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les impôts, put éprouver quelques difficultés dans le résultat de sa perception, eh bien! je propose encore celui-ci.

Que tous les impôts appliquables aux propriétaires d'habitations, soient réduits au seul droit de sortie des denrées coloniales, en remplacement des divers droits qu'on percevait sur eux, sur leurs esclaves, et sur leurs propriétés. Que les deux tiers de ce droit se payent à St.-Domingue, ainsi que dans les autres îles, et restent dans le trésor de chaque colonie, où dans celui du chef lieu général des antilles, pour subvenir à leurs besoins, et que l'autre tiers se paye en France, les armateurs ou les consignataires, répondant de ce tiers jusqu'à son arrivée en France, parce qu'ils ont la faculté de faire assurer leurs bâtimens en conséquence.

Que tout bâtiment quelconque, français ou étranger, qui ne sera pas destiné pour un des ports de France, paye la totalité des droits de sortie, avant de quitter la colonie où il se trouve. Les droits municipaux se percevront comme d'usage.

16°. Que le gouvernement établisse un mode fixe pour les milices; qu'elles ne soient plus assujetties aux caprices des Gouverneurs.

Les îles n'avaient dans l'origine aucunes troupes réglées les avanturiers qui les avaient conquises, et les descendans de ces hommes intrépides, se crurent assez forts pour garder leurs possessions contre les invasions que quelques bâtimens pou

vaient faire avec des matelots et des soldats aussi peu disciplinés que les habitans qu'ils venaient insulter.

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La France, par la suite, ayant senti que l'àceroissement de la richesse et de la prospérité des colonies nécessitait la présence de nouveaux défenseurs, pour les préserver contre les armées formidables que ses ennemis d'Europe pouvaient y transporter sur dé nombreuses flottes; après avoir pourvu ses contrées de troupes régulières, elle or ganisa en milices les habitans de ses pays. Cette institution sage et glorieuse dans son principe, dégénéra bientôt en une servitude onéreuse. Les milices furent supprimées en 1764:

La cour de Versailles, en les abolissant, n'avait pas considéré qu'elles étaient nécessaires pour maintenir la police intérieure des îles, pour prévenir la révolte des esclaves, pour arrêter les courses diurnes et nocturnes des nègres fugitifs, pour empêcher l'attroupement des voleurs, pour prótéger le cabotage, pour garantir les côtes contre les corsaires et les invasions d'une puissance ennemie.

Ces réflexions, toutes frappantes et toutes naturelles qu'elles sont, avaient pourtant échappées à la cour de Versailles; une nouvelle considération la fit revenir promptement sur ses pas. Elle rétablit les milices en 1766.

Les habitans de Saint-Domingue qui avaient donné leur argent pour être déchargés de l'oppres

sion, de la servitude et de l'humiliation que des chefs maladroits avaient attaché à la fonction honorable des armes, voyant continuer les nouvelles taxes qui n'avaient plus d'objet, ils reclamerent vivement contre cet abus d'une autorité trop précipitée et trop peu constante dans ses décisions et dans ses démarches. L'on sait quel en fut le résultat.

Puisque les milices gênent extrêmement la liberté civile, dont on est plus jaloux dans les colonies qu'en Europe où l'on n'entend que le nom de l'autorité et qu'elles exposent le citoyen à une multitude de vexations, je propose, pour effacer s'il se peut les impressions du passé et calmer toutes les défiances sur l'avenir, d'organiser de cette manière la force armée de Saint-Domingue.

Il y aura des instructeurs dans les principales villes de la colonie ; ils se transporteront dans les points qui leur seront désignés pour instruire les milices au maniement des armes, du canon et du cheval.

Les forts, les magasins, les arsenaux de l'état, le gouvernement, la préfecture, les prisons et les chefs-lieux seront gardés par les soldats que la métropole enverra pour protéger le pays. Ces soldats doivent être relevés tous les trois ans et renvoyés en Europe, parce que le soldat, qui est un citoyen français et non un mercenaire étranger, ne doit pas être banni pour toujours d'une patrie qui possède ce qu'il a de plus cher au monde,

et pour laquelle il a généreusement versé son sang et sacrifié sa vie.

La police des grands chemins, celle des routes de traverse et de l'intérieur des habitations doit être confiée à une forte gendarmerie qui sera divisée conformément à l'étendue des divers quartiers. Une partie gardera les villes, et l'autre sera postée et fortifiée dans les endroits où plusieurs routes viennent aboutir, de manière à être à même de se porter sur-le-champ partout où sa présence sera nécessaire.

Les habitans des villes et des bourgs seront organisés en gardes nationales à pied. La moitié de ces habitans apprendra alternativement tous les quinze jours le maniement des armes et la manoeuvre de l'artillerie. Les habitans des campa gnes, leurs économes, leurs ouvriers et leurs domestiques blancs, qui sont continuellement à cheval, formeront la cavalerie sous la dénomination de voltigeurs.

Comme il est essentiel, par rapport aux nègres, que toutes les habitations d'un quartier ne soient pas dégarnies de blancs dans le même jour, l'on divisera ce quartier en quatre sections. La moitié des blancs de deux de ces sections se rendront, alternativement tous les quinze jours, au lieu le plus convenable et le plus à portée pour y apprendre les manoeuvres de l'infanterie et de la cavalerie.

Le jour que les deux demi - sections devront

manœuvrer, une escouade ou deux de gendarmerie parcoureront les habitations qui se trouvent momentanément privées, d'une partie de leurs blancs. Après les manoeuvres, les deux demisections, avant de se dissoudre, feront une promenade militaire sur les habitations d'où elles sortent. Les autres demi-sections se conformeront à leur tour à cet ordre de choses.

La nomination des officiers et sous-officiers sera au choix des milices; ils recevront leurs commissions du vice-roi. Quand elles seront mécontentes de leurs officiers, elles pourront demander leur destitution au vice-roi, qui les autorisera à faire un nouveau choix, si leur demande est fondée.

Les milices à pied ou à cheval se pourvoieront de leur accoutrement, de leurs armes, de leurs chevaux et de leurs selles. En tems de guerre ou en cas d'insurrection, elles seront en activité et sous les ordres du vice-roi. Si les nègres d'une autre colonie venaient à se révolter, ou qu'un ennemi étranger menacât de l'envahir, la milice, dans ce cas, garderait et défendrait ses foyers dans l'absence des troupes de ligne que le vice-roi enverrait au secours de l'île menacée. Une fois le calme rétabli et l'ennemi chassé, le vice-roi laissera jusqu'à nouvel ordre, dans cette colonie, le nombre de troupes qu'il croira nécessaires pour y maintenir la tranquillité, et le reste des troupes retournera à Saint-Domingue. Aussitôt leur retour, le vice-roi licenciera les milices.

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