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Or, en ce qui concerne particulièrement les gravures et estampes, nous devons dire que le premier acte du parlement anglais, promulgué sous le règne de Georges III, ne paraissait garantir aux dessinateurs ou graveurs un droit exclusif de reproduction qu'autant que les gravures avaient été faites d'après des dessins originaux de leur composition. - Mais d'une part un acte de la septième année du règne du même prince avait étendu la protection légale aux gravures de portraits, de sujets de genre, de paysage et d'architecture, ainsi qu'aux cartes, aux plans et à toutes les gravures en général, soit qu'elles fussent exécutées d'après les dessins originaux du graveur, ou d'après des tableaux, dessins et sculptures anciens et modernes. D'autre part, un nouvel acte des quinzième et seizième années du règne de Victoria (28 mai 1852), dont nous avons donné le texte, a expressément ordonné, dans son article 14, que toutes les dispositions de cette loi et des lois précédentes fussent appliquées aux estampes obtenues par la lithographie ou par tout autre procédé mécanique servant à multiplier indéfiniment les reproductions de sujets et dessins 1.

En présence de dispositions aussi générales, il semblait que tous les genres possibles de propriété artistique se trouvaient protégés, et bien que la photographie ne fût pas encore connue, il est permis de supposer que la reproduction photographique d'une œuvre du domaine privé aurait été considérée comme une contrefaçon même par les juges anglais; mais aurait-on aussi facilement consenti à faire rentrer les photographies dans la catégorie des gravures, estampes et lithographies, constituant, par elles-mêmes, une œuvre distincte et une propriété privée protégée par la loi? c'est ce qui est au moins douteux; le contraire semble même résulter du préambule de la loi nouvelle que nous donnons ci-après, puisqu'il y est dit en termes exprès que, dans l'état actuel de la législation, les auteurs de peintures, dessins et photographies ne jouissent pas du droit privatif de reproduction sur leurs œuvres de cette nature. Or, si tela se comprend pour la photographie, qui n'avait été et n'avait pu être nominativement désignée dans aucune loi, surtout comme création, on ne peut

1 Voir Code international, p. 139, in fine.

expliquer cette affirmation du législatenr que par cette considération que les Anglais sont esclaves des textes, et que les lois précédentes ne statuaient d'une manière explicite que sur les droits des graveurs et lithographes sur leurs propres œuvres et non de ceux des artistes sur les originaux qui avaient servi de type à ces reproductions. C'est cette lacune que vient de remplir le législateur anglais, en proclamant le droit des peintres et des dessinateurs, et en leur assimilant les photographes, du moins en ce qui touche leurs clichés originaux. Quoi qu'il en soit, voici ce qui ressort de cette loi pour l'avenir :

Les artistes ou photographes qui ont produit une peinture, un dessin ou une photographie jouissent du droit exclusif de reproduire cet original ou son esquisse, de toute manière et dans toutes les dimensions, pendant toute leur vie, et ce droit continue au profit de leurs héritiers ou ayants droit pendant sept années après leur décès. Mais, lorsque l'artiste, et à plus forte raison son héritier, aliène d'une manière quelconque l'original même de sa peinture, de son dessin ou de sa photographie, il ne conserve son droit de reproduction qu'autant qu'il en fait la réserve expresse et par écrit.

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Par contre, et c'est là une particularité de la loi anglaise, si la présomption légale n'existe pas à son profit, elle n'existe pas davantage à son détriment; car, de son côté, le cessionnaire de l'original n'acquiert lui-même le droit de reproduction qu'autant qu'il l'a également stipulé d'une manière expresse et par écrit, de telle sorte qu'il pourra arriver que ni l'auteur ni le propriétaire d'une œuvre moderne n'ait le droit de la reproduire.

