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et de feu renversèrent et dispersèrent les nouveaux fondements du temple (z). »

Pour esquiver la difficulté, l'incrédulité de nos jours s'y prend autrement que Julien et à moins de frais. Elle ne s'attaque pas à l'accomplissement de la prophétie, mais à la prophétie même, à sa date: elle a été écrite, bien certainement, dit-elle, après le siége de Jérusalem. La légende l'a prêtée à Jésus. Et quoique tout démontre que saint Luc, qui la rapporte (a), ait écrit son Evangile bien avant; cependant, de cela seul que ce serait un fait surnaturel et sans en demander davantage, saint Luc a nécessairement écrit après le siége de Jérusalem. Voilà le raisonnement de l'incrédulité (b). Mais si, in dépendaminent de saint Luc, et par des documents dont nos critiques ne contestent pas l'antériorité, on établit la prophétie, nous aurous enfin, de leur propre aveu, un prodige, un témoignage surnaturel bien avéré. Or, saint Matthieu et saint Marc, dont les critiques reconnaissent l'antériorité, rapportent précisement la même prophétie du Sauveur. Voyez-vous tout cela, dit Jésus à ceux qui lui faisaient remarquer la structure du Temple? En vérité, je vous le dis, il n'y sera pas laissé pierre sur pierre (c).

Ainsi, pas de doute possible sur cette prophétie, et voilà bien le surnaturel entré dans l'histoire (d)! Et puis, disons-le aussi: Que Jésus fasse entendre ces terribles prédictions, ou qu'il parle en père désolé des égarements de ses enfants, ille fait néanmoins toujours avec calme, avec douceur, et non avec ces accents sinistres d'un prétenda découragement que l'impiété voudrait lui prêter (e). On trouve partout, il est vrai, dans ses paroles, le ton d'une autorité solennelle, vigoureuse, et qui se sent sûre d'ellemême; on y admire avec une sorte de stupeur la pénétration, la netteté et la certitude de ses vues sur l'avenir; mais en inême temps la tendresse y déborde à flots plus larges et plus profonds que dans ses premiers discours.

Plus la situation du divin Sauveur devient critique, ajoute Mgr l'évêque de Nîmes (), plus les complots de ses ennemis deviennent

(z) Histoire de la décadence de l'empire romain, tom. IV, p. 399 à 401. Gibbon raconte avec détail toutes les circonstances de cet événement.

(a) Luc. xx1, 5.

(b) M. Renan affirme cela par quatre fois, et son émule, M. Havel, pour plus de sûreté, y ajoute son

sceau.

(c) Matth. xxiv, 1, 2; Marc. xii, 12.

(d) Du reste, M. Renan en convient. Oui, dit M. A. Nicolas, il convient, de l'antériorité de la prédiction, et il en convient, non-seulement sur le témoignage de saint Matthieu et de saint Marc, mais sur celui de saint Luc lui-même après l'avoir rejeté par quatre fois (Vie de Jésus, p. 339). Il est donc pris par lui-même, direz-vous? Oui..., et vous ne dévineriez jamais comment, après avoir nié la prophétie de Jésus sur le Temple contre toute preuve; après l'avoir avouée contre sa propre négation, il l'explique contre le caractère surnaturel de prodige qu'il lui a reconnu d'une manière si éclatante Plus clairvoyant que les incrédules et les fanatiques, dit-il, Jésus devinait que ces super

noirs et menaçants, plus le ciel du londemain paraît sombre, el plus aussi son front et sa parole s'illuminent d'amour et de mansuétude. N'est-ce pas à la veille de mourir et dans l'ineffable entretien de la dernière cène, qu'il signale et recommande aux siens la charité mutuelle comme un précepte nouveau, comme son précepte propre et spécial, comme le précepte qui, à ce titre, doit leur être le plus cher (g)? N'est-ce pas dans la même circonstance qu'il laisse échapper ce cri d'inexprimable tendresse: Non, je ne vous appellerai pas serviteurs, parce qu'un serviteur ignore ce que fait son mattre; mais je vous ai dejà nommés mes amis, parce que je vous ai communiqué tout ce que j'avais appris de mon Père (h)? C'est ainsi que plus cette âme adorable est broyée par l'angoisse, plus l'heure où le corps qu'elle anime doit être mis en pièces se précipite, plus on sent s'exhaler d'elle les parfums d'exquise sensibilité dont'elle contient le trésor; moins les hommes montrent de coeur pour lui, plus il en fait éclater pour eux ; et s'il est vrai que cette humble et muette victime qu'on mène à l'autel peut être nommée un géant, au lieu d'être le géant de l'austérité, ce sera le géant de la douceur et de l'a

