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personne se trouve compromis par cet appel nominal; cependant j'avoue qu'il est inutile. P

Lejeune (François). « Buzot a fait une motion d'anar chie, de trouble et de désordre; car pourquoi vouloir remettre en question ce qui a été solennellement décidé ? »

Rewbell. Le tumulte et le chaos de cette discussion viennent de ce qu'on ne s'entend pas. Il ne s'agit pas de délibérer une seconde fois sur l'abolition de la royauté, mais de faire une loi pénale qui n'existe pas encore contre quiconque tenterait de la rétablir avant que la république ait été, si cette hypothèse était possible, formellement rejetée par la nation; il faut cette loi pénale pour réprimer l'audace de ceux qui osent imprimer que le peuple n'a plus qu'à recourir à une nouvelle insurrection, ou qu'à se jeter dans les bras d'un nouveau tyran : ces écrivains veulent sans doute la mort de Louis XVI; mais c'est peut-être.. précisément parceque le parti qui les soudoie n'a pas renoncé à la royauté.

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Turreau. «Pendant tous ces débats Louis XVI respire, et la vengeance nationale est suspendue. »>

Rewbell. « Je demande qu'il soit décrété que tout factieux qui tenterait de rétablir la royauté sera puni de mort. Cette décision salutaire rendue on s'occupera sans désemparer du procès de Louis XVI. » ( Applaudissements. )

Merlin (de Thionville), « Je demande en ce cas qu'il soit ajouté à la proposition de Buzot ces mots : à moins que ce ne soit dans les assemblées primaires. » (Violents murmures; plusieurs membres s'écrient: Ah, ah, ah! Voilà du royalisme! Voilà le mystère découvert! D'autres demandent que Merlin soit rappelé à l'ordre avec censure comme ayant outragé la souveraineté nationale. )

Chabot. « Il a rendu au contraire un hommage à cette souveraineté, car tout citoyen a le droit de faire dans les assemblées primaires, en dépit de vous, les propositions les plus absurdes. »

Boyer-Fonfrède. « Je demande que Merlin soit immédiatement rappelé à l'ordre pour avoir supposé qu'il puisse

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être permis, même dans les assemblées primaires, à aucun individu, de proposer au peuple d'aliéner sa liberté au profit d'un tyran.»

Merlin (de Thionville). « Citoyens, si j'ai commis une erreur, elle n'appartient pas à mon cœur ; je dois vous donner une explication de ma pensée. Député par mes concitoyens je ne me suis jamais regardé que comme chargé de ré diger un projet de constitution que le peuple, mon souverain et le vôtre, a le droit d'accepter ou de rejeter, et ce droit il doit l'exercer librement. Cette idée a vivement a ffecté mon âme au moment où vous étiez près de décréter que le peuple, s'il le voulait, ne pourrait point se donner un gouvernement monarchique. Je suis loin de supposer au peuple l'envie de reprendre d'indignes chaînes; persécuté trop long-temps par les tyrans, jamais il ne les rétablira; mais je dis qu'il ne nous appartient pas d'enchaîner la volonté suprême du peuple, et par mon amendement je ne voulais que donner toute la latitude possible à cette volonté souveraine. Voilà ma profession de foi; on connaît ma haine pour les tyrans. »

Féraud. « Oh! quoi que vous fassiez, nous naurons point de roi! Vous êtes un royaliste ! »

Merlin (de Thionville). « Rappelez donc à l'ordre, président, ce collègue qui m'insulte en m'appelant royaliste Certes si j'ai quelque chose à me reprocher, c'est de n'avoir pas suivi le 10 août la première inspiration qui me disait de vous épargner la peine de juger longuement Louis XVI. » (Rumeur; longue agitation. )

Guadet. « Citoyens, c'est sans doute faire une très grande injure au peuple français que de lui supposer l'intention de jamais rétablir la royauté, et de supposer que les assemblées primaires pourront s'occuper d'une telle question; la république, déjà cimentée du sang de nos frères, ne disparaîtra jamais sous le trône du despotisme. Mais, citoyens, chacun ici doit être libre d'énoncer son opinion, et peutêtre l'assemblée n'a-t-elle pas à regretter d'avoir entendu celle qui pourrait lui donner la clef: (Violents murmures

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dans une partie de l'assemblée; Robespierre paraît indigné; il voudrait parler. ) Et peut-être, dis-je, la convention nationale n'a-t-elle pas à regretter d'avoir entendu une opinion qui pourrait donner la clef de ce projet, selon quelques uns énigmatique, mais formé ce me semble depuis quelque temps, de substituer un despotisme à un autre ; je veux dire d'élever un despote sous l'égide duquel ceux qui l'auraient porté à cette usurpation impie seraient sûrs d'acquérir à la fois et l'impunité de leurs forfaits et la certitude d'en pouvoir commettre de nouveaux ; enfin peutêtre n'aura-t-elle pas à regretter d'avoir entendu cette opinion, qui explique assez le besoin d'entretenir dans la république française le désordre et l'anarchie, qui tôt ou tard amèneraient nécessairement le despotisme. C'est d'après ces considérations que je demande l'ordre du jour sur la motion qui a été faite de rappeler Merlin à l'ordre. » ( Murmures d'un côté, applaudissements de l'autre. )

