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Les distinctions d'églises patriarcales, primatiales, métropolitaines qui commencèrent à s'établir en Orient et en Occident dans le quatrième siècle, les droits et prééminences attachés aux grands sièges, sont d'institution purement ecclésiastique et ne nuisent pas à l'égalité d'ordre qui subsiste entre les évêques. C'est qu'en effet, un pouvoir fondé sur une mission divine et absolue, ne se peut ni restreindre ni circonscrire. Un caractère divin qui perdrait son existence au-delà d'une circonférence donnée, serait un caractère illusoire et chimérique. La division de l'Eglise universelle en diverses sections ou diocèses, est une économie d'ordre et de police ecclésiastique qui n'a pu rien changer à l'institution primitive des choses, ni faire qu'un pouvoir illimité par sa nature devint précaire et local.

Sans doute le bon ordre a voulu que la démarcation des diocèses une fois déterminée, chaque évêque se renfermât dans les limites de son église, mais prétendre que la juridiction épiscopale se mesure sur l'étendue du territoire diocésain, que hors de là l'évêque est dépouillé de toute puissance et de toute autorité spirituelle, c'est là une erreur qui n'a pu naître que de l'entier oubli des principes les plus élémentaires de la constitution de l'Eglise.

La puissance civile, pourrait incontestablement, devrait même, par des motifs d'une grande utilité publique, dans le cas par exemple d'une calamité locale, appeler les habitants d'un diocèse dans un autre. Il résulterait de là qu'un plus grand nombre de fidèles seraient placés sous la juridiction d'un des deux évêques, tandis que l'autre n'aurait plus de juridiction à exercer. C'est précisément et uniquement ce qui a été décrété par l'assemblée nationale, mais sans déplacement des personnes.

Plusieurs évêques opposants, entre autres l'évêque de Soissons, ont avoué que dans le cas d'une absolue nécessité, ils' pouvaient exercer leur juridiction sur un territoire étranger. N'était-il pas d'une absolue nécessité de maintenir la paix publique et de donner au peuple l'exemple de l'obéissance aux lois, si une nouvelle circonscription territoriale, rendue nécessaire par l'extrême inégalité des anciens diocèses et la nouvelle division administrative, n'était que l'exercice le plus légitime et le plus incontestable du pouvoir civil de toutes les nations?

Or, le droit de modifier le matériel du culte, de changer le temporel des ministres de la religion, d'altérer les formes extėrieures suivant lesquelles ces ministres doivent propager la doctrine et administrer les sacrements, appartient à la nation et ne saurait être méconnu.

Tout ce qui tient au temporel ressortissant de la juridiction civile, l'Eglise ne peut avoir que la permission d'intercéder. Dès que l'essentiel du culte n'est pas attaqué, les ministres n'ont aucun motif de désobéir aux lois qui peuvent contribuer à l'ordre ou qui intéressent la paix publique.

En fait et en droit, l'Eglise n'a point de territoire. Sa police extérieure s'est formée sur la police de l'Empire. (Voyez note 17, page 223.)

Les circonscriptions ecclésiastiques ont été établies dans l'intérêt de l'ordre et de la paix. Elles sont l'ouvrage des hommes. Les hommes, quand l'ordre et la paix l'exigent, peuvent les changer sans empiéter sur l'autorité spirituelle, sans toucher au dogme divin.

Ainsi, cette autorité que l'Eglise a reçue de Dieu même d'étendre et de maintenir la religion chrétienne, d'instruire les fidèles sur la foi et les mœurs, de lier et de délier les consciences, n'a donc souffert et ne pouvait souffrir aucune atteinte de la nouvelle division des diocèses, décrétée par l'assemblée nationale.

2o ÉLECTIONS.

Les élections sont de la plus haute antiquité dans l'Eglise. Elles remontent aux premiers jours du Christianisme. Le texte même de l'Ecriture le prouve. Le premier acte des disciples de Jésus-Christ, après son ascension, fut le choix d'un douzième apôtre. Les fidèles au nombre de cent vingt, désignèrent Joseph et Mathias. Le sort décida ensuite entre les deux élus. Quelques temps après tous les fidèles concoururent également au choix des sept diacres. (Actes des apôtres, ch. I et IV.)

Il n'est pas moins incontestable que les premiers sièges furent conférés par les fidèles. La tradition et les monuments de l'histoire ecclésiastique en font foi. Saint-Cyprien disait au milieu du

troisième siècle : « C'est une tradition apostolique observée dans toutes les provinces, que quand il s'agit d'ordonner un évêque, ceux de la province s'assemblent et que l'élection se fait en présence du peuple instruit de la vie, des mœurs et de la conduite de celui qu'on propose. C'est une loi que celui qui doit gouverner un diocèse soit choisi et jugé digne de cette place par les suffrages du peuple. Tous doivent élire celui à qui tous doivent obéir. »

Cette niaxime de Saint-Cyprien était généralement suivie. Qui ne sait par exemple comment St-Ambroise fut élu à Milan ' ? L'élection des pasteurs par le peuple, fut adoptée dans les Gaules.

En France les Rois de la première race nommaient aux prélatures du royaume comme représentant les peuples auxquels appartenait primitivement le droit d'élire leurs pasteurs.

Du neuvième au douzième siècle, le peuple était rentré dans son droit et l'exerçait directement. Tous les ordres des citoyens, les chanoines, les clercs de la ville et ceux de la campagne, les moines, les vierges consacrées à Dieu, les nobles et tous les laïques concouraient à l'élection des prélats. (Thomassin. Discipl. de l'église. part. 4 1. 2.)