mour.»>

Nous parlons de la dernière Cène! C'est là, ô Jésus! que vous avez mis le comble à votre ineffable tendresse pour les vôtres; c'est là que vous vous donnâtes tout entier à vos enfants pour les consoler, les soutenir, les transfigurer jusqu'à la consommation des siècles!... Et jusque dans ce mystère, dans cette merveille inouïe de votre amour, l'impiété, hélas! a osé venir poser ses désespérants sophismes et ses outrages!

Elle a essayé d'abord d'insinuer que notre divin Maître, en se présentant comme la vie du vrai fidèle, ne voit et ne suppose dans son être que corps, sang et ame. Mais qui ne sait que Jésus y place autre chose, c'est-àdire sa divinité? « Oui, sa divinité, quand il dit à plusieurs reprises qu'il sera le Pain descendu du ciel. Oui, sa divinité, quand il affirme qu'il est le principe nécessaire de la vie, et que quiconque ne mangera pas bes constructions étaient appelées à une courte du rée (Ibid., p. 211). Nous ne gâterons pas ce dernier trait en le commentant. Il se suffit à lui-même; et il achève, en ce qui touche les prophéties, la démonstration de la vérité de notre foi, par la déraison de l'impie. (M. A. Nicolas, la Divinité de Jésus-Christ, etc., p. 152, 153.)

(e) Renan cherche, en effet, à établir un' odieux contraste entre Jésus et Jésus, entre le moraliste des premiers jours et le moraliste des derniers temps, et veut que Notre-Seigneur ait été porté, par un

sentiment âpre et triste de dégoût pour le monde et d'abnégation outrée, à lancer les anathèmes contre le Temple, etc. Mgr Plantier détruit les allégations du libre penseur et montre très-bien que ce n'est là qu'un rêve aussi gratuit qu'il est sacrilége. Voy. La vraie Vie de Jésus, p. 190 el

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sa chair et ne boira pas son sang, n'aura pas la vie en soi. Oui, sa divinité, quand il assure que son corps et son sang peuvent donner et donneront la vie éternelle; c'est une prérogative qui évidemment ne peut appartenir qu'à un Dien. Oui, sa divinité, parce qu'il prédit qu'il ressuscitera luimême au dernier jour tous ceux qui se seront nourris de sa chair et de son sang. Un Dieu seul peut faire sortir l'homme du néant; un Dieu seul peut le faire renaître de la mort et de la tombe (i).

L'impiété veut ensuite prétendre que toutes les paroles de Jésus dans l'Institution de l'Eucharistie ne signifient que ceci : « Je suis votre nourriture (j). » Sans doute ces divines paroles reviennent à dire « Je suis votre nourriture. » Mais quand, à la dernière Cène, Notre-Seigneur montrant le pain, dit: Ceci est mon corps; quand, tenant le calice et le vin, il ajoute Ceci est mon sang; parlait-il au naturel, ou parlaitil au figuré? Voilà où est la vraie question. Or, nous disons, avec les Evangélistes et les dix-huit siècles chrétiens, que Jésus s'est exprimé sans métaphore, et qu'il faut prendre au pied de la lettre ses adorables pa

roles.

Et Jésus, lui-même, afin de bien nous convaincre qu'il ne s'agit pas d'éluder le texte, s'étudie en quelque sorte à nous emprisonner dans le sens littéral. « Lorsqu'après avoir béni et rompu le pain, il le présente aux siens : C'est là mon corps qui va être donné pour rous (k), le corps qu'il offre sous les apparences du pain est le même que celui qui doit être livré pour le salut du monde; et, selon l'expression rappelée par saint Paul, qui doit être rompu (1): Hoc est corpus meum quod pro vobis datur. Il y a identité, non pas dans le dehors, mais dans la substance. Eh bien! le corps qui devait être livré et rompu était bien un corps réel : c'était le véritable corps de Jésus; celui par lequel il frappait les yeux de ses apôtres au moment même où il leur parlait dans ce banquet pascal. Et puisque ce corps dont l'œil les considère et dont la voix leur parle, ne fait qu'un avec celui qu'il dit contenu sous les espèces du pain qu'il leur tend et dont il les invite à se nourrir, il est manifeste qu'ici son langage signifie exactement ce qu'il exprime (m). v

