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ART. 6. La Belgique, dans ses limites telles qu'elles seront tracées conformément à ces mêmes principes, formera un État perpétuellement neutre : les cinq puissances lui garantissent cette neutralité perpétuelle, ainsi que l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire dans les limites mentionnées ci-dessus.

ART. 7. Par une juste réciprocité, la Belgique sera tenue d'observer cette même neutralité envers tous les autres États, et de ne porter aucune atteinte à leur tranquillité intérieure ni extérieure.

ART. 8. Le port d'Anvers, conformément à l'art. 15 du traité de Paris, du 50 mai 1814, continuera d'être uniquement un port de commerce.

ART. 9. Quand les arrangements relatifs à la Belgique seront terminés, les cinq cours se réservent d'examiner, sans préjudice du droit des tiers, la question de savoir, s'il y aurait moyen d'étendre aux pays voisins le bienfait de la neutralité garantie à la Belgique.

II. Arrangements proposés pour le partage des dettes, et avantages de commerce qui en seraient les conséquences.

ART. 10. Les dettes du royaume des Pays-Bas, telles qu'elles existent à charge du trésor royal, savoir: 1o la dette active à intérêt ; 2o la dette différée; 3° les différentes obligations du syndicat d'amortissement; 4o les rentes remboursables sur les domaines ayant hypothèques spéciales, seront réparties entre la Hollande et la Belgique, d'après la moyenne proportionnelle des contributions directes, indirectes et des accises du royaume, acquittées par chacun des deux pays pendant les années 1827, 28 et 29.

ART. 11. La moyenne proportionnelle dont il s'agit, faisant tomber approximativement sur la Hollande 15/31 et sur la Belgique 16/31 des dettes ci-dessus mentionnées, il est entendu que la Belgique restera chargée d'un service d'intérêts correspondant.

ART. 12. En considération de ce partage des dettes du royaume des PaysBas, les habitants de la Belgique jouiront de la navigation et du commerce aux colonies appartenant à la Hollande, sur le même pied, avec les mêmes droits et les mêmes avantages que les habitants de la Hollande.

ART. 13. Les ouvrages d'utilité publique ou particulière, tels que canaux, routes et autres de semblable nature, construits en tout ou en partie aux frais du royaume des Pays-Bas, appartiendront, avec les avantages et les charges qui y sont attachés, au pays où ils sont situés. Il reste entendu que les capitaux empruntés pour la construction de ces ouvrages, et qui y sont spécialement affectés, seront compris dans lesdites charges, pour autant qu'ils ne sont pas encore remboursés, et sans que les remboursements déjà effectués puissent donner lieu à liquidation.

ART. 14. Les séquestres mis en Belgique, pendant les troubles, sur les biens et domaines patrimoniaux de la maison d'Orange-Nassau, ou autres

quelconques, seront levés sans nul retard, et la jouissance des biens et domaines susdits sera immédiatement rendue aux légitimes propriétaires.

ART. 15. La Belgique, du chef du partage des dettes du royaume des Pays-Bas, ne sera grevée d'autres charges que celles qui se trouvent indiquées dans les articles 10, 11 et 13 qui précèdent.

ART. 16. La liquidation des charges indiquées dans lesdits articles, aura lieu d'après les principes que ces mêmes articles consacrent, moyennant une réunion de commissaires hollandais et belges qui s'assembleront, dans le plus bref délai possible, à La Haye, tous les documents et titres requis pour une telle liquidation se trouvant dans ladite ville.

ART. 17. Jusqu'à ce que les travaux de ces commissaires soient achevés, la Belgique sera tenue de fournir provisoirement, et sauf liquidation, sa quote-part au service des dettes du royaume des Pays-Bas, d'après le prorata qui résulte des articles 10 et 11.

ART. 18. Si, dans les travaux des commissaires liquidateurs, et en général dans l'application des dispositions sur le partage des dettes, il s'élevait des dissentiments qui ne pussent être conciliés à l'amiable, les cinq cours interposeraient leur médiation, à l'effet d'ajuster les différends de la manière la plus conforme à ces mêmes dispositions.

