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letier, acceptée par ce dernier, plus du montant des frais pouvant résulter de cette saisie-arrêt; Attendu que le sieur Pelletier, à qui nous avons présenté la traite, formant le titre du demandeur, a reconnu parfaitement avoir accepté cette valeur, reconnaît devoir cette somme, mais dit ne pouvoir se libérer vis-à-vis du demandeur; Attendu que MM. Saint frères, tiers saisis, sont représentés à l'audience par le sieur Risler, directeur de leur filature à Gamaches, leur mandataire régulier qui, dans la déclaration affirmative qu'il a faite à la barre, entre nos mains, déclare qu'il n'a pu faire aucune retenue sur les salaires du sieur Pelletier, débiteur, qui n'était pas alors ouvrier à la filature de MM. Saint frères qu'il dirige, que c'est donc à tort qu'une saisie-arrêt a été opérée entre les mains de ces derniers; Attendu que le mandataire du demandeur prétend que la saisie-arrêt formée par son mandant est régulière, bonne et valable, que si les tiers saisis allèguent qu'ils n'occupent pas ou qu'ils n'occupaient pas le sieur Pelletier au moment où cette saisie-arrêt a été formée, ils ne peuvent nier qu'ils occupaient et qu'ils ont toujours occupé les deux enfants mineurs de Pelletier, Marie et Eugène; que ces mineurs sont âgés de moins de dix-huit ans;

Attendu que le mandataire du demandeur prétend qu'aux termes des articles 384 et 387 du Code civil les parents ont la jouissance des biens de leurs enfants, quand ceuxci ont moins de dix-huit ans et surtout lorsqu'ils logent, vivent et habitent chez ces derniers; Attendu que le demandeur prétend

par son mandataire que par analogie, les créanciers des parents ont les mêmes droits que ces derniers sur les salaires des enfants, ainsi qu'il résulte des termes de l'article 1166 du Code civil ainsi conçu : — «< Néanmoins, les créanciers peu<<< vent exercer tous les droits et << actions de leur débiteur, à l'ex«ception de ceux qui sont exclu«<sivement attachés à la personne » ;

Attendu qu'aucune retenue n'ayant été faite par les tiers saisis sur les salaires par eux payés aux enfants Pelletier, le demandeur, Max Schulhoff, demande à ce que les tiers saisis soient déclarés débiteurs purs et simples envers lui de sa créance et des frais, et comme tels condamnés à lui payer le montant de sa créance en principal et frais; - Attendu que le sieur Pelletier, débiteur, reconnaît à la barre qu'au moment où l'exploit de saisiearrêt a été délivré aux tiers saisis, il n'était pas employé à leur service et qu'il ne l'a jamais été depuis;

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Attendu que le mandataire des tiers saisis prétend que si en vertu de l'article 384 le demandeur invoque que Pelletier a la jouissance jusqu'à l'âge de dix-huit ans des biens de ses enfants, par contre, l'article 387 précise que cette jouissance ne s'étendra pas aux biens que les enfants peuvent acquérir par un travail séparé et par une industrie séparée; Attendu qu'il prétend que les salaires des enfants Pelletier, employés à la maison Saint frères, sont manifestement le produit d'un travail séparé qui n'a rien de commun avec le travail de leur père, puisque Pelletier père n'est pas employé à la maison et ne travaille pas pour les mêmes pa

trons que les enfants qui ont acquis des salaires qui leur sont particulièrement propres, que par suite, l'opposition du 14 août dernier ne saurait frapper les salaires des enfants Pelletier; que c'est à bon droit que les tiers saisis dans l'intérêt de leurs ouvriers n'ont pas tenu compte de cette saisie - arrêt; Attendu qu'il résulte de l'exploit d'opposition du 14 août dernier qui nous est soumis, que cet exploit ne frappe purement et simplement que les salaires qui seraient dus à Pelletier père; qu'il n'est nullement parlé des salaires qui pourraient être dus aux enfants de ce dernier ; Attendu que du texte de cet exploit et en admettant pour un instant seulement que les salaires des enfants Pelletier puissent être frappés d'opposition pour une dette créée par leur père pour achat d'un objet de luxe, que ne lui permettait pas sa position, il n'en résulte pas que ces salaires aient été frappés par l'acte d'opposition du 14 août dernier qui n'en parle nullement; qu'il était nécessaire, si le demandeur voulait atteindre ces salaires, de le dire, de l'énoncer clairement, en dénommant les enfants; Attendu qu'en admettant pour un instant que les enfants Pelletier eussent-ils été dénommés, la saisie-arrêt ne pouvait davantage porter sur leurs salaires ; -Attendu qu'en effet le père eûtil la jouissance des salaires de ses enfants, en vertu de l'article 384 du Code civil, l'article 387 de ce même Code dispose: « Cette jouis« sance ne s'étendra pas aux biens «que les enfants pourraient acqué«rir par un travail et une indusatrie séparés » ; Attendu que