Il en est de même pour le calice et le vin qu'il renferme (n). Ceci est mon corps, dit Bossuet, c'est donc son corps; ceci est mon sang, c'est donc son sang (o). Pourquoi ne pas interpréter avec simplicité ce qui est si simple? Pourquoi expliquer avec tant de détours un texte si précis et si net? Pourquoi opposer tant de subtilités misérables à des paroles dont la signification naturelle se

(i) Mgr Plantier, La vraie Vie de Jésus, etc., p. 254.

(j) Vie de Jésus, par Renan, p. 30.

(k) Luc, xx11, 19.

(l) 1 Cor. xi, 24.

(m) Mgr Plantier, ut supra, p. 255. (n) Luc. xx11, 20.

présente avec une force si victorieuse? « S'il avait voulu donner un signe, une ressemblance toute pure, il saurait bien su le dire. Quand il a proposé des similitudes, il a bien su tourner son langage d'une manière à le faire entendre en sorte que personne n'en doutât jamais. Je suis la porte: celui qui entre par moi sera sauvé (p). Je suis la vigne, et vous les branches et comme la branche ne porte de fruit qu'attachée au cep, ainsi vous n'en pouvez porter, si vous ne demeurez en moi (q). Quand il fait des comparaisons, les Evangélistes ont bien su dire Jésus dit cette parabole; il fit cetle comparaison. Ici, sans rien préparer, sans rien tempérer, sans rien expliquer ni devant ni après, on nous dit tout court: Jésus dit: Ceci est mon corps; ceci est mon sang; mon corps donné, mon sang répandu (r). (r).» Ainsi parle encore Bossuet avec un bon sens souverain, et la conclusion, c'est qu'au lieu de se jeter pour déterminer la vraie signification des paroles eucharistiques dans un chemin détourné, il faut marcher sans façon dans la grande voie du sens naturel et littéral.

C'est ce que fait saint Paul. Après avoir rapporté les paroles de l'Institution, il ajoute des commentaires et des conseils où la doctrine de la Présence réelle éclate en traits de feu (s). Et remarquons que s'il s'exprime ainsi, c'est après avoir déclaré qu'il tient du Seigneur lui-même tout ce qu'il va dire du corps et du sang de Jésus-Christ : « Dès le commencement, les disciples qui avaient touché de plus près que saint Paul au grand fait de la dernière Cène et de l'inauguration de l'Eucharistie, ont eu la même foi. Même sans appartenir au collège des douze, ils croyaient à la réalité du Pain miraculeux, et quand après la résurrection du Sauveur ils le rencontrent et conversent avec lui sans le reconnaître d'abord, il suffit qu'il bénisse le pain devant eux, le rompe et le leur présente, pour que leurs yeux se dessillent et qu'ils retrouvent à l'instant même en Lui le Maître que la mort leur avait un moment arraché. C'est là pour eux le signe des signes, le prodige des prodiges. On le voit avec une évidence décisive dans la scène touchante des disciples d'Emmaüs (t). »

Telle est l'histoire vraie de l'Eucharistie du côté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Quant aux Apôtres, qui furent appelés à en perpétuer les bienfaits dans le monde, ils ne s'attribuèrent arbitrairement ni cette mission ni cet honneur. Après avoir le premier consacré le pain dans la dernière Cène, Jésus avait dit à ceux qui l'entouraient : Faites ceci en mémoire de moi. C'est ce que

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nous atteste saint Luc (u). Saint Pau, à propos du corps du Sauveur, répète et garantit la même parole (v). Passant ensuite à la consécration du vin, l'Apôtre cite la grande formule par laquelle elle fut accomplie par Jésus, et puis il met ces mots sur les lèvres du Sauveur: Faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous boirez à ce calice (x). Et encore: Toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur (y). Faites ceci c'est-à-dire, du pain mon corps. Faites ceci: c'est-à-dire, du vin mon sang (z). » On ne peut pas contester avec des paroles si simples. Il y a évidemment ici une puissance communiquée et une mission donnée : la puissance et la mission de continuer le prodige de l'Eucharistie. Faites, voilà l'ordre, voilà la mission; el ce mot: Faites, donne aux ministres de Dieu la puissance, par cela même qu'il impose le commandement. C'est une de ces paroles créatrices que le Verbe divin a si souvent prononcées.