On remarquera, du reste, que la législation anglaise assimile à l'auteur même d'une œuvre artistique, ou plutôt met en son lieu et place celui qui l'a commandée et pour le compte duquel elle a été exécutée. Il semblerait même ressortir de la fin de l'article 1er que le fait de l'exécution pour compte d'un tiers rend, par cela même, ce dernier propriétaire aussi bien du droit de reproduction que de l'original, sans qu'il soit nécessaire de justifier autrement de la cession du droit; mais à cet égard nous nous abstenons d'affirmer. C'est la jurisprudence qui décidera. Les autres dispositions et spécialement celles qui concernent le droit d'action et les pénalités édictées contre les auteurs, in

troducteurs ou débitants de contrefaçons, ainsi que contre ceux qui, par de fausses signatures ou autrement, attribuent des œuvres d'art à des artistes autres que ceux dont elles émanent, sont suffisamment claires pour que nous nous bornions à renvoyer au texte; constatons seulement, en terminant cet aperçu général de la loi, que l'enregistrement du droit de reproduction, avec désignation sommaire de l'œuvre, et l'indication exacte du propriétaire de ce droit ou de ses cessionnaires, est exigé d'une manière absolue pour que l'action en justice soit recevable et que tout ce qui s'est fait avant l'enregistrement échappe à toute répression. Cet enregistrement, dont le prix est réduit à un schelling, se fait, comme celui des œuvres littéraires, au bureau de la corporation des libraires, mais sur un registre spécial. La personne qui fait faire l'enregistrement peut, soit se borner à donner une description sommaire de l'œuvre artistique, soit, si elle le désire, joindre à cette description une esquisse, un calque ou une épreuve photographique. J.-P.

ACTE DES 25 ET 26o ANNÉES DU RÈGNE DE VICTORIA,

CHAP. LXVIII.

Pour amender la législation sur la propriété et le droit de reproduction des œuvres des beaux-arts et pour réprimer les fraudes dans la production et la vente de ces œuvres 1. (29 juillet 1862.)

Attendu que d'après la loi,, telle qu'elle existe actuellement, les auteurs de peintures, dessins et photographies n'ont pas le droit exclusif de reproduction de leurs œuvres de cette nature, et qu'il importe que la loi soit amendée à cet égard ; qu'il soit en conséquence ordonné par Sa TrèsExcellente Majesté la Reine, par et avec l'avis et le consentement des lords spirituels et temporels et des communes réunis en ce présent parlement et par autorité des mêmes, ainsi qu'il suit :

1 Nous devons la communication de cette loi à l'obligeance de M. TappÈS, jurisconsulte anglais et français à Paris. La reproduction totale ou partielle n'en est autorisée qu'à la condition d'indiquer la source.

2 L'expression anglaise est copy-right, droit de copie, ce qui équivaut à ce que nous appelons propriété littéraire et artistique ou droit d'auteur, mais nous avons cru devoir nous servir des expressions droit de reproduction, comme rendant mieux la pensée du législateur.

Le droit de reproduction des œuvres d'art faites ou vendues à l'avenir dure toute la vie de l'auteur et sept ans après son décès.

I. L'auteur, sujet anglais ou résidant dans les Etats de la couronne, de tout original en peinture, dessin ou photographie qui sera ou aura été fait soit dans les Etats et possessions britanniques, soit ailleurs, et dont il n'aura pas été disposé par vente ou autrement avant la promulgation du présent acte, et ses cessionnaires auront le droit seul et exclusif de copier, graver, reproduire et multiplier les peintures et dessins originaux et leurs esquisses, ainsi que les photographies ou leurs clichés négatifs, par tous moyens et dans toutes les grandeurs, pendant toute la vie de cet auteur et sept années après son décès; il est entendu que lorsqu'une peinture, ou un dessin, ou le cliché négatif d'une photographie auront été pour la première fois, après la promulgation du présent acte, vendus ou aliénés, ou seront faits et exécutés pour le compte de toute autre personne, moyennant un prix ou une cause valable, celui qui les vendra ainsi, aliénera ou exécutera pour le compte d'autrui, n'en retiendra le droit de reproduction qu'autant qu'il lui aura été expressément réservé par convention écrite et signée, soit avant, soit au moment de la vente ou aliénation, par l'acquéreur ou cessionnaire, ou par la partie pour le compte de laquelle ces peinture, dessin ou cliché négatif de photographie auront été exécutés, mais le droit de reproduction appartiendra à l'acquéreur ou cessionnaire de ces peinture, dessin ou cliché négatif de photographie, ou à la partie pour le compte de laquelle lesdits objets auront été faits ou exécutés; néanmoins (nor), l'acquéreur ou cessionnaire de ces objets n'acquerra ce droit de reproduction qu'autant qu'avant ou au moment de cette vente ou aliénation il aura été dressé à cet effet une convention écrite et signée par celui qui vend ou aliène ces objets, ou par son agent dûment autorisé 1.