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tel est le cas qui nous occupe, les enfants, par un travail qui n'avait et ne pouvait avoir rien de commun avec celui de leur père qui ne travaillait pas dans la même usine ni pour les mêmes patrons, ont acquis un bien ou plutôt des salaires qui leur sont demeurés propres (voir Pabon, no 34, Dalloz, Puissance paternelle, no 104; arrêt de la Cour de Bordeaux de 1845); - Par ces motifs, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort; Déclarons nulle et de nul effet l'opposition formée par le demandeur à la date du 14 août dernier; Déboutons le demandeur de sa demande de validité de saisie comme mal fondée; le renvoyons des fins de cette demande et le condamnons en tous les frais et dépens. »

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<< NOUS, JUGE DE PAIX : Ouï le demandeur et Coiffier fils, l'un des défendeurs, en leurs dires, explications et conclusions verbales et écrites; 1° Sur la demande principale Attendu que Delarue poursuit devant nous, contre Coiffier père et fils, le payement de 77 francs, pour visites et soins donnés aux chevaux et bestiaux des défendeurs et fournitures de médicaments; Attendu que Coiffier fils, sans méconnaître en principe la légitimité de l'action, demande le rejet de certaines visites que le vétérinaire a faites, suivant lui, sans nécessité, et en invoquant la prescription par suite de payement partiel, prétend ne devoir que 30 francs; Attendu que pour repousser l'aveu indivisible de Coiffier, comme entaché d'inexactitude et de mauvaise foi, le demandeur nous a représenté son livre-journal; -- Attendu que sur le registre ainsi produit sont inscrites, jour par jour, les visites faites par Delarue pour

le compte de ses clients et les fournitures de médicaments, et, parmi elles, celles réclamées aux sieurs Coiffier père et fils, et aussi celles susindiquées, de dates antérieures, acquittées par eux et dont les payements sont mentionnés ; qu'il ne se trouve sur ce registre ni blancs, ni lacunes, ni surcharges, ni ratures, et qu'enfin les écritures qui y sont portées forment un seul contexte ne présentant aucune trace d'altération; - Que le livre-journal étant tenu régulièrement, il s'en dégage une impression de vérité et d'exactitude; Attendu que, s'il ne forme pas une preuve entière des visites et fournitures de médicaments réclamées, il constitue cependant envers les débiteurs un commencement de preuve suffisant, autorisant le juge, en vertu de l'article 1329 du Code civil, à déférer le serment supplétoire; - Que le point ne fait plus doute aujourd'hui dans la doctrine et la jurisprudence(Marcadé, sur l'article 1329, I; Duranton, XIII, 196; Bonneri, n° 634; Larombière, 1329, n° 12; Toullier, VIII, 368; Aubry et Rau, 3o édit., t. VI, p. 409; Dalloz, Obligations, 4194 et 4195); Que, si la demande n'est pas pleinement justifiée, elle n'est pas non plus totalement dénuée de preuve, et que c'est alors le cas de faire l'application de l'article 1367 du Code civil; Attendu que la seule objection que l'on pourrait faire à la délation. du serment supplétif consisterait à dire que le livre-journal produit ne remplit pas les conditions imposées par les articles 10 et 11 du Code de commerce, c'est dire qu'il est non coté, ni paraphé, ni visé ; qu'un tel registre ne pouvant, suivant l'arti

cle 13 du même Code de commerce, être présenté, ni faire foi en justice, il s'ensuit que l'article 1329 du Code civil cesse de régir la matière, dans l'espèce qui nous occupe; Attendu que cette argumentation, plutôt spécieuse que reposant sur un fondement sérieux, ne saurait être accueillie en raison des particularités et du caractère exceptionnel de la cause; Attendu, en effet, que Delarue n'exerçant plus aujourd'hui son art n'était pas un commerçant, au sens propre du mot; qu'il se bornait simplement à fournir les médicaments qu'il ordonnait, suivant en cela, dit-il, les préceptes qui lui ont été inculqués à l'École d'Alfort,

où l'on recommande aux vétérinaires de malaxer et manipuler euxmêmes les médicaments qu'ils administrent, afin d'être certains de leurs dosage, pureté et fraîcheur;

