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hait toute contrainte, mais uniquement parce qu'il est d'opinion que sous un gouvernement faible, le capital sera la puissance la plus forte, le pouvoir dominant, auquel, tout et tous seront soumis. » Voilà un portrait qui n'est pas flatté, on pourrait même le prendre pour une carricature grotesque, et franchement après une pareille définition un homme auquel on aurait l'audace de jeter un manchestérien ! à la figure aurait le droit de se considérer comme injurié. Vous direz peut-être, mais où est l'original de ce portrait, si portrait il y a? M. Held croit vous le présenter en ces termes, car il continue ainsi la phrase ou la définition que nous venons de traduire : « Mac Culloch exprime cela (quoi? la pensée du dernier membre de phrase ou la définition entière ?) naïvement (2): « Les circonstances morales les plus importantes qui favorisent le progrès des manufactures paraissent être : la sécurité et la libre disposition de sa propriété, l'absence de monopoles et la non-intervention du gouvernement dans les entreprises industrielles; la propagation de l'instruction parmi le peuple, les bons procédés envers les étrangers, l'émulation des énergies inspirée par l'inégalité des fortunes, et l'accroissement successif des impôts... Aucun auteur de marque n'a osé dans ces derniers temps soutenir cette doctrine arriérée et insoutenable que le gouvernement puisse régler avec succès les efforts des citoyens. Sa mission est de maintenir l'ordre, d'empêcher les uns de causer préjudice aux autres, en un mot, de maintenir à chacun les mêmes droits et les mêmes priviléges. Mais il ne peut faire un pas de plus sans abandonner le principe de la non-intervention et sans s'attirer le reproche de la partialité et de l'injustice. » Le lecteur, s'il le juge à propos, comparera cette citation avec le portrait du manchestérien, nous le trouvons bien peu ressemblant. M. Held a peut-être lu entre les lignes la haine de la grande propriété, l'amour de l'esclavage et le reste, car nous ne les avons pas trouvés dans les lignes.

Signalons dans le même numéro les articles suivants : Les institutions entretenues par les divers Etats allemands pour l'enseignement des arts, par M. Max Schasler; analyse de la législation de l'Empire pendant les années 1877 et 1878; la question turque au point de vue économique et politique, par M. Lorenz de Stein.

Les Annales ou Jahrbücher der Nationalœconomie u. Statistik de M. J. Conrad (Jena, Fischer), 17° année, I, 4, donnent la suite du travail de M. Lesigang sur le Wehrgeld, c'est-à-dire la compensa

(1) Nous prions le lecteur de ne pas oublier que nous traduisons et nous soulignons ce que M. Held a souligné. (Nous regrettons ne pas avoir sous les yeux le texte anglais, nous traduisons la traduction.)

tion à payer par celui qui, pour une raison ou une autre, est exempté du service militaire. Nous avons déjà dit que le principe de cette compensation est évidemment juste, et que la difficulté à résoudre est le taux de la somme à acquitter, ainsi que le mode de payement. On ne s'étonnera donc pas que M. Lesigang consacre près de 70 pages à l'étude des diverses circonstances qu'on doit prendre en considération pour la fixation de ce taux. Nous ne pouvons pas suivre l'auteur dans les détails de son examen trèsapprofondi, nous relèverons seulement ses principales conclusions. Il distingue avant tout: les inconvénients économiques du service militaire, les inconvénients non économiques et le mode de perception. Puis il veut qu'on mesure séparément la charge à supporter en temps de paix, et celle des temps de guerre. Le taux de la compensation devra en définitive être en rapport avec la fortune du jeune homme (ce point est longuement motivé); il sera relativement élevé et ne devra pas être payable en une seule fois, mais être reparti sur un assez grand nombre d'années. L'auteur aurait bien voulu établir une échelle exacte des sommes dues dans chaque cas, il cherche avec soin à établir les différents cas qui peuvent se présenter, il les étudie, les pèse et les mesure; mais après s'être donné beaucoup de peine, il est obligé de convenir qu'on devra se contenter d'une cote mal taillée, d'un à peu près, car aucun impôt n'est parfait. Il n'a fait ainsi que confirmer une fois de plus ce que nous savions depuis longtemps, que, en matière d'impôts directs, la précision est une utopie, ou si l'on aime mieux, un idéal que personne ne peut se flatter d'atteindre. Ce à quoi il faut tendre, c'est à éviter les trop grosses injustices; c'est déjà quelque chose, le progrès consistera à diminuer l'injustice. On ne dira pas, après cela, que nous sommes d'un optimisme exagéré.

