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monde les prépare depuis long-temps. Si les rois étaient aussi éclairés que les hommes instruits de leur siècle, ils éviteraient les secousses et dirigeraient eux-mêmes la civilisation de leurs peuples. Ils le devraient par zèle pour leur conservation et leur intérêt, quand même ils n'y seraient pas excités par l'amour de l'humanité et de leur devoir; mais par une fatalité funeste, ils sont loin en arrière des lumières de leur siècle. Nés pour le trône, ils ont peu communiqué avec le reste des hommes ; leur éducation ne leur a ; donné que de fausses idées suggérées par des flatteurs ou des artisans du despotisme : la vérité ne peut parvenir jusqu'à eux; et, s'il arrive une révolution, la veille de la destruction de leur puissance, ils auront lu dans les journaux des éloges flatteurs, des adresses sollicitées ou commandées par leurs ministres; ils auront entendu autour de leur palais les applaudissemens de quelques groupes soldés ; ils auront vu prosternés à leurs pieds les lâches courtisans qui, dans quelques heures, doivent les abandonner pour chercher une nouvelle idole.

Si quelques ministres ou quelques esclaves. titrés lisent ces pages, ils me jugeront trop hardi d'avoir osé traiter une matière qui, disent-ils, est totalement étrangère à celui qui doit se tenir dans la basse région de l'obéissance, et ne pas se permettre de juger les institutions et les actes de l'autorité : mais ne suis-je pas homme? n'ai-je pas souffert des erreurs de nos gouvernemens et du vice de nos institutions? ne serai-je pas encore enveloppé dans les malheurs qui nous menacent? Je suis instruit par l'expérience du passé, je crains l'avenir; je le vois arriver couvert d'une teinte sombre ; je le montre à mes semblables, à mes compagnons d'infortune; je voudrais persuader aux rois et aux ministres de conjurer l'orage; voilà pourquoi j'écris.

§. I.

Causes des guerres qui ont désolé les peuples de l'Europe.

EN lisant l'histoire on trouve à chaque page des descriptions de guerres et de com

je n'ai pas l'intention de désigner nos lois, ni notre roi, ni nos institutions.

Nos lois sont l'ouvrage des trois pouvoirs législatifs. Notre roi a eu la générosité de nous donner une ordonnance royale qui nous tient lieu de constitution, qu'il a promis d'observer, et qui assure notre liberté. Si nous venions à la perdre, ce ne serait que par la faute de la chambre des pairs et de celle des députés des départemens. Ils ont la faculté de proposer les lois, de les amender, de les rejeter. Si ces lois venaient à nous ôter les concessions que le roi nous a faites, il faudrait que les pairs, le premier corps de l'Etat, descendissent de leur rang; il faudrait les membres de la chambre des députés que se laissassent corrompre par la cour et par les ministres, sans craindre de perdre l'estime publique et d'encourir l'indignation de leurs concitoyens.

Je suis loin de penser qu'il en arrive ainsi ; mais ce qui me paraît évident, c'est que le gouvernement marche dans un sens et l'opinion publique dans un autre. Qu'on fasse attention que l'autorité du gouvernement n'a

d'autre force que la volonté générale ; que le nombre des volontés particulières contraires à son autorité, sont autant de forces de moins; que quand les volontés sont partagées, l'Etat est menacé de troubles. Notre révolution a eu jusqu'ici beaucoup d'analogie avec la révolution anglaise. Nous avons eu un Cromwel, évitons d'avoir un roi Jacques. Si l'union fut toujours nécessaire, elle l'est plus que jamais, dans ce moment où l'Europe, discutant ses intérêts, peut se diviser: si la France doit choisir un parti, soyons réunis pour embrasser le même.

Je veux rechercher ici la cause des maux qui troublent quelques états de l'Europe; j'essaie de découvrir le remède et de l'indiquer à ceux qui peuvent l'appliquer. La matière que je traite me paraît intéresser tous les hommes, les rois autant que les peuples. Les progrès de l'esprit humain que la nature, irrésistible dans sa marche, a amenés, malgré tous les obstacles, la fatale expérience du passé, les craintes qu'inspire l'avenir nécessitent des changemens dans les lois et les gouvernemens. L'opinion qui gouverne le

monde les prépare depuis long-temps. Si les rois étaient aussi éclairés que les hommes instruits de leur siècle, ils éviteraient les secousses, et dirigeraient eux-mêmes la civilisation de leurs peuples. Ils le devraient par zéle pour leur conservation et leur intérêt, quand même ils n'y seraient pas excités par l'amour de l'humanité et de leur devoir; mais par une fatalité funeste, ils sont loin en arrière des lumières de leur siècle. Nés pour le trône, ils ont peu communiqué avec le reste des hommes ; leur éducation ne leur a donné que de fausses idées suggérées par des flatteurs ou des artisans du despotisme : la vérité ne peut parvenir jusqu'à eux; et, s'il arrive une révolution, la veille de la destruction de leur puissance, ils auront lu dans les journaux des éloges flatteurs, des adresses sollicitées ou commandées par leurs minisils auront entendu autour de leur palais les applaudissemens de quelques groupes soldés; ils auront vu prosternés à leurs pieds les lâches courtisans qui, dans quelques heures, doivent les abandonner pour chercher une nouvelle idole.

tres;

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