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petite lettre, sous le nom de la comtesse de Roussy sa sœur ; et comme il luy demanda de ses nouvelles, et voyant qu'il ne respondoit rien, il se doubta que c'estoit autre chose, et l'ayant ouuerte trouua qu'on l'aduertissoit Que s'il ne se retiroit dans deux heures il seroit arresté. Soudain il la montra à vn des siens nommé de Varennes, qui luy dit lors : « Adieu, mon« sieur, ie voudrois auoir un coup de poi«gnard dans le seing, et que vous fussiez << en Bourgongne. » A quoy il respondit : «Si « i'y estois, et que i'en deusse avoir quatre, « le roy m'ayant mandé, i'y viendrois. » Quoy faict, il entra dans la chambre du roy, où il ioua à la prime avec la royne.

Ainsi qu'il ioüoit on apperceut le sieur de Mergé, gentil homme de Bourgongne, qui luy dist quelque chose à l'oreille, et ne l'entendant point, le comte d'Avuergne vint aussi, qui lui donna de la main au costé par deux fois, et luy dist : « Il ne «faict pas bon icy pour nous. »

Quand il fut prez de minuict, le roy rompant leur ieu tira à part le mareschal, et l'interpella encore vn coup de lui donner ce contentement, Qu'il sceut par sa . bouche ce dont, à son grand regret, il estoit trop esclarcy d'ailleurs, l'asseurant de sa grace et bonté, quelque chose qu'il eust commise contre luy; le confessant librement il le couuriroit du manteau de sa protection, et l'oublieroit pour iamais. A quoi ledit sieur mareschal afferma « Qu'il

<< n'auoit rien à dire que ce qu'il auoit dit, « n'estant venu vers S. M. pour se justi<< fier; mais le suplier seulement de luy << dire qui estoient ses ennemis pour luy << en demander iustice, ou se la faire soy« mesme. » Le roy le refuse et luy dist: «Bien «mareschal; ie voy bien que ie n'apprendray rien de vous; ie m'en vay voir «<le comte d'Auuergne, pour essayer d'en << apprendre d'auantage. »

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Le roy sort de sa chambre et entre en son cabinet, auquel il commande aux capitaines de ses gardes, les sieurs de Vitry et Pralin, de se saisir, sauoir, Vitry du comte d'Auuergne et Pralin du mareschal de Biron; mais le sieur de Vitry requist à S. M. de lui permettre qu'il ne prist point le comte, mais bien qu'il prendroit le mareschal de Biron, et que S. M. commandast, s'il lui plaisoit, au sieur de Pralin de prendre le comte. Le roy en fit quelque difficulté; mais en fin il leur dict: «Bien, mais n'y faillez sur vos testes. »> Toute la basse court estoit pleine de soldats armez, et les degrez et les salles, si bien qu'ils ne pouuoient fuyr ni eschapper.

Le roy rentre encore en la chambre, et dit à tous qu'ils se retirassent, et au duc de Biron : « Adieu, baron de Biron, vous « sçauez ce que ie vous ay dit. »

Le mareschal pensant sortir de l'antichambre, Vitry s'approche et lui saisit la droite de sa gauche, et de sa droite prit son espee, disant : << Monsieur, le roy m'a

«< commandé de luy rendre compte de vos<< tre personne; baillez votre espee. » Quelques vns de ses gens mirent la main aux armes, qui furent resserrez incontinent. Mergé aussi fut arresté. Sur quoy le mareschal, du commencement, dist à Vitry: << Tu te railles? - Monsieur, dist Vitry, «<le roy le m'a commandé. - He! dict le << mareschal, ie te prie que ie parle au « roy! Non, monsieur, dist Vitry, le «<roy est retiré. » Lors le mareschal dit: « Ha! mon espee, qui a tant fait de bons << seruices! Oui, dist Vitry, monsieur, « baillez votre espee. » Lors le duc de Biron, de sa main gauche, desseignit son espee, et la laisse emporter de son costé par le sieur de Vitry, qui la tenoit desià; et ainsi le menerent en vne chambre, où il fut gardé toute la nuict, qu'il passa en plainctes et chaudes reproches.

