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néral demanda que M. de la Genetière (dixième témoin) fût entendu sur un fait dont l'explication avait pu paraître incomplète. Il s'agissait de prouver que le témoin avait réellement écrit au maréchal dans la nuit du 14 au 15 mars. M. de la Genetière rapporta, comme preuve de ce fait, l'extrait d'une lettre que lui avait écrite le général Bessières, le 16 mars, pour lui ordonner, au nom du maréchal, de quitter Besançon. Alors s'établit sur cette lettre la discussion suivante :

« Le maréchal : Je savais, par plusieurs rapports, que M. de la Genetière avait quitté Dole; qu'il avait entraîné quelques officiers; que, pour éviter la fureur des soldats, il avait pris la fuite. Je ne dis pas qu'il n'a pas écrit la lettre, mais je ne la connais pas.

<< M. Bellart : Je n'ai demandé ces éclaircissemens que pour établir la moralité de la déposition de M. de la Genetière.

<< M. Dupin fait observer que le paragraphe de la lettre qui venait d'être lu ne parlait pas de la lettre du maréchal.

« M. Bellart a insisté.

<< Plusieurs pairs: Ce fait est indifférent au procès.

<< M. le comte de Gouvion, pair de France. Tout cela ne prouve rien. »

Après ces interlocutions, M. Berryer obtint la parole.

Il commença par rendre à Sa Majesté des actions de grâces de ce qu'elle avait voulu les débats fussent libres et protégés par que l'éclat de la plus grande solennité. Il divisa son discours en deux parties dans la première il s'attacha à réfuter l'acte d'accusation et les chefs de criminalité dont il se composait; il rendit compte de toutes les dispositions que le maréchal avait faites pour justifier la confiance du Roi : elles lui parurent constater jusqu'à la dernière évidence l'inébranlable fidélité de son client jusqu'au 14 mars. Il en tira l'induction que la circonstance aggravante de la préméditation devait être écartée du procès. M. Berryer essaya ensuite d'établir que le maréchal, en prenant la malheureuse résolution de publier la proclamation qui était envoyée par le général Bertrand, ne fut dirigé que par un seul sentiment, celui d'éviter à la patrie les horreurs d'une guerre civile. Il· rechercha les faits qui prouvaient que son client, loin d'être attaché à l'usurpateur, devait pour plusieurs raisons en être détesté autant qu'il le haïssait lui-même. Le caractère franc et impétueux du maréchal

lui parut inconciliable avec l'idée d'une trahison, et il chercha dans ce caractère même les moyens d'expliquer la confiance trop aveugle avec laquelle le maréchal a cédé aux suggestions des agens de Bonaparte. Le défenseur soutenait, enfin, que la fatale proclamation n'était point l'œuvre de l'accusé, et que son seul crime était de l'avoir lue aux troupes qu'il com- mandait. Passant ensuite à l'explication de la conduite du maréchal après la journée du 14 mars, il repoussa l'accusation dirigée

contre lui d'avoir tenu sur le Roi et la famille royale les horribles propos que plusieurs témoins ont rapportés. Il montre plus tard le maréchal privé des faveurs de Bonaparte, s'éloignant volontairement de Paris, et ne reparaissant plus qu'aux champs de Waterloo, où l'appelait la défense de la patrie. Bientôt après, l'avocat rappelle cette mémorable séance de la chambre des pairs, dans laquelle le maréchal accusa hau-tement l'usurpateur des fautes qui avaient entraîné la ruine de l'armée française et l'envahissement du territoire. Il termina cette première partie de son discours par une apologie des sentimens de fidélité que la famille du maréchal avait gardés à la

cause de nos rois, « sentimens que le maréchal partageait, dit-il, et dont en mille occasions il avait donné d'éclatans témoignages. >>

Après cette première partie du plaidoyer qui avait duré plusieurs heures, M. Dupin supplia la cour de permettre que la seconde partie de la défense fût remise au lendemain.

Le procureur du roi s'y opposa formellement; M. le chancelier accorda une heure de suspension et l'accusé se retira.

Pendant cet intervalle, la cour décida que l'art. 12 de la convention conclue à Paris le 3 juillet, et dont on avait appris que les avocats voulaient faire usage comme d'une sauve-garde en faveur du maréchal, ne serait point lue, et qu'on défendrait de plaider tous les moyens qui s'y rapporteraient. La séance fut reprise, et M. Berryer, après une analyse rapide des preuves qu'il avait établies dans la première partie de son discours, aborda la question sous le point de vue des rapports qu'elle pouvait avoir avec la convention de Paris du 3 juillet, avec les traités conclus à Vienne les 13 et 25 mars de cette année, et enfin avec le traité du 20 novembre.

Il démontra ou plutôt rappela que les

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traités de Vienne du 13 et du 25 mars avaient eu pour objet principal de main-. tenir dans son intégrité le traité de Paris de 1814, et de défendre la cause de la légitimité. Il fit remarquer que le Roi avait signé ces traités, comme allié des diverses puissances de l'Europe. Il invoqua divers articles de ces traités, et il allait essayer d'en faire l'application à la cause, lorsque M. le procureur du Roi s'est levé et a dit :

<«< Avant que les défenseurs s'engagent dans de nouveaux raisonnemens, absolument étrangers au fait de l'accusation, je dois éviter un scandale de plus dans ces pénibles discussions. Nous sommes Français; ce sont les lois françaises seules qu'il faut invoquer. Nous avions bien pressenti qu'on avait eu l'idée de nous présenter les

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Les hautes parties contractantes voulant mettre et faire << mettre dans un entier oubli les divisions qui ont agité l'Eu« rope, déclarent et promettent que dans les pays restitués et « cédés par le précédent traité, aucun individu, de quelque << classe et condition qu'il soit, ne pourra être poursuivi, in« quiété, ni troublé dans sa personne et dans sa propriété, « sous aucun prétexte, ou à cause de sa conduite ou opi«nion politique, ou de son attachement, soit à aucune des. parties contractantes soit à des gouvernemens qui ont cessé « d'exister, ou pour toute autre raison, si ce n'est pour « les dettes contractées envers les individus, ou pour des ac»tes postérieurs au présent traité. »

«

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