Bazire, avec violence. « Je déclare que vous venez d'entendre la plus lâche, la plus méchante, la plus infâme, la plus atroce des calomnies. Il veut nous attribuer sa scélératesse. >>

Lanjuinais. « Il faut remercier Merlin; il nous a découvert un mystère important. »

L'agitation qui suit ces débats est portée jusqu'au tumulte; une foule de membres se disputent la tribune; vingt fois Robespierre prend la parole, et chaque fois elle lui est retirée. Après une longue interruption l'assemblée, fatiguée, tombe dans le silence; le président la consulte: elle adopte l'ordre du jour et sur Merlin et sur sa motion. La proposition de Buzot, déjà votée par acclamation, est mise aux voix dans le calme, et décrétée en ces termes à la presque unanimité :

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«La convention nationale décrète que quiconque proposerait ou tenterait d'établir en France la royauté ou tout autre pouvoir attentatoire à la souveraineté du peuple, sous quelque dénomination que ce soit, sera puni de mort. »

Philippeaux reproduit sa motion tendant à ce que la

convention se déclare en permanence jusqu'à ce qu'elle ait statué sur le sort de Louis XVI: Pétion s'y oppose; il soutient que la lassitude qu'entraînerait une telle mesure', livrerait la discussion au petit nombre d'hommes qui auraient assez de force pour la suivre. Il demande que chaque jour on s'occupe du procès de Louis XVI depuis midi jusqu'à six heures. Robespierre réclame la parole: on la lui refuse; il veut la prendre; il invoque son droit de représentant du peuple, et devient l'occasion d'un nouveau tumulte plusieurs membres s'élèvent avec force contre le despotisme qu'il exerce dans les délibérations ; d'autres déclarent qu'ils n'entendront personne qu'il ne soit entendu : il obtient enfin la parole. Il se plaint d'abord des mancuvres que certain parti emploie pour interrompre ou détourner les discussions, il compare à de méprisables chicanes de palais les préventions élevées contre plusieurs représentants de la nation. Si on lui objecte qu'il n'est pas dans la question, il répond qu'il ne connaît d'autres bornes que celles du salut public; si on lui reproche de ne chercher qu'à échauffer l'assemblée, il déclare que la mission d'un délégué du peuple est de communiquer l'amour de la patrie; il invite l'assemblée au calme, il la rappelle à sa dignité, à ses devoirs, et continue en ces termes :

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Aujourd'hui plusieurs mesures fatales au bien public sont sorties de ce tumulte; si l'on avait écouté des explications nécessaires, qui auraient en même temps contribué à diminuer les préventions et les méfiances, on aurait peutêtre adopté une mesure grande qui aurait honoré la convention; c'était de réparer l'outrage fait à la souveraineté nationale par une proposition qui supposait qu'une nation avait le droit de s'asservir à la royauté! Non! C'est un crime pour une nation que de se donner un roi! (Applaudissements; quelques voix: Ce n'est plus la question!) Ce qu'il m'a été impossible de proposer dans le tumulte, je le propose dans le calme à l'assemblée réfléchic et pensant aux intérêts de la patrie. Je demande que d'abord il soit décrété en principe que nulle nation n'a le droit de se donner

un roi... ( Quelques murmures, quelques éclats de rire; une voix Le renvoi au congrès général des nations!) Je dis que l'assemblée a perdu la précieuse occasion de poser, sinon par un décret, du moins par une déclaration solennelle, la seule borne qui convienne au principe trop illimité, et souvent mal entendu, de la souveraineté des peuples. Vous voyez que la sagesse des délibérations tient plus que vous ne pensez au calme des discussions.

» C'est ainsi que tout à l'heure vous alliez dans le tumulte et sans m'entendre, porter un décret qui aurait l'influence la plus funeste sur le jugement du ci-devant roi. En effet, la question ne peut plus être, pour des Français libres, pour des hommes sincèrement, profondément pénétrés de l'horreur de la tyrannie; elle ne peut plus être de savoir si nous nous tiendrons en séance permanente pour juger Louis Capet, car cette permanence pourrait produire de funestes longueurs; la lassitude amènerait une décision fatale. Quelle est donc la mesure que vous devez prendre? C'est de juger sur-le-champ, sans désemparer! Remarquez bien que cette question, qui ne vous paraît qu'une question minutieuse de forme, aura cependant une influence nécessaire sur le sort de Louis XVI, car votre décision sur ce point entraînera la question de savoir si Louis XVI doit être jugé en vertu de l'insurrection, ou s'il faut lui faire un procès d'après les règles ordinaires.... (On fait observer à l'orateur qu'il est décidé que Louis XVI sera jugé. ) Il ne faut pas s'envelopper d'une équivoque; la convention n'a pas décrété qu'il y aurait un procès en forme; seulement elle a décidé qu'elle prononcerait elle-même le jugement ou la sentence du ci-devant roi. Je soutiens que d'après les principes, il faut le condamner sur-le-champ à mort, en vertu d'une insurrection. » (Une partie de l'assemblée murmure, l'autre approuve l'orateur; les tribunes publiques applaudissent.)

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Buzot. « Je m'oppose à cette proposition et à toute autre qui tendrait à ce que le roi ne fût pas entendu : il avait des complices; les papiers trouvés chez lui en ont découvert ;

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