Nous passons à la Statistische Monatschrift (Revue mensuelle de statistique) autrichienne dirigée par MM. de Neumann, Spallart et Schimmer (Vienne, A. Hölder). Nous venons de parcourir plusieurs bons articles, mais nous nous arrêterons un moment à un travail de M. Max Waldstein intitulé: Les classes d'âge les plus élevées de la population européenne. Tout le monde désire atteindre une haute vieillesse, bien que «l'hiver de la vie » ne soit nullement la saison la plus charmante et la plus heureuse. Le désir de « vivre longuement » est si général que les cas de longévité signalés par un journal sont infailliblement reproduits par tous les autres. L'idée de comparer la durée de la vie dans les différents pays devait venir tout naturellement à la plupart des statisticiens; seulement, par des raisons qu'il est inutile de reproduire en ce moment, on se contenta le plus souvent de comparer la vie moyenne, ce qui n'est

nullement la même chose. M. Waldstein a voulu rechercher simplement où il y a proportionnellement le plus de veillards, en insistant le plus sur le nombre d'individus âgés de plus de 60 ans. Il ne néglige pas de donner un tableau des centenaires et même des nonagénaires, mais il considère, en ce qui concerne ces deux dernières classes, les chiffres comme moins sûrs, car de même qu'à un certain âge on se rajeunit volontiers, à un autre on met un amour propre à se vieillir.

Reproduisons donc les principales colonnes d'un tableau comparatif établi d'après les recensements des années ci-après :

Pays.

Nombre d'habitants
sur 100

Date du Recensement. âgés de plus de 60 ans. âgés de plus de 90 ans.

Nombre d'habitants sur 100

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Nous faisons expressément nos réserves relativement à la colonne des nonagénaires, car le nombre des individus, comme nous allons voir, est si petit, que la moindre inexactitude fausse sensiblement les proportions; en tout état de cause l'inexactitude est ici assez grande. Pour les sexagénaires elle est beaucoup moindre, et le nombre des individus étant considérable, il y a probabilité que les erreurs sont à peu près compensées. Ce qui est remarquable, c'est la prépondérance du sexe féminin dans les classes d'âge élevées, ce qui prouverait, - en partie, que l'homme mérite le nom de sexe faible, et non la femme. Aussi, maman Nature, qui est une dame très-prévoyante, fait-elie naître plus de garçons que de filles, elle sait que la mort en moissonnera davantage. Pour qu'on puisse se rendre compte jusqu'où ce fait ou cette loi naturelle est portée, nous allons reproduire le tableau qui suit.

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Nous n'avons pas besoin de dire que, s'il y a quelques doutes sur l'exactitude rigoureuse du chiffre total afférent à chaque classe d'âge, il ne peut pas en exister sur la division de ce total entre les deux sexes.

