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l'Eglise, mais pour des temps ordinaires ou des circonstances spéciales et contemporaines (1); 2°. que ce pape

l'auteur, desquelles la congrégation avoit elle-même rédigé la formule. Par ces protestations, qu'on a vues dans notre préface, l'auteur devoit « déclarer qu'il ne donnoit pas ce qu'il avoit écrit comme approuvé par le Saint-Siége, mais comme une histoire purement humaine, qui, sans autoriser aucun culte, laissoit les choses dans le même état où elles étoient auparavant. »

(1) Ces deux décrets convenoient probablement aux circonstances d'alors. Depuis que la Chine avoit été ouverte aux jésuites, en 1555, et que l'ordre de saint Dominique y avoit aussi envoyé des missionnaires animés du même zèle pour la Foi, il étoit à craindre que, dans cette concurrence, parmi les dangers que couroient les uns et les autres, l'esprit de corps ne fît mettre, avec une rivalité trop empressée, au rang des Martyrs, ceux qui périssoient pour une cause quelconque, dans un tel éloignement. Benoît XIV nous révèle que les supérieurs de l'un de ces deux ordres avoient défendu de dire des messes de morts pour ceux de ses missionnaires qui étoient tués pour cause de religion (De Serv. Dei Beatif. L. II, c. xII, no 11). Rome alors devoit naturellement se réserver l'examen des causes de leur mort; et il en étoit de même par rapport aux missions des Indes orientales, du Brésil, du Canada, de Constantinople. En Europe, où le protestantisme, ayant excité des guerres de toutes parts, n'étoit presque plus qu'un parti politique (Hénault: Abregé chron., an 1574); où, d'une part, les protestans, regardant comme de vrais Martyrs ceux des leurs qui périssoient pour leur doctrine, en publioient des Martyrologes, dans lesquels il les présentoient comme Fidetes Evangelii testes, Christi pugiles, Ecclesiæ filios et veritatis strenuos defensores; où, d'autre part, l'ignorance superstitieuse de quelques catholiques pouvoit être entraînée à croire que tout soldat d'un parti nommé catholique, lorsqu'il périssoit dans les combats, devoit être réputé Martyr, il importoit, d'un côté, que l'illusion des faux Martyrologes du protestantisme fût détruite, et, d'autre côté, que les fidèles ne fissent pas la méprise de réputer Martyrs ceux qui ne mouroient, dans la réalité, que pour une cause politique. L'un et l'autre ne pouvant être faits alors avec un plein succès par voie d'instruction, Rome, parlant au nom de l'Eglise, dut le faire par voie d'autorité. Mais, de ce que, pendant notre révolution, la religion catholique a vu quelquefois sa cause associée à la cause des royalistes, il ne s'ensuit pas que les circonstances aient été les mêmes que lors des guerres des protestans. Elles n'auroient pu l'être tout au plus qu'en ce qui concernoit les combattans Vendéens et Chouans, dont les troupes prenoient le nom d'armée catholique et royale (voyez VENDÉE). Aussi n'avons-nous point

s'abstint long-temps de les sanctionner par un bref, car ce ne fut que neuf ans après, c'est-à-dire en 1634, qu'il donna ce bref, en modifiant même leur rigueur par l'admission de cas exceptés, dans lesquels on voit rentrer naturellement celui de nos Martyrs (1); 3°. qu'après, comme avant ce bref et ces décrets, la congrégation des

admis au nombre de nos Martyrs ceux qui y périrent, ou sont présumés y avoir péri, pour la seule cause politique du royalisme. Nous venons de montrer assez péremptoirement, page 55, que nous savions distinguer l'une de l'autre. Eh! certes, si l'on peut dire, par rapport à ceux que nous admettons comme Martyrs, qu'ils périrent aussi pour une cause politique, on ne sauroit nier qu'ils périrent bien plus pour la cause de la religion à laquelle il étoit de l'intérêt de l'autre de se rattacher. Ils périssoient sans contredit pour elle, ceux qui n'étoient mis à mort que parce qu'ils vouloient persévérer dans cette Foi que la persécution regardoit comme le plus grand des obstacles à l'établissement de sa république d'athées.

