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ques Officiers de la garnison ayant été gagnés, ils lièrent fi bien leur partie, qu'ils fe trouvèrent maîtres de la porte du nord. Ils l'ouvrirent aux Tartares un peu avant le lever du foleil ; & toute leur armée entra par-là, fans que les Chinois découragés fe miffent en devoir de l'arrêter ou de fe défendre. Chinchikong eut le temps de remonter fur fes vaiffeaux avec tout fon monde; mais le refte des troupes, à la réserve des traîtres; & les habitans, à l'exception d'une multitude d'ouvriers, que l'intérêt du commerce fit épargner, furent paffés au fil de l'épée. Le pillage de la Ville qui fuivit ou accompagna ce grand maffacre, dura dix jours entiers.

Une fi trifte nouvelle portée au Prince Prince de Kouei, lui fit abandonner Outcheou. Il erra quelque temps en divers endroits, & parut enfuite vouloir fe fixer à Nanning. (14) Son féjour cependant

de Kouei fort de la Chine.

(14) Nanning-fou, 22 d. 43 m. 12 f de Ville du Koangfi au latitude; & au 125

n'y fut pas long. Les Villes du Koangfi & du Koantong s'empreffant d'ouvrir leurs portes aux Tartares, & un grand nombre d'Officiers fe rendant à eux de tous côtés, l'infortuné Monarque fe vit enfin obligé de fortir de la Chine, pour ne pas tomber entre les mains de fes ennemis. Il fe retira avec fa famille au pays de Mikoué, (15) en attendant quelque circonftance favorable, qui le rappellât dans fa patrie, & lui rouvrît un chemin au thrône.

A peine eut-on fcu dans le Yun- Sounan la retraite du Prince de Kouei, miffion que deux Lieutenans du feu Ty- nan. ran Chanhienchong remirent cette Province aux Tartares; c'est-àdire à Oufankouei qui en avoit été déclaré Prince. Quoique ces deux brigands y vécuffent dans la

d. 51 m. de longi- rope fous le nom de tude.

(15) Mikoué eft le nom que les Chinois donnent ordinairement à un affez grand pays des Indes orientales, connu en Eu

Royaume d'Ara. Il
s'étend depuis l'extré-
mité occidentale du
Yunnan jufqu'au gol-
fe de Bengale, vers le
21 d. de latitude, &
le 114 de longitude,

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plus parfaite indépendance, ils ne laiffoient pas de faire entendre aux peuples qu'ils étoient foumis au Prince de Kouei, & qu'ils gouvernoient en fon nom le Yunnan. Mais ce Souverain une fois expatrié, fans aucune espérance bien fondée de rétablir fes affaires à la Chine, ces deux hommes craignirent avec raifon, ou de devenir les victimes de quelque émeute populaire, ou de fuccomber bientôt fous les efforts des Mancheoux. Ainfi pour rendre leur condition autant avantageufe que les conjonctures où ils fe trouvoient, le pouvoient permettre, ils allèrent. au devant des vainqueurs, qui fuivant leur méthode ordinaire, fes reçurent à bras ouverts.

Cette foumiffion du Yunnan rendit entière la conquête de la Chine par les Mancheoux, fur la fin de la huitième année de leur jeune Empereur Tchangti; ou, comme parlent les Chinois, l'année huitiéme de Chunchi, c'est-àdire l'an 1651: felon notre manière de compter.

chin

Néchingouang fembloit n'atten- Mort dre qu'un fi heureux événement de Népour terminer glorieusement fa gouang, carrière. Il mourut quelques jours après qu'on eut reçu à la Cour l'agréable nouvelle du traité conclu par Oufankouei, Prince de Yunnan, pour l'acquifition de cette Province. L'Empereur qui avoit toujours refpecté le Régent, comme s'il eût été fon pere, ne l'appellant jamais que Amaouang pere Prince, le regretta fincérement, & lui fit des obféques vraiment royales. La nation des Mancheoux en général ne le regretta pas moins que le Monarque ; & il faut convenir que ces regrets étoient juftes. Soit qu'on s'en tienne au témoignage d'un grand nombre d'Ecrivains Chinois & Tartares, ou qu'on veuille fuivre toutes les démarches de Néchingouang, depuis fon entrée à la Chine jufqu'à fa mort, il eft aifé de reconnoître dans ce grand homme les qualités d'un Conquérant & d'un Politique du premier ordre, Lans y remar

quer prefque aucun des défauts des Politiques ordinaires & des Conquérans.

Ses Collégues, il est vrai, dans la Régence de l'Empire, le taxèrent fourdement durant fa vie, & tout ouvertement après fa mort, d'avoir eu une ambition déméfurée: mais ce reproche eft bien fufpect de leur part. Qu'un Bonze à, la Chine, Hochang ou Lama, dont l'état eft une forte d'engagement formel à la modeftie & à la retraite, n'en recherche pas moins que les autres Chinois les honneurs & les diftinctions; qu'un Mandarin efprit fuperficiel & borné afpire à la préfidence d'un des fix Tribunaux de Pekin, ou brigue une place dans le ministère; qu'un Officier Chinois ou Tartare, fans autre mérite que fon ancienneté dans le fervice, veuille commander une armée en chef; ou qu'un rebelle enfin s'émancipe jufqu'à lever l'étendart de la révolte contre l'Empereur; il eft naturel de les qualifier tous d'hommes ambitieux,

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