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Il auoit donné ordre, s'il eust pu sortir ce soir là du chasteau, que ses cheuaux fussent tous sellez et bridez; mais encore n'eust-il sceu eschapper : deslors qu'il fust party de Dijon, il n'estoit plus en sa puissance de retourner; car de disnee en soupee, cent cheuaux le suiuoient de traite en traite sur ses pas; tellement qu'il a experimenté, ce qui est très-véritable, « qu'il ne se faut point prendre à « son maistre qui ne s'en veut repentir. »

Quant au comte d'Auuergne, cuydant passer la porte du chasteau, le sieur de Pralin, qui l'y attendoit, luy dist l'arres

tant « Monsieur, demeurez, vous estes prisonnier du roy; » il dit : « Moy, moy; » Pralin replique : « Ouy, vous, : «< Ouy, vous, monsieur, de par le roy ie vous arreste et vous fay prisonnier; » et le ramena au dedans du chasteau, où il le fit tenir par ses archers soubs bonne garde.

Le vendredy matin le roy fait assembler son conseil et delibere de proceder contre les prisonniers par les formalitez de iustice, et fut resolu de les mener à la Bastille à Paris, durant que leurs proces leur seroient faicts et parfaicts par la cour de parlement, (sauf sa grace à qui il la voudroit faire).

Le mesme iour, d'Escures vint se ietter aux pieds du roy, luy disant qu'il auoit seruy du moyen d'amener le mareschal sous la parole de S. M., qui l'auoit asseuré qu'il n'auroit nul desplaisir, et neantmoins qu'il estoit prisonnier. Le roy luy montra lors les charges du mareschal, par lettres expresses escrites de sa main, lui representant tout ce qui s'estoit passé pour le bien du mareschal, s'il eust voulu auoir recours à sa clemence, en luy disant la vérité, qu'il luy ne l'auoit voulu dire; ce que voyant d'Escures, il recognut qu'encores le roy auoit vsé de trop grande debonnaireté et patience enuers luy, veu qu'il estoit question de la mort du roy et de mcnsieur le dauphin; et qu'il se trouuoit mesmes que le comte de Fuentes auoit proposé à la Fin que iamais l'Estat d'Espagne

ne se fieroit aux François, si ce n'estoit qu'ils feissent faillir la race des princes du sang, en commençant par le roy et son dauphin; et que l'intention du mareschal estoit de renuerser tout l'Estat de la France. Sur quoy la Fin disoit auoir apprehendé vne telle horreur, et qu'il s'en estoit retiré auec grande peine.

Sur l'heure du disné, le mareschal prie qu'on dise au roy qu'il mette ordre à la Bourgongne, et que le baron de Lux scachant sa prison, rendroit Beaune et Dijon à l'Espagnol. Le roy ne tint compte de cet aduis, car il y auoit desià mis ordre dez auparauant mesmes qu'il en partist, ainsi que nous dirons cy aprez.

Le samedy quinziesme du mois, le mareschal de Biron et le comte d'Auuergne furent amenez par eauë en la Bastille, où ils furent mis en chambres separees, le mareschal en celle des saincts et le comte au dessus.

Le roy entra aussy à Paris le mesme iour sur le soir par la porte Sainct Marcel, bien accompagné de noblesse, tout le peuple criant viue le roy! auec vn grand applaudissement et resiouissance.

Trois iours aprez, S. M. alla à SaintMaur-des-Fossez, où les parents et alliez du mareschal de Biron s'allerent ietter à ses pieds; il estoit lors dans vne gallerie du chasteau, accompagné de MM. les prince de Condé, connestable, comte de Belin, la Rochepot, et autres seigne urs; aprez qu'il

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