(1) Les réclamations des évêques contre les décrets de la congrégation de l'inquisition romaine, et peut-être encore la répugnance du pape Urbain VIII à les sanctionner par un bref, obligèrent cette congrégation elle-même à les modifier. Six ans après, et le 5 juin 1631, elle fut obligée de manifester déjà une décision de ce pape, qui, suivant que l'explique Benoît XIV (de Serv. Dei Beat., L. II, c. XII, n° 2), permettoit que «<les histoires des serviteurs de Dieu, morts naturellement ou dans le martyre, fussent imprimées d'après la seule approbation de l'évêque diocésain, pourvu toutefois, 1o. que l'auteur n'eût pas dit d'une manière absolue et définitive qu'ils étoient bienheureux, en transportant à la personne ce qui appartenoit à sa conduite, ou provenoit de l'opinion publique; et 2°. qu'il eût mis, au commencement et à la fin de son livre, les deux protestations dont nous venons de parler. » Cependant Urbain VIII ne se décida pas encore à confirmer pontificalement ces divers décrets qu'il vouloit concilier autant qu'il étoit possible. Ce ne fut que neuf ans après les premiers, qu'il donna, le 5 juillet 1634, son bref à ce sujet, par lequel il fut défendu, conformément à ces décrets, d'avoir chez soi des images de ces personnages réputés justes ou Martyrs, qui les représenteroient avec une auréole, ou avec un diadème, ou avec des rayons de lumière, et ce qu'en terme d'art on appelle des gloires. Mais le pape, sentant bien que ces décrets pourroient rendre douteuse la justification de tant de saints vénérés par l'Eglise, avant l'établissement des béatifications et canonisations pontificales, comme ceux des temps voisins que le Saint-Siége n'avoit pas encore procla

Rits, spécialement chargée des causes de béatification, approuva toujours ce que vous semblez croire qu'ils vous interdisent, c'est-à-dire, au lieu de ces lugubres messes expiatoires le jour anniversaire de la mort des serviteurs de Dieu, même non Martyrs, et non encore déclarés bienheureux par le Saint-Siége, des messes de SSma Trinitate, de Eterna Sapientiâ, ou in Honore omnium Sanctorum(1);

més bienheureux, et à la sainteté desquels les fidèles rendoient déjà des hommages publics, il déclara « qu'il ne vouloit ni n'entendoit préjudicier en rien à ceux qui, du commun consentement de l'Eglise, ou depuis un temps immémorial, ou d'après les écrits des Pères et des saints, ou par une longue croyance, ou par la tolérance, soit du siége apostolique, soit de l'évêque diocésain, recevoient un culte public » Quod supra dicta præjudicare in aliquo non vult, neque intendit iis, qui, aut per communem Ecclesiæ consensum, vel immemorabilem temporis cursum, aut per Patrum, virorumque sanctorum scripta, vel longissimi temporis scientia, ac tolerantia sedis apostolicæ, vel ÖRDINARII coluntur. Benoît XIV en inféroit avec raison que, par là, Urbain VIII ouvrit une voie aux cas extraordinaires dans lesquels avoient lieu ces exceptions: ab his igitur exceptionibus à Clemente etiam VIII excogitatis, ortum ducit via extraordinaria quæ dicitur casus excepti (ibid. L. II, c. xvII, no 1); et dans cette voie extraordinaire étoient certes bien les Martyrs des huit premiers siècles de l'Eglise d'où il seroit permis de conclure que les nôtres, immolés dans une persécution qui à été si semblable à celles d'alors, comme nous l'avons démontré, peuvent appartenir en quelque façon à la voie extraordinaire des cas exceptés. Ce fut dans ce bref qu'Urbain VIII, ajoutant de nouvelles règles aux anciennes, pour les procédures de béatification, défendit aux évêques des lieux dans lesquels seroient morts ces personhages réputés justes ou Martyrs, de recevoir des informations, de faire des enquêtes sur leur vie et leur mort, ainsi que sur les miracles opérés par leur intercession, sans une délégation formelle à cet effet, sous peine de nullité pour leur procédure; et, comme si ces âmes réputées même à bon droit justes ou Martyrs, pouvoient être responsables d'un culte public que, dans son enthousiasme impatient, la piété des fidèles, vivement frappée de leurs vertus, leur rendroit d'abord spontanément, et ensuite avec persévérance, avant le jugement du Saint-Siége, ce pape statua que, dans ce cas, elles pourroient être à jamais privées de toute béatification et canonisation pontificales. (Voyez, sur ce point, le n° 4 du c. xvii du L. II de Serv. Dei Beatif.)

(1) Urbain VIII avoit reconnu qu'il ne pouvoit interdire le culte

4°. que Rome elle-même n'a pas cru devoir ensuite accorder une place à ce bref dans son grand Bullaire, dont les volumes, où se trouvent les bulles et brefs d'Urbain VIII, furent publiés en 1752, sous le ponti