L'auteur consacre un petit chapitre à chaque Etat et entre dans des détails où l'espace ne nous permet pas de le suivre. Nous relevons cependant un point. Habitant l'Autriche, il ne pouvait pas ne pas songer à rechercher l'influence de la race. Il passe en revue les provinces ou Etats de la couronne, mais comme souvent les populations sont mêlées dans une province, il choisit quatre grandes circonscriptions à peu près pures de tout mélange et trouve que la proportion sur 100 des individus âgés de plus de 60 ans est 11.6 parmi les Allemands, de 8.3 parmi les Bohêmes (Tchèques), de 5.9 parmi les Hongrois (Magyares), de 6.9 parmis les Roumains. Dans un tableau antérieur, où l'auteur avait donné la proportion pour l'Etat ou la province entière, nous avons trouvé les rapports suivants: Allemands 11.4 0/0, Bohêmes 8.30/0, Hongrois 6.0 0/0, Roumains 7.3 0/0. Il y a donc évidemment une différence, mais l'explication? That is précisément the question. L'auteur n'y répond pas. Quant à nous, nous sommes sceptique relativement à l'influence de la race (comment peut-elle avoir conservé sa pureté dans le mélange?) le climat est le même pour tout le monde. Mais l'instruction (l'éducation), le degré d'aisance, le mode d'alimentation? Voilà ce qu'il faudrait constater. Puis encore un point. Il y a des populations plus ou moins sédentaires; il y en a qui émigrent en assez forte proportion, leurs vieillards vont donc mourir ailleurs.

Vous voyez, cher lecteur, ce ne sont pas les problèmes qui manquent, mais les solutions.

Puisque nous sommes à Vienne, c'est le moment de parler d'une publication de M. Th. Hertzka intitulée: Die Goldrechnung (les comptes en monnaie d'or) (1). L'Autriche se préoccupe des moyens et des procédés pour remplacer sa circulation de papier par une circulation métallique. On sait que son papier s'est déprécié, il perd jusqu'à 15 ou 16 0/0 relativement à l'or; mais l'Autriche avait l'étalon d'argent, l'argent ayant diminué de valeur dans une proportion plus forte encore, le papier autrichien est pratiquement au pair avec la monnaie libératoire du pays. C'est de cette conjoncture qu'il faut profiter, dit M. Hertzka. Sa proposition, réduite à sa plus simple expression, revient à ceci : Notre florin-espèce vaut officiellement 2 fr. 50, notre florin papier qui était censé en valoir autant au début, ne passe plus que pour 2 francs. La valeur du métal argent ayant diminué, notre florin espèce n'est plus accepté sur le marché internationnal (où il fonctionne simplement comme lingot) que pour 2 francs; consacrons ces faits et servons-nous en pour établir l'étalon d'or. Frappons donc des pièces de 20 francs en or, décrétons que cette pièce vaut 10 de nos florins en papier. Seulement on remplacerait les anciens billets par de nouveaux, énoncés en florins d'or. Et que fera-t-on des florins en argent réellement frappés s'il en existe encore? On s'en servira, ce seront des dixièmes de pièces de 10 florins. Voilà grosso modo l'idée que M. Hertzka développe,il montre que sa réalisation coûterait très-peu de chose, et il croit qu'elle ne jetterait aucune perturbation dans les menues transactions de la vie quotidienne, car le florin serait toujours divisé en 100 kreutzers et peu importe au marchand ou à la ménagère que ces kreutzers soient des rejetons de l'étalon d'or ou de l'étalon d'argent. Le changement importerait seulement au commerce international, qui s'en trouverait bien. Nous renvoyons à la brochure celui qui voudrait étudier plus à fond la proposition, nous bornant à dire que M. Lowe vient d'émettre pour l'Inde une proposition qui semble avoir quelque ressemblance avec l'idée de M. Hertzka et nos deux contemporains ne font qu'aller un peu sur les brisées de Ricardo.

On ne peut guère parler des métaux précieux sans mentionner M. Sætbeer qui, depuis 25 ans, a publié sur cette matière tant de bons travaux. Tout récemment encore a paru chez Justus Perthès, à Gotha (2), une publication du savant publiciste de Goettingen.

(1) Vienne, librairie Manz.

(2) Le 57° cahier supplémentaire des Mittheilungen de Petermann.

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