a

Telle est la véritable origine du pouvoir de consécration et de sacrifice que s'attribue le sacerdoce catholique. L'incrédulité se ha sarde à l'expliquer autrement. D'après elle, les Apôtres auraient commencé par s'approprier au figuré le langage de Jésus; puis, l'imagination leur venant en aide, à force de se représenter Jésus tenant tour à tour le pain et le calice, ils auraient fini par se persuader qu'ils le mangeaient et le buvaient lui-même à l'antel: « Ce fut lui que l'on mangea et que l'on but; il devint la vraie Pâque, l'ancienne ayant été abrogée par son sang (a). Mais qui voudra croire que les Apôtres aient eu de pareilles hallucinations? Comme ils avaient pris à la lettre les paroles Eucharistiques prononcées par Jésus, ils ont pris aussi littéralement celles qui les investissaient du privilége de continuer, à travers les âges, le miracle et le sacrifice de la dernière Cène. Il en a été pour eux du pouvoir de consacrer comme du pouvoir d'absoudre. Dès l'origine, c'est de Jésus qu'ils ont prétendu le tenir; c'est en effet de lui qu'ils l'ont reçu comme toutes leurs prérogatives. Ils n'ont été conduits à se faire illusion sur ce point ni par de décevantes métaphores, ni par un rêve de leur esprit exalté. Jésus leur a parlé sans figure, ils l'ont eux-mêmes entendu sans préoccupations, et sur ce fait comme sur tous ceux de l'Evangile, leur témoignage n'est pas seulement celui de la sincérité, c'est celui de la vérité même (b). »

Et que nos modernes critiques ne disent point: « Jean, si préoccupé des idées Eucharistiques, qui raconte le dernier repas

(u) Luc. xxn, 19.

(v) I Cor. xi, 24. (x) Ibid. 25.

(y) Ibid. 26.

(a) Mgr Plantier, op. cit., p. 257, 258. (a) Vie de Jésus, par Renan, p. 305. (6) Mgr Plantier, op. cit., p. 259.

(c) Vie de Jésus, p. 387.

avec tant de prolixité, qui,y rattache tant de circonstances et de discours: Jean qui, seul parmi les narrateurs évangéliques, a ici la valeur d'un témoin oculaire, ne connaît pas ce récit. C'est la preuve qu'il ne regardait pas l'institution de l'Eucharistie comme une particularité de la Cène (c). » Il est faux que saint Jean ait seul ici la valeur d'un témoin oculaire; cette valeur appartient également à saint Matthieu qui était présent à la dernière Cène et qui, d'un autre côté, figure parmi les narrateurs évangéliques. Puis à quoi sert de faire observer que le silence de saint Jean, fût-il absolu, ne prouverait rien contre les récits positifs des Evangélistes appelés synoptiques par nos critiques? Enfin, comment ne pas rappeler que c'est dans saint Jean que se trouve le grand discours de la promesse, et que nulle part la doctrine Eucharistique n'est exposée plus nettement et plus admirablement, que dans cette page mémorable?

Ainsi l'Eucharistie, s'écrie avec éloquence le prélat que nous avons suivi dans cet exposé touchant le mystère adorable de nos autels, « ainsi l'Eucharistie, cette autre incarnation, cette image toujours palpitante du Calvaire, cette manne des faibles comme des forts, cet arbre de vie planté dans le jardin de l'Eglise à côté de l'arbre de mort, cette source d'eau rafraîchissante dans le désert, ce grand bouclier des âmes, cette gloire du prêtre, cette consolation du fidèle, ce banquet de famille pour tous, l'Eucharistie, l'Eucharistie notre trésor, notre passion, notre bonheur, notre espérance, l'Eucharistie reste debout sous les coups dont l'incrédulité avait voulu la frapper d'une main parricide. Ni le tabernacle ne s'est vu ravir son Hôte sacré, ni l'autel n'a perdu sa grande Victime, ni le monde coupable ne reste sans expiation. O Jésus! Jésus ! le sophisme a bien voulu vous arracher à vos temples comme à nos embrassements. Mais l'histoire et notre amour vous y retiendront éternellement vivant et captif pour la joie de ceux qui vous aiment (d), » et aussi, nous vous le demandons, o Sauveur, miséricordieux pour la conversion de ceux même qui blasphèment aujourd'hui, après avoir autrefois connu les douceurs de votre Table sacrée !..