per

privé qui est du droit de tous les fidèles en particulier; et nous professons que, suivant la discipline actuelle de l'Eglise, le culte public ne peut avoir lieu qu'après l'autorisation du Saint-Siége. La question est de savoir si les messes de Sanctissima Trinitate, de Æterna Sapientia, etc., le jour anniversaire de la mort de ces serviteurs de Dieu, appartiennent au culte public, ou ne sont que du culte privé. La congrégation des Rits, à laquelle ressortissent les causes de béatification et canonisation, avoit déjà repoussé tout doute à ce sujet, dans plusieurs circonstances, et notamment encore en 1625, l'année même de la béatification de saint André Avellin, lorsqu'elle publia, comme édifiante, la réponse que son secrétaire, c'est-à-dire Paul Mucanzi, Théatin, avoit faite sur ce qui avoit été demandé à la congrégation, relativement à pareille messe qui s'étoit constamment célébrée à Naples, le jour anniversaire du décès de ce bienheureux. «La dévotion privée, avoit-il dit, ne se peut enlever ni défendre à sonne : c'est pourquoi je crois que, le jour de ce serviteur de Dieu, l'on peut célébrer une messe solennelle de Sanctissima Trinitate, pro gratiarum actione, afin de donner quelque consolation au peuple qui y accourt. » Lorsque, la même année, on vint dénoncer à la congrégation des Rits une semblable messe qui se chantoit à Rome, le jour anniversaire de la mort de saint Pie V, non encore déclaré bienheureux, elle répondit: Celebrationem missæ de Sanctissima Trinitate tolerandam esse. Plusieurs théologiens, et notamment le Théatin Molfési, mort à Naples en 1620, et cité par Benoît XIV (ibid. L. II, c. xx, n° 16), décidoient aussi permissum esse die festo servorum Dei non beatificatorum, neque canonizatorum, canere missam etiam solemnem, de Sanctissima Trinitate (Consil. 45 in 7, Conclus.). Comme, dans les causes de béatification qui survinrent à cette congrégation, après les décrets et le bref d'Urbain VIII, il n'en étoit presque point où il n'y eût eu de pareilles messes chantées les jours anniversaires de la mort de ceux qui en étoient l'objet, elle les regarda comme suffisamment autorisées par le Saint-Siége. Malgré la rigueur de ce bref et de ces décrets contre tout ce qui se rapprocheroit d'un culte public, elle ne désapprouva point qu'aux funérailles de saint François de Sales, à Lyon, le peuple eût fait éclater des transports d'allégresse, et l'eût publiquement invoqué comme saint; que, sans la permission du Saint-Siége, on eût publié des vies édifiantes de saint Louis de Gonzague, de saint Philippe de

ficat de Benoît XIV (1); 5o. que cet illustre Benoît XIV, lorsqu'avant d'être pape, n'étant que l'archevêque Lambertini, et raisonnant en théologien cardinal, il traitoit ce bref et les décrets avec plus d'égards dans son traité de Serv. Dei Beatif., avoit même toujours penché du côté de la congrégation des Rits, ne présentant que comme une simple conjecture de sa part l'opinion, obligée dans sa position, que ces messes pourroient être presque regardées comme appartenant à une sorte de culte public; opinion qu'il infirmoit ou restreignoit encore de plusieurs manières (2). Tout ce qu'on peut

Néry, etc. etc. etc. Quoique Urbain VIII eût sévèrement défendu les images où les serviteurs de Dieu seroient représentés avec des signes de la gloire céleste, la congrégation fut loin de blâmer ces anges dont on avoit orné le tombeau de saint Vincent de Paul, et cette couronne de fleurs avec laquelle sainte Catherine de Ricci avoit été peinte sur le sien. Enfin, quoique ces décrets et ce bref eussent défendu, comme une provocation au culte public, en ce qui concernoit les Martyrs, tout ce qui affirmoit notoirement, avant aucune déclaration, aucune permission pontificale, qu'ils avoient été immolés pour la Foi, elle décida néanmoins, le 20 novembre 1717, qu'une inscription mise au bas des images des jésuites Rodolphe Aquaviva et compagnons, distribuées avec profusion aux fidèles, n'étoit point contraire aux décrets d'Urbain VIII, bien qu'elle affirmât qu'ils « avoient perdu la vie pour Jésus-Christ et sa Foi.» Elle éluda de même ces décrets, le 30 juillet 1729, à l'occasion de la châsse dans laquelle on avoit apporté des Indes le corps du jésuite Jean de Britto, que tous les fidèles venoient vénérer, et sur laquelle étoit gravée cette inscription, qui le leur désignoit comme un Martyr: Hic asservantur ossa venerabilis Patris Joannis de Britto occisi de mandato Ramanadever reguli Maravensis in odium fidei quarta februarii 1693. Son avis fut que cela ne devoit pas être pris pour un acte de culte public.

(1) Il n'est point, en effet, dans le Collectionis Bullarum, Brevium, aliorumque diplomatum sacrosanctæ Basilica Vaticana Tomus III, à Julio III ad Benedictum XIV: imprimé à Rome en 1752, c'est-à-dire sous le pontificat de ce dernier pape, qui, sans doute alors, plus libre dans ses jugemens, attachoit moins d'importance à ce bref qu'il avoit cependant fait valoir dans ses propres écrits, avant d'être pape.

(2) En parlant, non de Martyrs, mais seulement de serviteurs de Dieu décédés avec une réputation de sainteté, à l'occasion desquels,

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