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PRÉFACE.

Quand le Code civil fut présenté au Corps-Législatif pour devenir le code des lois de la France, l'orateur du gouvernement s'exprima ainsi :

«Est-il donc vrai que nous soyons parvenus à une époque vainement attendue pendant plusieurs siècles, où il soit permis aux législateurs du plus bel empire de dire: «Français, le code de vos lois civiles est complet? »

Rien n'était plus utile, en effet, que cette révision.

On sait que ce qui était permis dans une partie de la France était réprouvé dans l'autre. Les règles sur les personnes et sur la propriété ne se ressemblaient pas dans les deux provinces limitrophes; souvent elles différaient dans la même province, dans le même canton (4).

(1). Cette situation tenait à plusieurs causes. L'incorporation des provinces n'avait eu lieu que successivement; des capitulutions avaient réservé des lois locales: on comptait soixante coutumes qui, chacune régissait une province entière, et trois cents coutumes qui n'étaient observées que dans une seule ville, bourg ou village. Les cours de justice maintenaient par le choix de leurs opinions la souveraineté distincte et séparée.

ne SÉRIE. T. VIL

a

En 1804, un corps de doctrine fut donc organisé en jurisprudence, et l'on put faire alors ce que César et Auguste avaient tenté inutilement à Rome, où l'on avait des lois royales, la loi des douze tables, les édits des préteurs, l'édit perpétuel, les codes papyrien, grégorien, hermogénien, théodosien.

:

Si la France a un corps de lois civiles, elle n'a pas un corps de lois politiques. Elle a des constitutions et des chartes adaptées à vingt régimes différents; elle n'a pas encore proclamé sa constitution.

C'est ce que la nation française doit chercher à faire aujourd'hui, et, disons-le, c'est la seule chose qui lui manque, parce qu'une politique, fixe dans ses bases, peut seule réunir les esprits et donner à la France toute sa grandeur. Il ne manque à la France que cette unité pour reprendre sa grande place au soleil.

La nation offre toujours ces mêmes caractères peints dans fa loi salique Gens Francorum inclyta, auctore Deo condita, fortis in armis, profunda que in consilio, firma in pacis foedere, corpored nobilis in columná, candore et formá egregia, audax, velox et aspera, ad fidem catholicum nuper conversa, juxtâ morum suarum desiderans justitiam.

Ce qui fait que la nation française n'est pas complètement elle-même, c'est la division des esprits, et cette division vient de ce que la constitution est comprise diversement.

Il faut espérer que le travail qui s'opère en ce moment ramènera tous les esprits au même point.

La France n'est ni anglaise, ni américaine, ni grecque, ni romaine; elle a ses conditions d'être, il n'y a de constitution, de forme de gouvernement possible pour elle que celle qui fera reparaître son unité.

Cette forme de gouvernement sera la vraie République, car on ne pourrait appeler ainsi ce qui manifeste les divisions, ce qui donne un droit égal à tous les partis de soutenir leurs opinions même par le recours aux armes. C'est là un état violent, transitoire, dont il faut sortir par une constitution qui concilie tous les partis cette constitution est le problème de l'époque..

Il n'est pas au pouvoir des hommes d'isoler au milieu des temps une nation de quatorze cents ans d'existence. Avant 1848, 1830 et 184 4, il y avait une France, il y avait des lois sociales, des principes d'ordre et de liberté; ce sont ces lois, ces principes d'ordre, ces maximes de liberté conservés dans les traditions, dans les mœurs, dans les écrits de nos jurisconsultes et de nos publicistes, qui ont fait tous les progrès de la civilisation française, et qui ont constamment prévalu contre les efforts des gouvernements absolus, des pouvoirs ministériels et des factions anarchiques. Ces principes de la constitution française ont produit tout ce qu'il y a eu de libéral et de généreux dans les institutions à toutes les époques; tous les pouvoirs qui se sont succédés en France, depuis un demi-siècle ont dû la force qui les a soutenus à leur plus ou moins de proximité de ces principes fondamentaux; ils ont péri par les points où ils s'en éloignaient le plus.

au roi, mais à tous les autres membres de la monarchie; nous avons donc droit de nous opposer à un engagement contraire anx lois et destructif de toute liberté. » François Ier pria l'assemblée, à cause de la nécessité où il s'était trouvé, de le mettre à portée d'accomplir son serment. « Ce serment, répartirent les Bourguignons, est nul, puisqu'il est contraire à un premier serment que vous prêtâtes à la nation en recevant l'onction saérée, puisqu'il est contraire aux libertés de votre peuple et aux lois fondamentales de la monarchie, puisqu'il a été fait par un prisonnier et arraché par la violence. » La nation offrit de l'argent à Charles-Quint, et la Bourgogne resta à la France.

Si Louis XVIII eût fait comme François Ier; s'il eût assemblé les Etats-Généraux, il n'aurait pas livré aux étrangers Landau, Sarrelouis, Philippeville et les remparts d'Huningue.

Il est également conforme à la constitution française que l'impôt ne puisse être levé que du consentement d'une assemblée représentant les contribuables.

L'élévation de M. le duc d'Orléans à la tête du gouvernement n'était pas non plus un acté entièrement de bon plaisir de la révolution, et sans liaison avec la constitution de la France; car c'est cette constitution qui avait donné aux membres de cette famille le nom d'une de nos grandes cités, et attaché à cette maison un riche apanage; ici encore la révolution subissait malgré elle l'empire des faits antérieurs. On ne peut avoir oublié que le premier titre donné par les députés à

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