10. Pénalités. Toute atteinte portée aux droits du breveté, soit par la fabrication de produits, soit par l'emploi de moyens faisant l'objet de son brevet, constitue le délit de contrefaçon. Les peines correctionnelles sont : une amende de 100

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