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droit d'en obtenir la restitution, ainsi que nous le verrons plus bas sous le n° 284.

Dans le second cas, si les choses fongibles ont été mises à prix par le contrat, sans déclaration que l'estimation n'en faisait pas vente au mari, celui-ci en est censé l'emprunteur ou l'acheteur, et, ainsi, a pu en disposer; mais ses héritiers sont débiteurs envers la femme du prix de ces choses (art. 1551 et 1566 C. N. combinés).

Comme on le voit, dans le premier cas, le mari n'est pas propriétaire; il l'est, dans le second. Il le serait encore, à l'égard d'objets mobiliers quelconques, mis à prix sans déclaration que l'estimation n'en fait pas vente (art. 1551 précité).

265. A l'égard des biens immeubles, alors même qu'ils auraient été estimés par le contrat de mariage, cette estimation n'en aurait pas rendu le mari propriétaire, à moins qu'il n'y ait eu déclaration expresse en sens contraire (art. 1552 C. N.). Şi cette déclaration n'avait point été faite, la femme aurait donc le droit de demander la nullité de la vente que le mari aurait réalisée contrairement à la loi.

266. L'administration des biens dotaux confiée au mari seul, c'est-à-dire sans l'immixtion de sa femme, embrasse le droit d'en poursuivre les débiteurs et détenteurs, d'en percevoir les fruits (1) et les intérêts, et de recevoir le remboursement des capitaux (2). Cependant il peut avoir été convenu, par le contrat de mariage, que la femme toucherait annuellement, sur ses seules quittances, une partie de ses revenus pour son entretien et ses besoins personnels (art. 1549 C. N.).

267. La loi attache à cette administration, non les droits (3), mais les obligations de l'usufruitier; d'où la conséquence : que le mari a dû jouir des biens, en bon père de famille, y faire

(1) Voir, sous le no 13, à la note, ce qu'on entend par fruits.

(2) Même le capital d'une rente perpétuelle qui aurait été constitué en dot. (3) Non les droits: puisque autrement le mari pourrait vendre, hypothéquer l'usufruit des biens dotaux, même en être exproprié, ce qui ne saurait avoir lieu sous le régime dotal (art. 1554, 2118 et 2204 C. N. combinés).

toutes les réparations d'entretien nécessaires, et acquitter toutes les charges annuelles, etc.

Il est responsable, et après lui, ses héritiers, de tous les manquements à ces obligations, et en outre, de toutes prescriptions acquises et de toutes détériorations survenues par sa négligence (art. 1562 C. N.).

268. Si la dot avait été constituée en argent, l'immeuble qui aurait été donné en payement de la dot, non plus que l'immeuble acquis avec des deniers dotaux (si la condition de l'emploi de ces deniers n'avait pas été stipulée par le contrat de mariage), ne seraient point dotaux, c'est-à-dire ne seraient pas soumis à l'inaliénabilité dont nous parlerons sous la section suivante: le mari aurait donc été propriétaire de l'un et l'autre de ces immeubles, aurait pu, ainsi, en disposer comme de sa propre chose, et ses héritiers ne seraient tenus qu'à la restitution de la somme constituée en dot (art. 1553 C. N.).

269. Enfin, dans le cas où la condition d'emploi aurait été imposée, il est évident que l'immeuble acquis en exécution de cette condition avec les deniers dotaux, serait devenu dotal comme ces mêmes deniers, et jusqu'à concurrence de leur

montant.

SECTION IIe. De l'inalienabilité des biens dotaux.

270. Nous avons vu sous le n° 264, que lorsque la dot ou partie de la dot consistait en objets mobiliers, ces objets pouvaient devenir aliénables ou inalienables, suivant qu'ils étaient ou non de nature fongible, mis ou non à prix.

271. Quant aux immeubles constitués en dot, ils ne peuvent être aliénés qu'autant que l'aliénation en a été permise par le contrat de mariage (art. 1557 C. N.) (1). Ceci est l'exception, puisée dans la liberté qui préside aux conventions matrimoniales; mais le principe dominant est que les immeubles dotaux ne puissent être aliénés (2) ou hypothéqués pendant le mariage,

(1) Et encore l'aliénation doit-elle être faite par le mari et la femme conjointement (argument tiré de l'art. 223 C. N.).

(2) Ce qui implique l'impossibilité, non-seulement de vendre l'immeuble dotal,

ni par le mari, ni par la femme, ni par les deux conjointement. Ce principe n'admet plus d'autres exceptions que celles dont nous allons parler.

272. Ainsi, la femme peut, avec l'autorisation de son mari, ou, sur son refus, avec permission de la justice, donner ses biens dotaux (1) pour l'établissement (2) des enfants qu'elle aurait d'un mariage antérieur; mais si elle n'était autorisée que par justice, elle devrait réserver la jouissance à son mari (art. 1555 C. N.) (3).

273. La femme peut aussi, avec l'autorisation de son mari, donner ses biens dotaux pour l'établissement de leurs enfants communs (art. 1556 C. N.).

274. La loi permet encore l'aliénation de l'immeuble dotal, en recourant à la permission de la justice (4), et en vendant aux enchères publiques, après trois affiches, dans les cinq cas suivants, qui sont limitatifs, c'est-à-dire, qui n'en admettent d'autres en dehors, savoir:

pas

1 Pour tirer de prison le mari ou la femme;

2o Pour fournir des aliments à leurs enfants, père, mère et autres ascendants, beau-père et belle-mère, qui seraient dans le besoin;

3o Pour payer les dettes de la femme ou de ceux qui ont constitué la dot, lorsque ces dettes ont une date certaine (5) antérieure au contrat de mariage;

mais encore, de la part de la femme, de renoncer à son hypothèque légale, de consentir une antériorité à cette même hypothèque, et de s'obliger solidairement avec son mari, etc. D'où la conséquence que l'aliénation ne peut avoir lieu ni directement ni indirectement.