Au commencement du treizième siècle, les chanoines étaient en possession d'élire les évêques, à l'exclusion du peuple et du reste du clergé. Jean XXII (1316) réserva au siège de Rome la nomination à toutes les églises cathédrales.

Le concile de Bale (18o concile général) tenu en 1431, dans sa douzième session, rétablit les élections canoniques.

La pragmatique sanction de Charles VII, publiée dans l'assemblée de Bourges en 1438, donnant force de loi au décret du concile qu'elle reproduit (art. II), rend aux églises la liberté d'élire leurs prélats, et règle la forme des élections.

Mais le concordat conclu entre François Ier et Léon X, en 1516, dérogeant en cette partie à la pragmatique, attribua au Roi la nomination des archevêques et des évêques.

■ A la mort d'Auxence, évêque de Milan, les Orthodoxes et les Ariens ne s'étant pas accordés pour choisir un évêque, Ambroise, gouverneur de l'Emilie et de la Ligurie, se rendit à Milan pour établir la paix; mais à peine entrait-il dans la Cathédrale, qu'à la voix d'un enfant qui servit comme de signal, tout le peuple assemblé le choisit pour évêque par une acclamation générale; et cette élection fut confirmée par l'empereur Valentin.

L'assemblée nationale, en décrétant qu'il serait pourvu aux sièges vacants par voie d'élection, a donc rétabli un usage suivi en France à diverses époques, et n'a fait que rendre au peuple un droit qui primitivement, appartenait au peuple. Ce retour à l'ancienne discipline, n'intéressait ni le dogme ni la foi.

3o INSTITUTION CANONIQUE DONNÉE PAR LE MÉTROPOLITAIN.

Quant à l'institution canonique que l'élu devait recevoir du métropolitain, c'est encore un point de discipline qui ne touche ni à la foi, ni au dogme, ni même à l'unité de l'Eglise universelle. C'est encore un usage primitif que l'assemblée nationale a fait revivre avec d'autant plus de raison que cet usage s'est maintenu en France plus long-temps qu'en aucun autre pays du monde chrétien.

Les apôtres furent, après Jésus-Christ, les premiers évêques. Jésus-Christ leur avait dit à tous: Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du SaintEsprit. Ils avaient tous le pouvoir de lier et de délier, de retenir et de pardonner les péchés; ils avaient tous le don de conférer le Saint-Esprit par l'imposition des mains; ils avaient une même étendue de juridiction, elle embrassait le monde entier.

L'égalité de puissance parmi les apôtres, est prouvée par l'épitre de Saint-Paul aux Galates (ch. 2, vers. 7 et suivants), Saint-Cyprien l'établit dans son livre de l'unité de l'Eglise lorsqu'il dit :

« Jésus-Christ, après sa résurrection, donna une puissance égale à tous les apôtres; ils étaient tous réellement ce qu'était Pierre, participant au même honneur et à la même puissance. » C'est aussi le sentiment de Saint-Jérôme :

a Vous objectez, dit ce père, que l'Eglise est fondée sur Pierre, quoique dans un autre passage cela soit dit de tous les apôtres, qu'ils aient tous reçu les clefs du royaume des cieux et que la force de l'Eglise soit également établie sur eux. » (Jérom., I. 1er, contr. Jovinia.)

D'où les pères et l'Eglise même appellent tous les apôtres, les vicaires de Jésus-Christ.

Les apôtres se choisirent eux-mêmes des successeurs auxquels

ils communiquèrent la puissance qu'ils avaient reçue de JésusChrist. C'est ce qui résulte des paroles de Saint-Paul à Tite son disciple, qu'il avait établi évêque dans l'île de Crète : Hujus rei gratiâ reliqui te Creta ut ea quæ desunt corrigas et constituas per civitates præsbiteros sicut et ego disposui tibi. (1o ad Titum.)

Successeurs immédiats et directs des apôtres, les évêques étaient comme les apôtres vicaires de Jésus-Christ.

Les pères du concile de Thionville, tenu en 844, s'exprimaient ainsi : « Daignez nous demander, tout indignes que nous sommes et cependant vicaires en Jésus-Christ, ce qui regarde la loi du Seigneur, et attendre avec une humble piété nos explications comme si elles sortaient de sa bouche. >>

On trouve la même expression dans le concile de Meaux, tenu en 845 : « Nous sommes quoique indignes, les vicaires de Jésus-Christ et les successeurs des apôtres. »

Les évêques des provinces de Rheims et de Rouen, assemblés à Quierci, en 856, dans leur épitre à Louis de Germanie, lui disent : « Recevez comme des pères et comme vicaires de JésusChrist, les évêques pasteurs des églises. »

Les apôtres avaient entre eux une autorité égale, la même égalité existait entre les évêques leurs successeurs. Saint-Jérôme dans sa lettre à Evagrius, rapportée par Gratien (dist. 93, can. 24), établit cette égalité de la manière la plus positive: « partout où il y a un évêque, dit-il, soit à Rome, à Eugube, à Constantinople, à Alexandrie, il est partout du même mérite et du même sacerdoce. >>

Le pape Saint-Grégoire-le-Grand traite le titre d'évêque œcuménique ou universel de blasphème et d'usurpation sacrilège, a parce que selon ce saint pape celui qui prenait cette qualité prétendait être seul évêque, comme si les autres n'étaient que ses lieutenants et ses vicaires. >>

Il refusait pour lui-même ce titre orgueilleux d'évêque universel comme plusieurs de ses prédécesseurs l'avaient refusé. Cela résulte de la lettre de ce Saint-Pontife à Eulogius patriarche d'Alexandrie.

« Je ne vois pas, dit-il, que votre Sainteté ait voulu faire usage de ce que sa mémoire devait lui rappeler. Je vous ai dit

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