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donne tout. Il fait passer en nous tout ce qu'il a, et sa vie-même. Lui-même a dit ceci de son amour: « Nul ne peut avoir plus d'amour que celui qui donne sa vie pour ceux qu'il aime. Vous êtes ceux que j'aime. Mais prenons-y garde et, oubliant le sens vieilli du mot amour, efforçons-nous d'en savoir la divine nouveauté, cette nouveauté que Jésus-Christ, par sa vie réelle et par son esprit subsistant, lui a donnée et lui maintient.

Amour, signifie acte d'âme, et non langueur de sentiment. Quand Jésus dit: J'agis incessamment (f), il parle surtout de son acte d'âme et du perpétuel élan et continuel mouvement de son cœur qui aime, et qui opère incessamment pour guérir, éclairer, inoculer la foi, l'activité, l'ardent amour de la vie éternelle. La description de l'œuvre essentielle de l'amour se trouve en trails de feu dans Isaïe: Quand vous aurez versé votre âme dans une ame affaissée... pour lui rendre la vie, votre lumière alors jaillira comme l'aurore et sera le jour qui éclaire (g).

Telle fut l'œuvre de Jésus-Christ : donner sa vie, maintenant et à l'heure de la mort; donner actuellement sa vie, son âme, son cœur, son esprit et son souffle, et son contact, et la vertu de sa vie physique, pour guérir, pour nourrir et régénérer, pour inoculer la sagesse, la force, la vie divine, l'immortalité.

Mystère trop peu connu les hommes doivent se donner la vie les uns aux autres, et se maintenir dans la vie, et s'y maintenir toujours, et s'immortaliser en Dieu par la communion de la vie. Dans la force de Dieu, ils se sont multipliés sur la terre, par la forme première de l'amour; et, par la plus haute forme de l'amour, dans la force de Dieu, ils se maintiendront immortels, et c'est cette forme de l'amour qu'apporte Jésus-Christ pour donner la vie éternelle.

Pour comprendre l'amour du Christ, son état d'âme et son acte d'âme, il faut toujours et avant tout, vous représenter qu'il est homine comme vous. Puis concevez, autant que vous le pourrez aujourd'hui, que vous soyez en Lui, et Lui en vous : c'est ce qu'il vous demande, puis alors, avec Lui, jetez les yeux sur tout le globe. Là regardez les hommes, regardez bien.

Voyez d'abord de loin la masse confuse, les pâles multitudes effarées. Voyez toutes les nations et tous les temps. Voyez ces foules humaines couchées par terre, foulées

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aux pieds comme des brebis dispersées, sans pasteur qui les dirige et les nourrisse. Et tâchez alors de comprendre ce que veut dire miséricorde et miséricorde de Dieu: pitié du cœur de Dieu, versée dans votre cœur, avec l'Esprit-Saint et le suave conseil de Jésus-Christ, qui demande votre vie entière pour nourrir et vivifier ces foules. Puis approchez et voyez-le, dit-il à ces foules; contemplez la figure des hommes, et plongez vos regards dans leurs yeux ! Là quelles douleurs! quelles tristesses, quels abaissements et quelles mutilations! et aussi quelles ressources! quelles noblesses! quels enthousiasmes et quelles beautés ! Voyez alors si votre cœur n'éclate pas en amour avec celui du Christ, et si vous pouvez ne pas dire « Je suis à vous, Jésus-Christ, mon Maître, pour vous aider à sauver le monde Je suis venu pour sauver le monde (h)! Je suis venu pour qu'ils aient la vie, et pour qu'ils l'aient de plus en plus abondamment (i). »

Au fond, le but de l'univers, la volonté de Dieu, la vraie religion, le vrai bonheur est ceci même, savoir que les êtres raisonnables et libres s'aiment entre eux, et parviennent à n'avoir qu'un cœur, qu'une âme, et une même vie. Pensons y : cela même est la béatitude, et la vie éternelle, et l'immortalité. Oui, tendre sans cesse, arriver à n'avoir comme étaient les premiers chrétiens qui nous ont ainsi donné le mérite de rivaliser ici-bas (j), arriver à n'avoir qu'un cœur, qu'une âme et une même vie, tel est le souverain but vers lequel doit tendre l'humanité... Croyez-vous donc qu'en cette béatitude, unis entre eux et avee Dieu, les hommes, qui voudront d'une vraie et sainte volonté réaliser ce but, ne sauront pas se maintenir, l'un par l'autre, dans la vie croissante, et daus la possession, l'adoration et la contemplation croissante et l'infini d'amour, de science et de beauté?

