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monstrees au mareschal par les dits sieurs commissaires, il n'en recognut aucunes et nya les autres, mais confessoit specialement qu'il auoit escrit trois feuillets de papier contenant les deffaulx de l'armee du roy qu'il y auoit en la monstre faicte 1600 passe-vollans dont Grillon s'étoit voulu excuser au roi, il n'auoit voulu l'escouter; que sa noblesse ne seroit plus que quinze iours en l'armée et s'en vouloit aller; que le roy n'auoit plus d'argent, ayant despendu les quatre cents mil escus de son mariage, et n'ayant vn teston pour renouueller l'alliance des Suisses; qu'il estoit contraint d'aller receuoir la royne, et que M. d'Espernon l'accompagneroit, ayant refusé de demeurer en l'armee; que M. de Montpensier n'en auoit voulu accepter la charge et commandement, ny ledict mareschal de Biron (ainsi parloit il de soy en tierce personne), et que M. le comte de Soissons l'auoit promis, qui estoit son pis aller; donnoit aprez aduis de l'ordre qu'il falloit tenir et establir pour la deffence des places; que la prise de Mont-melian descourageoit tous les gens de bien; qu'il falloit diuertir l'armee du roy par la Prouence, en y iettant des forces à l'improuiste; sur tout parloit fort des cinquante mil escus qu'il falloit enuoyer, et quatre mil hommes; autrement tout estoit perdu, et infinis autres aduertissemens.

Pour faire leuer le crime de ses escrits, le mareschal disoit que la Fin les lui auoit

faict escrire pour se souuenir des fautes qui s'estoient passees en ceste armee, et non pour les enuoyer aux ennemis du roy, et croyoit qu'il les auoit bruslez des lors. Entre les tesmoins il luy fut confronté vn vallet de chambre du roy qui auoit couché en sa chambre par commandement de S. M., la premiere nuict de sa prison, lequel luy maintint que le sieur mareschal l'auoit prié de faire aduertir ses secretaires de se destourner pour quelques iours, et l'on aduertist chez le comte de Roussy, pour enuoyer en diligence à Dijon en faire autant de ceux qui estoient restez, et sur tout s'ils estoient interrogez, qu'ils disent tout constamment que le mareschal n'escriuoit iamais en chiffre laquelle depposition seruit à destruire la negation qu'il auoit faicte au premier interrogatoire, qu'il eust iamais escrit en chiffre.

que

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Le mardy vingt-troisiesme iuillet, messire Pompone de Bellieure, chancelier de France, accompagné de MM. de Messes et de Pontcarré, conseillers d'Estat, vint au parlement les deux massiers et officiers de la chancellerie, marchant deuant luy.

Les gens du roy demandent deffault contre messieurs les pairs de France qui auoient esté adiournez deux fois pour assister au iugement, sans que neantmoins ils y ayent comparu ny enuoyé excuse, et que pour le profit d'iceluy il fut passé outre; ce qui fut ordonné sur le champ.

Puis fut leuë vne requeste presentee par madame la mareschalle de Biron, mere de l'accusé, pour donner conseil à son fils, afin de deffendre; elle fut communiquee aux gens du roy, qui l'empescherent, attendu l'action criminelle et l'estat du procez; sur quoy fut dict: neant par arrest.

On employa trois seances à la vision des pieces. Le procez veu, et les conclusions du procureur general, le samedy 27 l'on fit venir le mareschal au parlement. Monsieur de Montigny, gouuerneur de Paris, alla à la Bastille sur les cinq heures du matin, et dit au mareschal que la cour estoit assemblee pour son procez; que monsieur le chancelier y estoit, et luy auoit commandé de l'y mener. Le mareschal ayant acheué de s'habiller, monte dans vn carrosse à la porte de la Bastille sur les cinq heures du matin, et fut conduit par l'Arsenal au bord de la riuiere, puis entra dans vn batteau, lequel auoit en carré de sept à huict pieds, au milieu fermé d'ais, et de cinq pieds de haut, puis couuert par dessus de tapisserie; dedans estoit ledict mareschal auec les sieurs de Montigny et de Vitry, capitaine des gardes; par dehors et dans deux autres basteaux estoyent les soldats qui le suyuoient.

Il fut amené depuis l'eau qui est au pied de l'isle par le bailliage dans le palais, où il entra par la porte de la Tournelle, puis

passa par dessous la quatriesme chambre, et de là fut conduit en la chambre doree, où il y auoit cent douze iuges. On le feit passer dans le barreau, au mesme lieu où sont interrogez les criminels, et luy bailla on vn hault tabouret pour s'asseoir. Mais comme il eust ouy les premieres paroles de M. le chancelier, quí a la voix vn peu basse, il se leua et porta son siege plus proche dans le parquet, disant : « Pardonnez moy, monsieur, si ie m'aduance; ie ne vous entends pas si vous ne parlez plus haut. »

Toutes les depositions furent recueillies en cinq points capitaux, sur lesquels il fut. interrogé par monsieur le chancelier, qui accommoda si bien son discours qu'il ne le nomma iamais par son nom ny par celuy de ses qualitez.

Le premier, d'auoir communiqué auec vn nommé Picotté, de la ville d'Orleans refugié en Flandres, pour prendre intelligence auec l'archiduc, et de faict auoir donné audict Picotté cent cinquante escus pour deux voyages par luy faicts à ceste fin.

Le second, d'auoir traicté auec le duc de Sauoye trois iours après son arriuée à Paris, sans la permission du roy; de luy auoir offert toute assistance et seruice enuers et contre tous, sur l'esperance du mariage de sa troisiesme fille.

Le troisiesme, d'auoir conniué auec le

diet duc, tant pour la prise de Bourg que autres places; de luy auoir escrit et donné aduis d'entreprendre sur l'armee du roy et sur sa personne; mesmes de luy auoir escrit à ceste fin plusieurs choses importantes au bien de son seruice.

Le quatriesme, d'auoir voulu conduire le roy deuant le fort Saincte Catherine pour le faire tuër; et à ceste fin auoir donné aduis au capitaine qui estoit dedans, du lieu et du signal pour recognoistre S. M.

Le cinquiesme, d'auoir enuoyé la Fin traicter auec le duc de Sauoye et auec le comte de Fuentes, contre le seruice du

roy.

Quand au premier point, le mareschal respondit qu'estant Picotté prisonnier entre ses mains en la Franche Comté, il luy dict qu'il auoit agreable qu'il s'employast à la reduction de Seurre, pource qu'il cognoissoit le capitaine Lafortune qui estoit dedans, qui ne demandoit pour toute recompense, que sa liberté; de quoy ayant escrit au roy, S. M. le trouua bon, et de faict ledict Picotté si employa, si bien que la place fut asseurée au seruice de S. M.

Que depuis ceste reduction il n'auoit veu ledict Picotté qu'en Flandres, lors qu'il alla pour la confirmation de la paix; que ledict Picotté le vint trouuer auec plusieurs autres pour le supplier d'interceder aupres du roy, à ce qu'ils peussent rentrer dans leurs biens, et que s'il leur rendoit ce bon office, qu'ils luy feroient present d'vne couple de tentu

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