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» sortie de Stockholm jusqu'à Mahon, permis de toucher à Tunis, touchant et > faisant échelle en tous les lieux et endroits que bon semblera au capitaine. Ce navire partit de Stockholm, et sans toucher à Tunis, il arriva à Mahon, où il consigna un chargement de planches. Il mit ensuite à la voile, pour porter à Tunis trente canons de fer, et deux caisses de munitions, qu'il avait reçus à Stockholm, de la part du commissariat royal des convois. Il fit naufrage sur le cap Porto-Farino, près de Tunis.

Les assureurs, attaqués en paiement de la perte, disaient que le voyage avait été terminé par l'arrivée du navire à Mahon; qu'avant d'y parvenir, le navire aurait pu toucher à Tunis ; mais que n'ayant pas fait cette relâche, tout risque était fini vis-à-vis d'eux; car il dépend de l'assuré de diminuer le risque, et de raccourcir le voyage.

Les assurés répondaient que le notaire avait fait erreur; qu'au lieu d'écrire que l'assurance était jusqu'à Tunis, permis de toucher à Mahon, il avait mis jusqu'à Mahon, permis de toucher à Tunis; que cette erreur de mot était évidente, 1°. par la nature du chargement de planches, destinées tout premièrement pour Mahon; 2°. par la nature des lieux, puisque Mahon était beaucoup moins éloignée que Tunis.

Les assureurs, pour qui j'écrivais, répliquaient que la police était la seule loi qu'il fallait suivre, et que le voyage avait été raccourci à leur égard. Sentence du 31 mai 1777, qui donna gain de cause aux assureurs. Arrêt du 26 juin 1778, au rapport de M. du Bourguet, qui confirma cette sentence : Inspici debet id tantùm, quod certum est, inter contrahentes. Casaregis, disc. 1, n. 108.

La qualité du chargement n'avait pas été notifiée aux assureurs. Ils alléguèrent le pacte de la police, et la disposition des art. 55 et 36, titre des assurances; ils distinguèrent le voyage assuré d'avec le voyage du navire, et par ce moyen, ils obtinrent gain de cause.

CONFÉRENCE.

CLXIX. D'après les dispositions de l'art. 364 du Code de commerce, si le voyage est raccourci par l'assuré, l'assurance n'en a pas moins son entier effet, et la prime est acquise aux assureurs. Le changement de volonté de l'assuré ne doit pas changer la condition des assureurs; c'est par sa faute que le voyage assuré ne s'est pas accompli en entier. Il suffit, d'ailleurs, que les assureurs aient couru des risques pour que la prime leur soit due,

La loi ne distingue point si le voyage à été peu ou beaucoup raccourci. D'où il suit que si le navire, ayant mis à la voile, revient volontairement sur-le-champ dans le port, les assu

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reurs sont déliés de leurs obligations, et la prime leur est acquise. «Il suffit, dit Pothier, pour » qu'elle leur soit irrévocablement due, qu'ils aient commencé à courir les risques dont elle » est le prix pendant quelque tems, quelque court qu'il ait été. » (Voyez Pothier, assuno. 184; voyez aussi Valin sur les art. 36 et 37, titre des assurances, de l'Ordonnance). Mais il ne faudrait pas le décider ainsi, si le retour du navire dans le port ou dans le lieu d'où il serait parti, était opéré par suite de tempête ou par crainte de l'ennemi. C'est un accident qui doit être considéré comme une relâche forcée, une fortune de mer, dont les assureurs sont responsables, d'après l'art. 350 du Code de commerce. Le navire peut ensuite remettre à la voile, dit Santerna, aux risques des assureurs.-(Voyez Santerna, part. 3, no. 52). Quid à l'égard des marchandises chargées dans le navire, qui, par force majeure, sont remises à terre dans le lieu même du chargement, sans le fait ni la faute de l'assuré ? La prime est-elle due.....? Il faut distinguer si, par une clause de la police, les risques ne devaient commencer que du moment et depuis que le navire aurait mis à la voile, dans cette hypothèse, la prime ne serait sûrement pas due; mais si, au contraire, et en conformité des articles 328 et 341, les risques sur ces marchandises devaient courir depuis qu'elles auraient été chargées dans le navire ou dans les gabares, pour les y porter, alors la prime est acquise aux assureurs, parce qu'ici le cours du risque avait commencé.

Néanmoins, si le déchargement des marchandises assurées s'était fait par nécessité, par tempête, par crainte de l'ennemi, et que les marchandises fussent rechargées dans le même navire, l'assurance doit reprendre son cours. Le contrat d'assurance n'a été altéré en rien; c'est une fortune de mer, dont les résultats fâcheux sont à la charge des assureurs.

