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L'Église de France successivement dépouillée; ses pasteurs livrés à la haine et à la calomnie, proscrits, persécutés, saisis, égorgés, ou chassés de leurs foyers et de leur patrie; le christianisme détruit, ses autels renversés, ses temples dévastés, profanés, vendus à l'encan, en partie démolis; la propriété attaquée, envahie, confisquée; les liens sociaux dissous, les mœurs perverties; l'erreur, l'imposture, le vol, le brigandage et la rébellion mis en honneur ; la royauté abolie, l'autorité abaissée et méprisée; une horrible tyrannie substituée à l'autorité du plus paternel des rois : tel est l'objet de ce livre, dont une grande partie, malgré tant d'ouvrages publiés, est encore inconnue.

Ces faits, si importants pour l'histoire ecclésiastique, avaient excité l'attention d'un illustre pontife, Pie VI, qui s'est trouvé mêlé dans la lutte, et qui, par les décrets impénétrables de la Providence, en est devenu victime, comme le clergé français. Il avait nommé une commission chargée de recueillir tous les documents relatifs à l'histoire de cette époque. Son but était de faire connaître à tout l'univers catholique le beau

spectacle qu'offrait alors le clergé de France par son inébranlable fidélité à l'Église ; mais cette commission, qui eut pour président le savant cardinal Gerdil et pour secrétaire un prêtre français, l'abbé d'Auribeau, vicaire général de Digne, n'est point parvenue, malgré ses soins, à la connaissance de tous les monuments historiques. Son recueil, publié par ordre du ordre du pape, est resté incomplet et même inachevé. Nous avons cherché à le compléter, et, suivant le plan du pontife, nous avons embrassé l'histoire de la chute du trône et de l'autel. Pour cet effet, nous sommes remonté à la source, et nous avons exposé les doctrines des philosophes et les luttes parlementaires; car la révolution irréligieuse, préparée par la philosophie, s'est consommée à la tribune des orateurs. C'est de là que sont partis les dénonciations calomnieuses contre le clergé, les discours impies, les décrets iniques, les mesures odieuses de proscription, qui se sont traduits dans la rue par des scènes sanglantes et hideuses que notre plume aurait hésité à décrire, si, à côté de cette profonde dépravation ou de cette cruelle barbarie, nous n'avions pas eu lieu d'admirer la fidélité des confesseurs de la foi et la constance des martyrs, qui, selon les paroles de Pie VII, ont élevé l'Église gallicane à ce degré éminent qu'elle occupait dans les anciens temps.

Le lecteur trouvera donc dans cet ouvrage,

et surtout dans le premier volume, beaucoup de discours, de rapports et de discussions. Nous savons qu'ils coupent le fil de la narration; mais il est impossible de comprendre les faits, d'avoir une idée nette de la persécution que nous avons à décrire, sans prendre connaissance de ce qui s'est dit et fait à la tribune. C'est au reste la méthode de tous les historiens de la révolution française. Nous avons été forcé de la suivre pour les affaires ecclésiastiques; autrement notre histoire eût été mutilée, incomplète, et souvent inintelligible.

Celui qui voudra étudier l'histoire avec quelque profondeur ne lira pas sans intérêt ces graves et solennels débats, où il s'agissait, non de la discussion de telle ou telle loi, mais du sort de la religion, de l'existence de ses ministres, du salut de la monarchie et de toute la France. Les efforts héroïques qu'ont faits, dans ces circonstances, les membres éminents du clergé et d'honnêtes laïques, font partie de l'histoire ecclésiastique, et ne méritent pas de rester

dans l'oubli. Nous avons donné un résumé exact de leurs discours, en mettant en regard le langage impie et violent de leurs adversaires.

Nous nous sommes attaché surtout à la question du pouvoir, question aussi religieuse que politique, et qui, embrouillée par les philosophes, a été si mal comprise par nos corps législatifs. Le pouvoir tient au cœur de la société; son

affaiblissement graduel, conséquence de la philosophie irréligieuse, est, depuis soixante ans, une des causes principales de nos troubles. Plus la religion s'affaiblit chez un peuple, plus le pouvoir a besoin de vigueur et de force. Nos premières assemblées ont agi en sens inverse; elles ont désarmé et enchaîné le pouvoir, dans le même temps qu'elles détruisaient l'empire de la religion. L'édifice social n'ayant plus de bases devait s'écrouler. Nos récentes assemblées n'ont guère été plus sages : à force de restreindre le pouvoir et de le livrer à la fureur des partis, elles l'ont anéanti, et deux monarchies ont été renversées. De nouvelles assemblées, suivant le même système, allaient nous amener de nouvelles révolutions, sans un coup providentiel qui est venu leur opposer une digue. Si l'on veut rendre à la France son repos et sa prospérité, il faut placer le pouvoir dans son état normal, le mettre au-dessus de l'atteinte des assemblées législatives et de la presse, de manière qu'il ne puisse être attaqué ni directement ni indirectement par elles; ensuite lui faire un rempart dans le cœur et la conscience des peuples, par la puissance de la religion et la sagesse du gouvernement. C'est une œuvre qui demande une main ferme et vigoureuse, et qui couvrira de gloire celui qui saura l'accomplir.

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