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Art. 4.

L'exposé des motifs du projet de loi dit que, pour la rédaction de l'article 4, on s'est reporté à celle de l'article 17 de la loi du 15 mars 1850, et qu'on l'a reproduite, en l'appliquant aux écoles d'enseignement supérieur, dont ladite loi ne pouvait faire mention.

A la rédaction du Gouvernement, la commission en a substitué une toute différente, empruntée au projet de loi déposé par son président, M. Paul Bert, qui lui paru préférable à tous égards et qui est ainsi conçue:

<< Les établissements privés, destinés à donner l'enseigne»ment supérieur, ne pourront prendre les titres de Faculté » ni d'Université.

>> Les certificats d'études qu'on y jugera à propos de décer»ner aux élèves ne pourront porter les titres de baccalau»réat, de licence ou de doctorat. »

Dans le projet de loi, les deux paragraphes de cet article 4 étaient ainsi rédigés:

« La loi reconnaît deux espèces d'écoles d'enseignement supérieur :

>> 1° Les écoles ou groupes d'écoles fondés ou entretenus >> par les communes de l'Etat, et qui prennent le nom d'Uni» versité, de Facultés ou d'écoles publiques.

«2° Les écoles fondées ou entretenues par les particuliers ou >> les associations, et qui ne peuvent prendre d'autres noms » que celui d'écoles libres. »

Il a paru d'abord à la Commission qu'il était au moins inutile de faire << reconnaître » à la loi d'autres écoles que celles qui peuvent prendre le nom d'Universités, de Facultés ou d'écoles publiques.

En second lieu, le texte primitif du projet de loi parlait des écoles ou des groupes d'écoles qui peuvent être fondés ou en tretenus par des communes. La Commission a pensé qu'il était périlleux, en l'état actuel des choses, d'accorder indistinctement à toutes les communes, aux petites comme aux grandes, à Paris comme à la dernière bourgade, le droit de fonder des établissements qui pourraient prendre, dès le jour

de leur fondation et de l'ouverture de leurs cours, le titre de Facultés et d'Universités et qui favoriseraient ainsi facilement la fraude à la loi qui interdit aux établissements autres que ceux de l'Etat le droit de prendre ces noms. Elle s'est donc résolue, d'accord avec M. le Ministre, à supprimer le mot << communes » dans le paragraphe où il en était question; il ne restait plus que les écoles ou groupes d'écoles fondés ou entretenus par l'Etat; il a paru inutile de consacrer par un texte nouveau un fait existant.

La suppression de ce paragraphe a été combattue par notre honorable collègue M. Gaslonde, qui a cependant reconnu qu'il n'était pas d'avis que les communes dussent avoir le droit de fonder des Universités, mais qui a déclaré ne point s'associer au vote de la Commission, par respect de la loi de 1875 à laquelle il désire ne faire aucune modification profonde.

Restaient les établissements privés; et c'est à ce propos que la substitution du mot « privé » au mot «libre » suggérée à la Commission par le projet de M. Paul Bert,a été décidée par les raisons qui ont été expliquées plus haut. A l'égard des établissements privés, il a semblé nécessaire de spécifier dans la loi que les certificats d'études que ces établissements pourraient délivrer ne pussent porter les noms et titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat réservés exclusivement aux certificats d'études délivrés par les professeurs des facultés de l'Etat.

Dans la séance de la Commission où M. le Ministre de l'Instruction publique a été entendu, communication lui a été faite de la nouvelle rédaction de l'article 4 du projet de loi. M. le Ministre a déclaré y adhérer, tout en faisant des réserves sur le mot « libre » qu'il préfère au mot « privé ». Selon lui, on ne qualifierait pas justement des écoles qui ouvrent leurs portes au public en les appelant écoles privées. Le mot libre lui semble préférable, parce qu'il signifie écoles indépendantes de l'Etat. Appelée à délibérer sur les observations de M. le Ministre, la Commission a persisté dans la rédaction qu'elle

Art. 5.

Art. 6.

avait primitivement adoptée et dans les motifs qui la lui avaient fail adopter.

L'article 5 du projet de loi a pour objet de mettre fin à des usurpations de titres qui ont motivé de nombreuses plaintes, notamment de la part du corps médical. La pensée qui a inspiré cet article a été acceptée par la Commission. La question de l'équivalence des grades est difficile et complexe; elle a été réservée à un examen ultérieur. Quant aux usurpations de titres, elles sont repréhensibles et punissables, il y a d'ailleurs un intérêt de premier ordre à ne point laisser s'avilir et titres et grades décernés par nos Facultés.

Cet article a été adopté par la Commission presque sans discussion.