L'assurance reprend également son cours, si les marchandises sont chargées dans un autre bâtiment, parce que le premier navire est pris par arrêt de prince, ou est devenu innavigable par fortune de mer. C'est la conséquence des dispositions de l'art. 350, qui met à la charge des assureurs toutes pertes arrivées aux objets assurés par le changement de navire, etc.

Il en est de même si, dans le cours du voyage, et par suite d'une fortune de mer, le capitaine est obligé de louer un autre navire pour y transborder les effets assurés. Les assureurs courront les risques sur les marchandises jusqu'à leur débarquement dans le lieu de leur destination. — (Voyez d'ailleurs l'art. 4 du chap. 9 du Guidon de la mer; l'art. 9 de la déclaration du 17 août 1779; l'art. 392 du Code de commerce).

SECTION XIII.

Voyage alongé.

On a vu ci-dessus, ch. 3, sect. 1, que si le voyage est désigné par la police, et que sa durée excède le tems limité, la prime sera augmentée à proportion. Art. 35 de l'Ordonnance.

Mais les assureurs seront déchargés des risques, et ne laisseront de gagner

T. II.

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Le risque ne court que jusqu'à la hauteur déterminée.

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› la prime, si l'assuré, sans leur consentement, envoie le vaisseau en un lieu plus éloigné que celui désigné par la police, quoique sur la même route, » Art. 36.

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Ces articles de l'Ordonnance parlent des cas où le voyage assuré a déjà commencé; et c'est dans ce sens qu'on doit entendre le Guidon de la mer, ch. 9, art. 12. Si; après avoir fait voile, est-il dit, il y a changement volontaire » de voyage, l'assureur ne court les risques, sinon à la hauteur et vue du lieu du » reste contenu' en la police. »

Ainsi, dès le moment que sans fortune de mer le navire se trouve en un lieu plus éloigné que celui désigné par la police, le voyage est rompu, malgré les clauses de faire échelle et de dérouter; les assureurs sont déchargés des risques, et la prime leur est acquise. Valin, art. 36, titre des assurances.

Diverses assurances avaient été faites sur le corps et les facultés du vaisseau le Lamoignon, capitaine Antoine Simian, de sortie de Marseille jusqu'à Dunkerque et Ostende, et de retour à Marseille. Ce navire partit de Marseille le 7 juillet 1720. Il arriva à Dunkerque le 20 août suivant. Le comte d'Heronville, gouverneur de Dunkerque, rendit une ordonnance, portant que le capitaine irait faire la quarantaine aux îles de Saint-Marcou, près de la Hogue, en Normandie, où des vaisseaux partis de Marseille et arrivés au Havre, avaient déjà été envoyés à cause de la crainte de la peste. Les intéressés au vaisseau le Lamoignon, trouvant plus convenable que la quarantaine se fît au Texel, en obtinrent la permission de M. d'Heronville, et envoyèrent le navire au Texel, où étant arrivé, l'amirauté d'Amsterdam ordonna au capitaine Simian de se retirer sans délai, avec défenses de rien décharger à terre, à peine de la vie. Le capitaine Simian appareilla du Balgh où il était mouillé, et le 31 décembre il échoua sur un banc au sud de l'île du Texel. Leurs Hautes-Puissances firent brûler le vaisseau.

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Les assurés présentèrent requête contre leurs assureurs, qui opposèrent que la quarantaine aurait dû être faite en l'endroit indiqué par le gouverneur; endroit qui était dans la route, au lieu que le Texel était hors de la route. Sentence rendue par notre amirauté, le 4 septembre 1722, qui débouta les assurés. Arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 13 juillet 1723, qui confirma la sentence, et donna gain de cause aux assureurs.

Autre arrêt. En 1776, des assurances furent faites sur le corps et les facultés du navire le Joli Cœur, capitaine Terrasson, de sortie des Iles françaises de l'Amérique jusqu'à Marseille. Le 3 décembre de la même année, ce navire, chargé de café, de sucre, et de quatre-vingt-quatorze barriques de tafia,

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partit des cayes Saint-Louis, mais au lieu de faire son retour en Europe, il fit voile vers les colonies anglo-américaines. Il fut arrêté par les Anglais près de l'embouchure de Philadelphie, et malgré toutes les allégations de tempête, imaginées pour cacher l'interlope, on le déclara de bonne prise.

Les assureurs, pour qui j'écrivais, se défendaient par la disposition de l'article 36 de l'Ordonnance. Sentence du 7 septembre 1779, qui les condamna à payer la perte. Arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 28 juin 1780, qui réforma cette sentence, et donna gain de cause aix assureurs, attendu que le voyage avait été alongé ou changé : ce qui revient au même, ainsi qu'on le yerra dans la section suivante.

