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AVANT-PROPOS.

A une époque où d'ignobles trames, ourdies et conduites avec toute la persévérance que le génie du mal peut apporter à ses œuvres, étaient sur le point de ravir à la France les institutions qu'elle a conquises par tant de sacrifices, la chambre des pairs, fidèle à son mandat, a seule opposé une barrière aux envahissements de la barbarie qui déjà s'applaudissait de son triomphe. Dernier refuge de l'honneur et des libertés de la patrie, elle a su mériter sa reconnaissance, en repoussant des lois qui tendaient à la faire déchoir et à l'avilir aux yeux des nations, en montrant aux autres pouvoirs, par son attitude, et leur devoir et l'imminence du danger. La France doit avoir intérêt à connaître ceux à qui elle est redevable d'un pareil bienfait. Bien que les délibérations de la chambre haute ne soient

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point publiques, le voile léger qui les couvre permet cependant de reconnaître les opinions des membres qui la composent, et qui d'ailleurs, pour la plupart, peuvent être aisément appréciés par leurs antécédents. Telle est la tâche que nous nous sommes proposée. Réunir quelques aperçus, quelques faits historiques sur chacun des nobles personnages qui forment le premier corps de l'État, nous a paru une entreprise qui n'a point été tentée encore. La plupart se retrouvent, il est vrai, dans les diverses biographies qui ont paru jusqu'à ce jour; mais ces ouvrages, trop volumineux par l'étendue du cadre qu'ils embrassent, ne sont à la portée que d'un petit nombre de lecteurs, et quelques-uns portant la teinte des passions inséparables des temps de crise et de transition où ils furent composés, sont loin d'offrir l'impartialité, premier mérite de pareils écrits.

Nous n'avons rien négligé pour éviter de mériter un semblable reproche. On ne doit point oublier cependant le court intervalle de temps écoulé depuis les événements qui

décidèrent des destinées de la France et de l'avenir de la génération qui y prit part, ou en fut témoin. Ne serait-ce pas dans ce cas trop exiger de l'écrivain que de lui deinander une abnégation de sentiments personnels, une impartialité de principes qu'on peut supposer à peine à l'historien totalement étranger aux événements qu'il retrace? Mais si la teinte d'une opinion, qui du reste est celle de la France entière, domine dans nos récits, on ne s'apercevra pas, nous aimons à le croire, qu'elle ait influé sur la justice rendue aux nobles personnages qui en furent l'objet, quels qu'aient été les drapeaux qu'ils ont suivis.

Le désir de nous procurer des renseignements certains et de connaître les sources où nous devions les puiser, nous a engagés à nous adresser directement à la plupart des membres de la chambre haute. Quelquesuns ont bien voulu mettre dans leur réponse une obligeance dont nous leur avons déjà témoigné notre gratitude que nous nous plaisons à consigner ici. D'autres n'ont pas jugé devoir répondre, et nous n'en avons pas mis

moins de zèle à la recherche des documents qui les concernent. Si malgré nos efforts à cet égard quelques inexactitudes ont pu nous échapper, on sent assez que nous n'aurons aucun reproche à nous faire. Nous avons dû nous abstenir, du reste, d'écrire à tous les nobles pairs; la célébrité qui accompagne certains noms est trop grande pour qu'on puisse en ignorer l'origine. Envers d'autres, c'eût été prendre un engagement que nous ne voulions point contracter. Les erreurs de faits, s'il en existe, sont absolument indépendantes de notre volonté et de notre bonne foi; nous nous ferons un devoir de les reconnaître et de les réparer aussitôt qu'elles nous auront été démontrées.

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