Que l'on ne saurait, en raison et en équité, astreindre les médecins ou médecins-vétérinaires aux mêmes obligations que les commerçants; que la nature particulière de l'art médical et les conditions spéciales dans lesquelles ils exercent cet art les mettent dans l'absolue impossibilité de se procurer une preuve littérale des obligations qui sont contractées envers eux; Que la jurisprudence a donc justement décidé qu'ils peuvent faire la preuve testimoniale, en vertu de l'article 1348 du Code civil, puisque le défaut d'écrit résulte de la force des choses, et qu'ils doivent même être dispensés de cette preuve, lorsqu'ils produisent, comme le fait le sieur Delarue, des documents de comptabilité d'un caractère probant ; que leurs livres ne doivent pas être con

sidérés comme des registres ou papiers domestiques, au sens de l'article 1331 du Code civil, et que les Tribunaux sont, au contraire, autorisés à y puiser les présomptions suffisantes pour établir ou affermir leur conviction (voir notamment jugement du Tribunal de la Seine du 8 décembre 1884); - Attendu que, même considéré comme registre domestique, le livre-journal de Delarue peut être invoqué en sa faveur pour compléter la preuve qui résulte déjà des aveux et reconnaissance implicites de Coiffier dont il sera question ci-après (Cass., 1er mai 1848); Attendu que la contesta. tion du sieur Coiffier concernant des prétendues visites qui n'auraient pas été demandées ne paraît pas sérieuse; que Delarue a donné pendant de longues années ses soins aux bestiaux des sieurs Coiffier; que plusieurs règlements d'honoraires ont eu lieu, et il paraît improbable, sinon inadmissible, que les défendeurs eussent continué d'accorder ainsi leur confiance à un vétérinaire qui aurait eu l'habitude de leur compter des visites qu'ils n'auraient pas commandées; Attendu, d'ailleurs, que la jurisprudence, en consacrant la doctrine ci-dessus relatée, a encore décidé (voir notamment même jugement du Tribunal de la Seine du 8 décembre 1884) que le client qui ne paye pas comptant les visites du médecin est présumé s'en être rapporté aux notes de celui-ci pour la constatation du nombre des visites faites, et que partant, si le client conteste ce nombre, c'est à lui qu'incombe le fardeau de la preuve ; Attendu qu'il y a même raison de décider, par analogie, à l'égard des médecins-vété

rinaires ; Attendu que l'article 1353 du Code civil permet aux juges de suppléer aux preuves certaines et juridiques qui font souvent défaut dans les litiges de minime importance et dans les transactions ou obligations de cet ordre, dont la constatation écrite est presque toujours impossible, par des présomptions non établies par la loi, qui sont abandonnées à leurs lumières et à leur prudence, dans tous les cas où la preuve testimoniale est admissible; Attendu que la demande qui nous est soumise étant inférieure à 150 francs, l'article 1341 du Code civil permettrait d'en faire la preuve par témoins; Que les diverses circonstances de la cause : la tenue régulière du livre-journal; la reconnaissance tacite de Coiffier, qui ne conteste même pas le nombre de visites, mais sollicite seulement le rejet de quelques-unes, comme ayant été faites indûment, sans nécessité, ni réquisition; la lettre écrite par Coiffier le 24 mars dernier, en réponse à celle recommandée du 22 du même mois, adressée par M. Delarue à MM. Coiffier père ou fils, et contenant 'par le rapprochement des deux lettres aveu implicite de la dette (lesquelles seront enregistrées en même temps que les présentes), ont fait naître en notre esprit, non seulement des simples conjectures ou probabilités, mais des présomptions graves, précises et concordantes de l'existence de la créance; Attendu, dès lors, que pour transformer ces présomptions en certitude absolue, il y a lieu de déférer au sieur Delarue le serment supplétoire, conformément aux articles 1366 et 1367 du Code civil,

soit comme venant corroborer les énonciations du livre-journal au vœu de l'article 1329 du même Code, soit à l'appui des présomptions, et alors, dans ce dernier cas, comme serment de crédulité; Attendu que la doctrine et la jurisprudence sont unanimes pour décider que le juge a le droit de faire la délation de ce serment lorsqu'il admet les présomptions à défaut d'autres preuves de l'obligation; « Le juge, dit Marcadé << sur les articles 1366, 1367 et 1368, a § 2, en effet, ne peut jamais défé<< rer le serment que quand il existe « déjà une preuve imparfaite, une << probabilité plus ou moins grande << à l'appui de la prétention, c'est« à-dire au moins quelque présomp« tion au profit de cette prétention. « Or, nous avons vu (art. 1353) que a la simple probabilité résultant « ainsi d'une présomption de fait « suffit au juge, à défaut de preuve << proprement dite, pour adjuger la « prétention. Comment donc ce « juge, qui pourrait immédiate«ment condamner une partie, n'au«<rait-il pas le droit de ne le faire « qu'après avoir corroboré sa con«jecture par la délation d'un ser«ment de crédulité? Et il faut aller « plus loin, etc. » (Voir aussi, notamment, arrêts de la Cour de cassation des 9 novembre 1831 et 11 juin 1873, et Décisions des juges de paix, année 1898, p. 199, Observations); - Attendu que, sur notre invitation, le sieur Delarue, demandeur, a prêté, la main droite levée, le serment supplétif dans les termes suivants : « Je jure avoir << réellement fait, pour le compte « des sieurs Coiffier, toutes les vi<< sites à leurs bestiaux et toutes les

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