CONFÉRENCE.

CLXX. Le risque ne court que jusqu'à la hauteur déterminée par la police d'assurance; c'est une ancienne maxime établie par le Guidon de la mer, chap. 9, art. 12, reconnue par l'Ordonnance, titre des assurances, art. 36, et par le nouveau Code de commerce, art. 364. L'assureur est déchargé des risques et la prime lui est acquise, porte cet article, si l'assuré › envoie le vaisseau en un lieu plus éloigné que celui qui est désigné par le contrat, quoique » sur la même route. » - (Voyez d'ailleurs Valin sur l'art. 36 de l'Ordonnance ).

Aux autorités citées par Emérigon, nous ajouterons un arrêt de la Cour royale de Rennes, qui a consacré ces principes, relativement à une police qui donnait même la faculté de faire échelle, parce que cette faculté de faire échelle ne peut jamais autoriser le capitaine à alonger et à terminer le voyage dans un port qui ne lui est pas désigné.

Néanmoins, si, dès le départ, le navire a sa destination pour un lieu plus éloigné que celui indiqué dans la police, et que celui-ci se trouve sur la route; par exemple, des propriétaires auront fait charger des marchandises avec destination de Saint-Malo à Brest, sur un navire allant de Saint-Malo à Nantes, et se seront fait assurer de Saint-Malo à Brest, nous ne doutons pas qu'un tel contrat d'assurance ne soit valable, parce que d'un côté, le navire a des expéditions qui ne sont point absolument exclusives du voyage assuré, et que de l'autre, les chargeurs ont leur connaissement qui établit, quant à eux, la destination de l'objet assuré conforme à la police d'assurance.

Mais lorsque l'assurance porte sur un voyage partiel, il faut toujours, non seulement que ce voyage se trouve compris entre les deux extrêmes du voyage du navire, mais encore qu'il soit dans la route propre à ce voyage. Si les deux termes, ou l'un des termes du voyage assuré, se trouvaient à droite ou à gauche et hors de la route propre au voyage légal du navire, le contrat d'assurance serait nul.

D'ailleurs, nous sommes d'avis que l'assuré doit déclarer que le voyage assuré n'est qu'une partie d'un plus long voyage qui doit être fait par le navire; sans cette déclaration, l'assurance serait nulle. L'assureur a d'autant plus droit d'exiger cette déclaration, que souvent la circonstance de la destination plus éloignée du navire, peut augmenter le risque ou en change

l'opinion, et que, dans le systême de la loi nouvelle, on ne doit rien dissimuler à l'assureur de ce qui peut influer sur cette opinion. (Art. 348 du Code de commerce).

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JURISPRUDENCE.

La Cour royale de Rennes a déclaré qu'il y avait rupture de voyage, dans l'affaire du navire le Jean-Bart, de Saint-Malo, dont la destination était pour l'île Bourbon, avec faculté de faire escales, et qui s'était rendu, au contraire, à l'ile Maurice ou de France, plus éloignée, où il avait fait le déchargement de sa cargaison. — ( Arrêt du 20 décembre 1821 ).

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SECTION XIV.

Voyage changé.

Si le navire met à la voile pour toute autre destination que celle du voyage assuré; ou si, parvenu à la hauteur et vue du lieu du reste, il va à un endroit plus éloigné; ou si, en s'écartant de la route légitime, dans laquelle il était entré, il abandonne sa destination primitive pour aller ailleurs, dans tous ces cas, le voyage est changé.

Roccus, not. 20, dit que le voyage est changé, dès que le capitaine en entreprend un autre, si cœperit secundum viaggium, quoique cet autre voyage n'ait pas été fini, licèt non completum. Cet auteur va plus loin; il soutient que le voyage est changé dès que le capitaine se nolise pour un autre endroit : Vel convenerit asportare alias merces in alium locum.

Je ne suis pas de ce dernier avis, et j'estime que si, avant le départ du navire, le capitaine, abandonnant son nouveau projet, s'en tient au voyage déterminé par la police, tout rentre dans l'ordre, et l'assurance subsiste en toute sa force.

Casaregis, disc. 67, n°. 24, dit que le voyage est changé, lorsque le navire, avec son chargement, et en exécution de ses expéditions primitives, cesse de tendre vers le lieu désigné, et que le capitaine n'a plus idée de suivre sa première destination: Mutari viaggium tunc dicitur, quandò primam, principalem destinationem magister navis non sequitur: ut potè quòd navis cum onere, et cum primis vecturis, ad locum destinatum ampliùs non intendat ire, nec eat.

Par la raison des contraires, le voyage est toujours censé le même, lorsque le capitaine, sans perdre de vue sa première destination, ne s'en écarte que

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