Ces propositions n'étaient pas de nature à satisfaire le congrès de Belgique, qui protesta contre le protocole du 20 janvier (articles 1 à 6 de la pièce précédente), ni le comité diplomatique, qui restitua au commissaire anglais le protocole du 27 janvier et son annexe. Mais le cabinet de La Haye, auquel de tels arrangements devaient convenir, ne tarda pas à y donner une pleine et entière adhésion (Protocole n° 18).

La proposition de l'élection du prince Léopold de Saxe-Cobourg au trône de la Belgique fut soumise au congrès le 25 mai. Cette élection était vivement désirée par la conférence, qui, commençant à s'inquiéter de la situation des choses, crut devoir faire quelques concessions, offrit même d'appuyer la Belgique pour l'acquisition, à titre onéreux, du grand-duché, et chercha à aplanir les difficultés qui pouvaient entraver l'acceptation du prince (Protocole no 24).

Le congrès autorisa le gouvernement à ouvrir des négociations pour terminer toutes les contestations territoriales au moyen de sacrifices pécuniaires, et proclama le prince Léopold roi des Belges.

De nouvelles négociations furent entamées. La question luxembourgeoise étant distincte de la question belge-hollandaise, on

proposa d'en ajourner la solution jusqu'après l'avénement du roi. Quant au Limbourg, on chercha à le conserver par l'échange, rendu facultatif, d'enclaves comprises dans le territoire hollandais, mais qui n'appartenaient pas à la Hollande en 1790. On essaya enfin de substituer au principe de la confusion des dettes et de leur partage proportionnel, celui du partage d'après leur origine.

De ces négociations sortirent les 18 articles proposés par la conférence et destinés à former les préliminaires d'un traité de paix entre la Belgique et la Hollande. Le prince Léopold déclara ne pouvoir accepter la couronne qu'après l'adoption des 18 articles par le congrès; cette assemblée les adopta le 9 juillet. Voici le texte de ce projet de traité :

PRÉLIMINAIRES DU TRAITÉ DE PAIX ENTRE LA BELGIQUE ET LA HOLLANDE,

DIT

TRAITÉ DES 18 ARTICLES.

ARTICLE PREMIER. Les limites de la Hollande comprendront tous les territoires, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies des Pays-Bas, en l'année 1790.

ART. 2. La Belgique sera formée de tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas, dans les traités de 1815. ART. 3. Les cinq puissances emploieront leurs bons offices pour que le statu quo dans le grand-duché de Luxembourg soit maintenu pendant le cours de la négociation séparée que le souverain de la Belgique ouvrira, avec le roi des Pays-Bas et avec la confédération germanique, au sujet dudit grand-duché, négociation distincte de la question des limites entre la Hollande et la Belgique.

Il est entendu que la forteresse de Luxembourg conservera les libres communications avec l'Allemagne.

ART. 4. S'il est constaté que la république des Provinces-Unies des PaysBas n'exerçait pas exclusivement la souveraineté dans la ville de Maestricht en 1790, il sera avisé, par les deux parties, aux moyens de s'entendre à cet égard sur un arrangement convenable.

ART. 5. Comme il résulterait des bases posées dans les articles 1 et 2 que la Hollande et la Belgique posséderaient des enclaves sur leurs territoires

1 D'après les bases du 20 janvier, l'échange devait être effectué par les soins des cinq puissances; on proposait ici de laisser ce soin aux deux parties contendantes.

respectifs, il sera fait à l'amiable, entre la Hollande et la Belgique, les échanges qui pourraient être jugés d'une convenance réciproque.

ART. 6. L'évacuation réciproque des territoires, villes et places, aura lieu indépendamment des arrangements relatifs aux échanges.

ART. 7. Il est entendu que les dispositions des articles 108 jusqu'à 117 inclusivement de l'acte général du congrès de Vienne, relatives à la libre navigation des fleuves et rivières navigables, seront appliquées aux fleuves et aux rivières qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge. La mise à exécution de ces dispositions sera réglée dans le plus bref délai possible.

La participation de la Belgique à la navigation du Rhin, par les eaux intérieures entre ce fleuve et l'Escaut, formera l'objet d'une négociation séparée entre les parties intéressées, à laquelle les cinq puissances prêteront leurs bons offices.

