encore quelques morceaux qu'un Journal rel que celut - ci aime à recueillir, je vais faire voir avec quelle adresse & quel bonheur M. de Fontanes surmonte la difficulté des transitions, cet écueil toujours renaissant du Poëme didactique & descriptif. Le Poëte veut parler en passant de l'abeille , dont on ne peut pas parler long-temps après Virgile. Il vient de peindre les fleurs qui se plaisent dans le Verger. Les Meurs sont le butin de l'abeille ; les vers de l'Auteur .savent l'y conduire. Ces fleurs inême, ces fleurs, charme de notre afile, Ne frappent point les yeux d'un éclat inutile; A l'entour un cffaim bourdonne lourdement : C'est là que , pénétré d'un double enchantement, Vous lisez au doux bruit de la ruche agitée, Ces vers plus doux encore ou gémit Aristée ; Un des caractères, du grand talent eft d'enrichir d'accessoires nouveaux, des sujers où l'on eft pre que toujours devancé par l'imagination du Lecteur. M. de Fontanes en offre des exemples. Il a parlé des terreins où l'eau décele fon lir. La Caterne elt ce qu'il va peindre. - Voici comme il embellit ce détail aride. Muse, transporte-moi cliez l'Arabe indompté ! Fais-moi voir sous les feux d'un éternel été, Dans le fond du désert, ces hordes vagabondes, meaux, deaux : sante , Offrir à l'étranger l'urne rafraîchissante. Je ne quitterai point le morceau des Eaux, sans citer les vers sur le Ruisseau, dont les derniers offrent une sensation parfaitement failie. Un ruisseau doit suffire au séjour des Bergers. à 2 M. de fontanes fait présenter dans ses vers la grace à côté de la force. On connoît s déjà quelques peintures de la Rose. Eh! gai peut refuser un hommage à la Rose? L'Auteur du Verger la décrite d'une manière qui lui eft propre. Le Lecteur nous (aura gré de rapporter ces vers pleins de grace & de charme. Et sur-tout que la Rose , embaumant ce sentier, Les épisodes répandent sur le Poëme didactique l'agrément & l'intérêt, sans lesquels l'austère mérite de l'utilité est sans effet dans tout Ouvrage en vers. L'art est de les proportionner à l'étendue du Poëme, de les amener naturellement, & de leur donner la physionomie du sujet. Ces qualités se trouvent dans une Fable Ecofloise sur le Rouge-gorge & un Enfant. Le Poëte; qui conseille d'aimer les oiseaux, qui invite à les nourrir dans les jours de froidure, fortific son précepte d'un exemple, en même temps qu'il embellit lon Ouvrage d'un morceau charmant, dont l'idée tour chante & l'excellente narration nous condamnent à l'uniformité des éloges. La voici : Jadis fut un Enfant , qui, dans un bois prochain, Voyant le Rouge-gorge affligé par la faim, Accueillit sa misère en des temps de froidure ; Tous deux ils partageoient la même nourriture, Er tous les jours l'oiseau visitoit son ami. Mais ce bonheur fut court ; un beau-père ennemi, Au fond de la forêt, d'une main criminelle Egorgea cet Enfant remis sous la tutelle. L'Oiseau, qui du raillis parcouroit l'épaisseur, Reconnut dans son vol son jeune bienfaiteur ; Triste alors , & couvrant les dépouilles chéries, Et de mousse séchée & de feuilles flétrics, A l'aide de fon bec il leur fit un tombeau. Dès ce jour , l'Ecoflois , au sortir du berceau, Nourriţ la pauvreté du Rouge-gorge aimable. Soyons Enfaus aufli : c'est le bar de ma Fable. : Dans les citations que je viens d'offrir au Lecteur', on a pu faisir" la marche de l'Ouvrage. Mais les bornes de ce Journal ne m'ont pas permis de parler de plusieurs détails qui, dans le Poëme, forment, en s'unissant , la perfection de l'ensemble , tels que le Porager, l'Efpalier, la Grotte, les Arbres, la Récolte des fruits, & le Cadran fhlaire, morceaux qui tous ont leurs beautéis particulières. Cependant il me semble qu'il manqueroit quelque chose à l'idée | que j'ai voulu donner de cet Ouvrage, & au plaisir qui m'entraîne à citer de si beaux vers, li j'oubliois ceux-ci, où l'Auteur préfense en groupe les vues propres au Verger. Daignez, aux habitans de la ferme voisine, Accorder un chemin à l'abri des chaleurs. Que les jeunes enfans croissent parmi vos fleurs ! Près de vous, loin de vous, l'eil charmé le promène : Contemplez ces lointains, ces côteaux, cette plaine, Quand Avril reparoît, quand le jour renaissant Se glisse à travers l'ombre , & l'efface en croissant, La féconde Génisse abandonne l'étable, Mugit , & du hameau, nourrice inépuisable, Broutant jusqu'à la nuit un gazon ranimé, Groffit le doux trésor de fon lait parfumé. L'æil la suit dans ces bois, dans ce noir labyrinthe, Ou de ses pieds pesans s'approfondit l'empreinte. Là sont des Laboureurs, & dans le gras vallon, Penchés sur leur charrue , ils ouvrent un fillon ; Tandis que les brebis , qui paissent confondues, Vous présentent de loin, aux rochers suspendues, D'un nuage argenté l'immobile blancheur; A vos pieds fe promène un robuste Faucheur. L'herbe tombe & s'entasse, en monceaux divisée; Souvent frémit la faux sur la pierre aiguisée. Peindrois-je dans les champs les Moissonneurs épars, Les gerbes à grands cris s'élevant sur les chars, i |