Le droit de reproduction d'une œuvre ne met pas obstacle à ce que le même sujet soit traité dans une autre œuvre.

II. Les présentes dispositions n'affectent en rien le droit qu'a toute personne, soit de copier une œuvre dont elle n'a pas le droit de repro

1 Les Anglais sont tellement formalistes, qu'on peut très-bien se demander si ce n'est pas avec intention que dans cette dernière phrase le législateur a supprimé les mots : ou la partie pour le compte de laquelle l'œuvre a été exécutée, d'où résulterait la conséquence qu'en l'absence de stipulation contraire et écrite, la présomption légale serait qu'en faisant faire pour son compte elle a acquis la pleine propriété, avec droit de reproduction, tandis que le simple acquéreur ou cessionnaire d'une œuvre artistique ou d'une photographie préexistante, sera obligé de justifier de la cession du droit de reproduction, et que si ni lui ni l'auteur ne font cette justification par écrit, le droit de reproduction n'appartiendra à personne,

duction ou d'en faire usage, soit de représenter une scène ou un objet, encore bien qu'il puisse exister déjà un droit de reproduction sur une certaine représentation de cette même scène ou de ce même objet.

Les cessions, licences, etc., doivent élre constatées par écrit.

III. Tout droit de reproduction, en vertu du présent acte, sera considéré comme propriété personnelle et mobilière, susceptible de cession légale, et toute cession qui sera faite, ainsi que toute licence de faire usage de l'esquisse ou de l'œuvre qui fera l'objet du droit de reproduction, ou de les copier par toute espèce de moyen ou procédé, devra être constatée par un acte ou mémorandum écrit qui sera signé par le propriétaire du droit de reproduction ou par son mandataire constitué à cet effet par écrit.

Il sera lenu, à l'hôtel de la Corporation des libraires, un registre pour les propriétaires de droits de reproduction sur des peintures, dessins et photographies, conformément à l'acte des 5e et 6° années du règne de Victoria, chap. 45.

IV. Il sera tenu à l'hôtel de la Corporation des libraires (stationners company), par l'employé préposé par ladite compagnie, conformément à l'acte passé dans la 6° année du règne de Sa Majesté actuelle, intitulé: « Acte pour amender la loi sur le droit de reproduction (copy-right) › un ou plusieurs registres intitulés : « Registres des propriétaires de ⚫ droits de reproduction de peintures, dessins et photographies, sur lesquels sera inscrit un mémorandum de tout droit de reproduction qui appartiendra à toute personne, en vertu du présent acte, ainsi que de toute cession postérieure; ce mémorandum énoncera la date de ces investiture ou cession, les noms des parties et les noms et demeure de la personne qui sera investie de ce droit de reproduction, ainsi qu'une description sommaire de la nature et des sujets de l'œuvre, et, en outre, si la personne qui fait faire l'enregistrement le désire, une esquisse, un calque ou une photographie de ladite œuvre, et nul propriétaire d'un pareil droit de reproduction ne pourra revendiquer le bénéfice du présent acte tant que cet enregistrement n'aura pas eu lieu, et nulle action ne sera recevable, ni aucune amende recouvrable, à raison de tout ce qui aura eu lieu antérieurement à l'enregistrement.

Les dispositions de l'acte des 5e et 6o années du règne de Victoria, chap. 45, seront applicables aux registres tenus en vertu du présent

acte.

V. Les diverses dispositions dudit acte de la 6e année du règne de Sa Majesté, relativement à la tenue du registre prescrit par cet acte, sa communication, les recherches à y faire et la délivrance des copies tim

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