L'usage des canaux de Gand à Terneuse et de Zuid-Willemsvaart, construits pendant l'existence du royaume des Pays-Bas, sera commun aux habitants des deux pays. Il sera arrêté un règlement sur cet objet.

L'écoulement des eaux des Flandres sera réglé de la manière la plus convenable, afin de prévenir les inondations.

ART. 8. En exécution des art. 1 et 2 qui précèdent, des commissaires démarcateurs hollandais et belges se réuniront, dans le plus bref délai possible, en la ville de Maestricht, et procéderont à la démarcation des limites qui doivent séparer la Hollande et la Belgique, conformément aux principes établis à cet effet dans les art. 1 et 2.

Ces mêmes commissaires s'occuperont des échanges à faire, par les pouvoirs compétents des deux pays, par suite de l'art. 5.

ART. 9. La Belgique, dans ses limites telles qu'elles seront tracées conformément aux principes posés dans les présents préliminaires, formera un État perpétuellement neutre. Les cinq puissances, sans vouloir s'immiscer dans le régime intérieur de la Belgique, lui garantissent cette neutralité perpétuelle, ainsi que l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire, dans les limites mentionnées au présent article.

ART. 10. Par une juste réciprocité, la Belgique sera tenue d'observer cette même neutralité envers tous les autres États, et de ne porter aucune atteinte à leur tranquillité intérieure ni extérieure, en conservant toujours le droit de se défendre contre toute agression étrangère.

ART. 11. Le port d'Anvers, conformément à l'art. 15 du traité de Paris du 30 mai 1814, continuera d'être uniquement un port de commerce.

ART. 12. Le partage des dettes aura lieu de manière à faire retomber sur chacun des deux pays la totalité des dettes qui originairement pesait, avant

la réunion, sur les divers territoires dont ils se composent, et à diviser dans une juste proportion celles qui ont été contractées en commun.

ART. 15. Des commissaires liquidateurs, nommés de part et d'autre, se réuniront immédiatement. Le premier objet de leur réunion sera de fixer la quote-part que la Belgique aura à payer, provisoirement et sauf liquidation, pour le service d'une portion des intérêts des dettes mentionnées dans l'article précédent.

ART. 14. Les prisonniers de guerre seront renvoyés, de part et d'autre, quinze jours après l'adoption de ces articles.

ART. 15. Les séquestres mis sur les biens particuliers dans les deux pays seront immédiatement levés.

ART. 16. Aucun habitant des villes, places et territoires réciproquement évacués, ne sera recherché ni inquiété pour sa conduite politique passée. ART. 17. Les cinq puissances se réservent de prêter leurs bons offices, lorsqu'ils seront réclamés par les parties intéressées.

ART. 18. Ces articles réciproquement adoptés seront convertis en traité définitif.

Dès que l'adoption des 18 articles fut notifiée à la conférence, le prince Léopold, se rendant aux vœux de sa nouvelle patrie, partit pour Bruxelles, où il fut inauguré roi le 21 juillet 1831.

La Hollande rejeta les préliminaires de paix. Néanmoins la conférence réclama des deux parties l'envoi de plénipotentiaires munis de pouvoirs pour conclure le traité définitif.

Peu de jours après, l'armée hollandaise, qui était concentrée sur la frontière, reçut l'ordre de marcher en avant et reprit subitement les hostilités sans dénonciation préalable de la suspension d'armes. Surprises par cette attaque imprévue, les troupes belges, repoussées de leurs cantonnements, éprouvèrent un échec qui détermina leur retraite de Louvain. Les Hollandais avançaient en force sur la capitale, mais l'arrivée de l'armée française, commandée par le maréchal Gérard, les contraignit à rétrograder et à rentrer dans leurs limites.

Cet échec fut funeste à la Belgique. De nouvelles négociations étant ouvertes et les propositions des deux parties ne laissant aucun espoir de conciliation, la conférence trancha hardiment les difficultés par un arbitrage forcé et rédigea le traité dit des 24 articles qui stipulaient des arrangements définitifs. Ce traité, dont voici la teneur, fut communiqué aux chambres belges qui, après une longue et pénible discussion en comité secret, adoptèrent le projet de loi autorisant le roi à y donner

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