Une chose désolante et touchante en même temps, c'est de voir que les efforts désespérés de l'incrédulité, et les derniers excès de la radicale négation, aujourd'hui, se retournent à chaque instant, avec la plus étrange facilité, vers le désir, la recherche, l'affirmation de ce bienheureux idéal, qui est celui de Jésus-Christ. Nous lisons, dans les pages mêmes des ennemis du Christ, nous lisons que le progrès indéfini des choses amènera peut-être un jour parmi les hornmes, fnon seulement la science infinie, mais encore la puissance inflnie, le règne

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(k) M. l'abbé Crelier, dans son Examen critique de la Vie de Jésus, de Renan, 2e édit. chap. 9, fait Texposé de ces désolantes doctrines de l'éternel devenir qui se résument dans quelques noms, Hegel, Littré, Renan, etc.; ce que dit ici le P. Gratry en est une belle réfutation.

(Hebr. x1, 1: Est autem fides sperandarum substantia rerum.

() Voir la dessus le Mém. Cath., entre quantité d'endroits, le vol. de 1864, tom. XX, p. 87 et suiv.; p. 292, et suiv. articles de M. l'abbé Sainte-Croix.

(0) Et vous n'avez pas le droit, non plus, de prendre isolément tous les textes relatifs au royaume de Dieu et, loin de les rapprocher, de les dislinguer, pour prétendre, comme l'a fait Renan (p. 271), nous faire voir comme autant de variations dans la pensée de Notre-Seigneur sur ce point capital. On trouvera contre ce procédé de bonnes observations dans M. H. Wallon, La Vie de Jésus et son nouvel historien, 2e édit. p. 163, 164. (p) Luc. xvII, 21.

() Matth. vi, 10; Luc. x1, 2.-Oui, le règne de heu, et le Règne de Dieu sur la terre comme au ciel, voilà notre espérance, fondée sur ce texte de saint Pierre: novos vero cælos, et NOVAM TERRAM

l'amour, les espérances de la consommation, et les institutions certaines du Christ, et l'indéfectible foi des Chrétiens, sur le point dont il s'agit ici, la venue du règne de Dieu.

Le royaume de Dieu est dès à présent au milieu de vous (p), a dit Jésus-Christ, et il se développe comme un germe, le plus petit des germes, mais qui sera le plus grand des arbres (g). Comment en serait-il autrement, si le règne de Dieu doit venir? et il viendra, puisque Jésus-Christ nous a appris à le demander incessamment: Adveniat regnum tuum. Fiat voluntas tua, sicut in cœlo et in terra (r). Comment donc ne serait-il pas un germe, puisque nous en parlons et l'appelons, et le voulons ?... Le champ, c'est le monde ! Celui qui sème, c'est le Fils de l'homme. Comment n'apercevez-vous pas en Jésus-Christ les commencements de cette science infinie, et de cette puissance infinie, et de cet amour infini qui entreprend de consommer les hommes dans l'unité, et pour les nourrir du breuvage et de l'aliment qui les établir à la table du Père de famille, de produit l'immortalité ?...

puissance infinie, et d'amour infini, menant Ces claires lueurs de science infinie, de à l'immortalité, sont précisément manifestes dans la fin des quatre Evangiles, en la secours qui ont plus particulièrement le caconde moitié de saint Jean, dans ces disractère du Testament. Ici se résume toute la science de notre divin Maître, toute sa force, et tout son amour, toute son âme, et si on peut le dire, tout son corps. Ici Lui tout entier. Regardez et voyez! tout cela dans une idée simple qui est son Testament et son héritage: « Je vous donne, 6 mes bien-aimés, mon esprit et mon corps; soyez en moi, et moi en vous (s). Quiconque se nourrira de moi, ne mourra pas (1). Mon Père et moi viendrons à lui et nous ferons en lui

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