(1) Ce qui comprend ses biens meubles (qui ne sont pas devenus la propriété du mari par l'estimation faite au contrat, sans déclaration que l'estimation n'en faisait pas vente), et ses biens immeubles.

(2) Par mariage ou autrement (argument tiré de l'art. 204 C. N.).

(3) Dans le cas où l'autorisation émane de la justice, c'est que le mari n'a pas voulu se dépouiller de la jouissance destinée à l'alimentation des charges du mariage. On ne pouvait donc forcer sa volonté.

(4) L'autorisation du mari ne suffirait point. Les formalités imposées, dans ce cas, à la femme, consistent à présenter une requête au tribunal du domicile des époux; un jugement, rendu en audience publique, ordonne la vente, s'il y a lieu, et l'on remplit les mêmes formalités que pour la vente des immeubles appartenant à des mineurs (art. 997 C. de pr., et art. 6 de la loi du 2 juin 1841). (5) Voir au no 32 ce que nous avons dit de la date certaine.

4° Pour faire de grosses réparations indispensables pour la conservation de l'immeuble dotal (1);

5o Et enfin, lorsque cet immeuble se trouve indivis avec des tiers, et qu'il est reconnu impartageable.

Dans tous ces cas, l'excédant du prix de la vente au-dessus des besoins reconnus reste dotal, et il en doit être fait emploi comme tel, au profit de la femme (art. 203, 205, 206, 605 § 2o et 1558 C. N. combinés).

275. L'immeuble dotal peut être échangé, mais avec le consentement de la femme, contre un autre immeuble de même valeur, pour les quatre cinquièmes au moins (2), en justifiant de l'utilité de l'échange, en obtenant l'autorisation en justice, et d'après une estimation par experts nommés d'office (3) par le tribunal.

Dans ce cas, l'immeuble reçu en échange sera dotal; l'excédant du prix, s'il y en a, le sera aussi, et il en sera fait emploi comme tel au profit de la femme (art. 1559 C. N.).

276. Si, hors les cas d'exception qui viennent d'être expliqués, la femme ou le mari, ou tous deux conjointement, avaient aliéné le fonds dotal, la veuve pourrait faire révoquer l'aliénation, sans qu'on puisse lui opposer aucune prescription qu'on ferait courir pendant le mariage (4); la femme aurait le même droit après la séparation de biens, qu'elle peut poursuivre si sa dot est mise en péril, et l'acquéreur évincé, qui aurait acheté de la femme seule le fonds dotal, ne pourrait exiger d'elle le remboursement de ce qu'il aurait payé, à moins qu'il ne prouvât que ce qui a été payé a tourné au profit de la femme (art. 1312 C. N.). Cet acquéreur ne saurait s'excuser sur son ignorance de la nature dotale du fonds acheté par lui, ni diriger contre la

(1) Le mari, qui n'a que les obligations de l'usufruitier, n'est pas tenu des grosses réparations (art. 605 C. N.).

(2) C'est-à-dire que si l'immeuble dotal est estimé 50,000 fr., l'immeuble reçu en échange ne pourra pas valoir moins de 40,000 fr.

(3) C'est-à-dire en dehors de l'indication des parties. (4) Art. 1560 et 2255 C. N. combinés.

femme une demande en résolution (ou cassation) du contrat, motivée sur le défaut de déclaration de dotalité dans le contrat, parce que les personnes capables de s'engager ne peuvent opposer l'incapacité de la femme mariée avec laquelle ils ont contracté (art. 1125 C. N.).

277. S'il s'agissait d'une aliénation faite par le mari seul, l'action révocatoire de la femme durerait trente ans du jour de la dissolution du mariage ou de la séparation de biens (art. 1560 et 2262 C. N. combinés).

S'il s'agissait d'une aliénation faite par la femme seule ou même conjointement avec son mari, cette action n'aurait qu'une durée de dix ans à partir des mêmes dates (art. 1304 et 1560 C. N. combinés).

278. La veuve qui, pendant le mariage, aurait renoncé à son hypothèque légale, ou l'aurait restreinte en garantissant une vente immobilière faite par son mari, ou en s'obligeant solidairement avec lui, serait recevable à se pourvoir contre cette violation de l'inaliénabilité de la dot (arrêt de rejet. Cour de cassation, 28 juin 1810. Sirey. 1820, page 341).

279. Elle aurait le même droit si elle avait soumis à la décision d'arbitres-juges volontaires une contestation intéressant sa dot, ou transigé sur un débat de même nature (art. 83 et 1004 du C. de pr., et § 1er de l'art. 1045 C. N. combinés).

280. Nous avons vu, plus haut, que l'immeuble dotal pouvait être aliéné, lorsque l'aliénation en avait été permise par le contrat de mariage.

Dans le cas où cette stipulation n'existe point, l'immeuble dotal, par une conséquence nécessaire de son inaliénabilité, est imprescriptible (1) pendant le mariage, c'est-à-dire que, tant que dure le mariage, l'acquéreur de cet immeuble ne peut

(1) La prescription est un moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi.

Celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ou vingt ans, suivant que le véritable propriétaire habite out non le ressort de la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé (art. 2219 et 2265 C. N.).

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