La plus choquante anomalie de la loi du 12 juillet 1875 va enfin disparaître. Cette prétendue loi de liberté déclare dans son article 1o : l'enseignement supérieur est libre ; mais il paraît que cette liberté ne devait s'entendre que de la liberté des groupes et associations prêts à faîre concurrence à l'Etat, à battre en brèche son enseignement. Dès l'article 2, la vraie liberté, celle de l'individu, du citoyen isolé qui veut communiquer sa pensée, ses opinions, ses connaissances, ses découvertes au public, était chargée d'entraves. « Les cours isolés, était-il dit, dont la publicité ne sera pas restreinte aux auditeurs régulièrement inscrits, resteront soumis aux prescriptions des lois sur les réunions publiques. »

L'article 6 du projet de loi proclame et organise la liberté des cours isolés. Il soumet leur ouverture, sans autre réserve, aux formalités prescrites par l'article 3 de la loi du 12 juillet 1875. Cet article est ainsi conçu :

« L'ouverture de chaque cours devra être précédée d'une déclaration signée par l'auteur de ce cours.

» Cette déclaration indiquera les noms, qualités et domicile du déclarant, le local ou seront fait les cours, et l'objet ou les divers objets de l'enseignement qui y sera donné.

» Elle sera remise au recteur dans les départements où est établi le chef-lieu de l'Académie, et à l'inspecteur de l'Académie dans les autres départements. Il en sera donné récépissé.

» L'ouverture du cours ne pourra avoir lieu que dix jours après la délivrance du récépissé.

>> Toute modification aux points qui auront fait l'objet de la déclaration primitive devra être portée à la connaissance des autorités désignées dans le paragraphe précédent. Il ne pourra être donné suite aux modifications projetées que cent jours après la délivrance du récépissé. »

Ces précautions, encore bien qu'un peu compliquées, sont indispensables à établir, car il importe de tracer une délimitation et de savoir si les matières enseignées appartiennent ou n'appartiennent pas au domaine de l'enseignement supérieur... « Sans cette délimitation, dit M. Paul Bert, dans l'Exposé des motifs de sa proposition de loi, il n'est plus de garanties ni pour les autres ordres d'enseignement ni pourle droit général de réunion (1).

Il s'agit ici des cours qui comportent un certain nombre de leçons coordonnées, et non pas des conférences qui puissent se réduire à un seul exercice et à la démonstration d'un objet restreint.

Cette délimitation est difficile à formuler théoriquement. L'on s'efforcerait vainement de l'introduire dans les lois. Il est ainsi nécessaire de la laisser à l'appréciation d'une autorité capable d'apprécier le caractère de l'enseignement que l'on veut donner et assez haut placée dans le monde de la science et des lettres pour offrir toutes les garanties d'impartialité désirables.

Les auditeurs des cours isolés sont dispensés de l'inscription. Un professeur privé aura des « auditeurs bénévoles » et cela, comme le dit l'exposé des motifs du projet de loi, à raison de la nature propre de l'enseignement supérieur, c'est-à

(1) M. Paul Bert. - Exposé des motifs d'une proposition de loi sur la liberté de l'enseignement supérieur, distribué aux Chambres, page 3.

Art. 7.

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dire de l'ordre d'études les plus variées, les plus indépendantes, les moins susceptibles d'une limitation catégorique et d'une absolue discipline. »

Cet article est, comme on le pense bien, celui qui à fourni matière aux plus amples discussions dans les Commissions comme dans les bureaux de la Chambre, dans la presse comme dans le public. Il est l'objet des pétitions que l'on a fait circuler dans toute la France, des adresses et des observations des évêques.

Le Gouvernement s'attendait aux objections que cette disposition du projet de loi devait soulever infailliblement. « C'est, dit l'exposé des motifs, de propos délibéré et après mûre réflexion que le Gouvernement vous propose de reconnaître et d'appliquer un des principes les plus anciens et les plus constants de notre droit public et de prendre, aunom de la République, une mesure devant laquelle la monarchie traditionnelle ne reculait pas, il y a cinquante ans. » L'accord existe dans le Gouvernement sur cette mesure importante. Get accord a été plusieurs fois affirmé avec éclat devant le pays. Il l'était naguère encore à la tribune de la Chambre par M. le Ministre de l'Intérieur et des Culles, dont les paroles nettes et les déclarations formelles étaient accueillies par la majorité avec la plus grande faveur.

Nous devons dire que cet acte de vigoureuse initiative a entraîné l'adhésion réfléchie de la plupart des membres de la Commission.

L'article 7 du projet de loi soumis à vos délibérations a été attaqué par l'honorable M. Gaslonde, comme illogique, contraire aux principes républicains et en opposition avec l'esprit de nos sociétés modernes.

Un autre de nos collègues, l'honorable M. Madier de Montjau, appuyé par deux autres membres de la Commission, ne juge pas cet article assez large. Il voudrait l'étendre à toutes

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