Page images
PDF
EPUB

Mais cet avantage passant successivement d'une métropole à une autre, les églises se disputèrent l'autorité exarcale. Les évêques de Lyon disputèrent la primatie à ceux de Bourges; les évêques de Narbonne à ceux d'Arles; ceux d'Arles aux évêques de Vienne; les évêques de Trèves à ceux de Rheims. Ceux de Sens se prétendirent dans la suite primats de France et de Germanie; ceux de Rouen prirent la qualité de primats de Neustrie; ceux d'Auch, de la Novempopulanie. Tous voulurent être primats, et aucun ne l'était en effet. Il n'y eut donc jamais en France d'exarque ou de chef de diocèse.

La même chose arriva en Espagne et en Angleterre. Ces deux diocèses ne reconnurent jamais d'exarques non plus que celui des Gaules.

Dans les siècles suivants tout fut bouleversé dans les Gaules, dans l'Espagne et dans la Grande-Bretagne. Ces monarchies riches et florissantes aujourd'hui, cessèrent de former des corps de nation. Les Gaules se trouvèrent partagées entre les Romains dont l'autorité expirait, les Francs, les Goths et les Bourguignons. L'Espagne fut la proie des Visigoths, des Vandales, des Suèves, des Alains et dans la suite des Arabes. Les AngloSaxons qui s'emparèrent de la Grande-Bretagne, la partagèrent en sept souverainetés indépendantes, sans compter l'Irlande qui faisait un état à part.

Il était impossible alors que les évêques introduisissent dans nos climats la discipline établie dans les autres, en vertu de laquelle chaque nation était dirigée pour les choses spirituelles par un exarque ou chef de diocèse; l'unité dans le gouvernement ecclésiastique dépendant du gouvernement civil. Les métropolitains et les évêques de France réglaient en commun la discipline de l'Eglise sans qu'aucun métropolitain eût aucune juridiction sur les autres. Les métropolitains étaient, comme nous l'avons dit, consacrés par les conciles provinciaux.

Les évêques recevaient l'institution des métropolitains. LES ÉVÊQUES ET ARCHEVÊQUES ÉLUS, APRÈS LEUR CONSÉCRATION, ÉCRIVAIENT AU PAPE POUR LUI DEMANDER SA COM

MUNION.

Jusqu'an huitième siècle les pontifes romains n'exercèrent point en France les droits patriarcaux. ILS NE CONSACRAIENT

PAS LES MÉTROPOLITAINS, Ne donnaient PAS L'INSTITUTION CANONIQUE AUX ÉVÊQUES; ne convoquaient pas les synodes nationaux des Gaules; les grandes affaires ne leur étaient pas réservées. Les droits de leur siège s'établirent insensiblement par un concours de différentes circonstances dont la principale fut l'apparition des fausses décrétales 1.

Les monuments de l'histoire ecclésiastique font foi que pendant les premiers siècles, les papes n'influèrent sur l'ordination que des seuls évêques de cette partie de l'Italie qu'on nommait suburbicaire, où ils exerçaient les droits de métropolitain et de patriarche.

En qualité de métropolitain, l'autorité du pape est bien moins étendue qu'elle ne l'était dans les premiers siècles.

La préfecture du prétoire d'Italie était partagée dans la presqu'ile en deux diocèses ou deux vicariats, dont l'un qui avait pour capitale Milan, s'appelait vicariat d'Italie, et l'autre, le vicariat de Rome ou de la ville.

Le vicariat de Rome s'étendait sur la campagne de Rome, terre de labour, avec la principauté ultérieure; la Toscane et le duché de Spolette; Sabine et Abbruse ultérieure; la marche d'Ancône, le duché d'Urbin; l'Abbruse citérieure; la Pouille ou Capitane, et terre de Bari, avec la terre d'Otrante; Basilicate et Calabre; l'île de Corse, l'ile de Sicile, et celle de Sardaigne. Les provinces formant le vicariat de Rome ou de la ville furent nommées suburbicaires.

Les fausses décrétales sont une compilation de lettres attribuées à d'anciens papes et de décrets d'anciens conciles, qui parut à la fin du huitième siècle, sous le nom d'Isidore Peccator ou Piscator; mais dont on ne connaît pas le véritable auteur.

Cette collection fut regardée comme authentique pendant plusieurs centaines d'années. Dans le seizième siècle, Erasme et quelques autres savants en soupçonnèrent la fausseté. Bellarmin, qui défend cette compilation dans son traité de Romano pontifice, l. 2, ne conteste pas cependant qu'il ne puisse s'être glissé quelque erreur dans ce livre.

Baronius, annales, ann. 865, avoue de bonne foi que l'authenticité des décrétales d'lsidore n'est pas certaine, Bellarmin et Baronius étaient tous deux cardinaux et bibliothécaires du vatican, l'un deux était confesseur du Papé.

Des doutes on passa bientôt à la certitude. David Blondel, dans son faux Isidore et le père Labbe, dans le premier tome de la collection des conciles, ont fourni les preuves les plus claires de la fausseté de ces décrétales.

Le pape jouissait dans toutes ces provinces du droit immédiat de métropolitain; non-seulement il ordonnait les évêques des métropoles civiles, comme le faisaient les patriarches et les exarques, mais encore les simples évêques, ordination qui appartenait de droit aux métropolitains dans tous les autres exarcats.

« C'est pour cette raison, dit le célèbre Giannonė, historien du royaume de Naples, qu'on ne trouvait dans nos provinces aucun évêque qui jouit du droit de métropolitain; et quoiqu'après Constantin la hiérarchie eût acquis un plus grand éclat, les églises de nos provinces continuèrent d'être gouvernées par de simples évêques, sans reconnaître d'autre métropolitain que l'évêque de Rome. Les métropoles étaient gouvernées par des évêques qui n'étaient pas métropolitains. Lorsqu'une ville était privée de son évêque, le clergé et le peuple élisaient un successeur et l'envoyaient au pontife romain, pour en recevoir l'ordination. Quelquefois le pape commettait à d'autres évêques le pouvoir d'imposer les mains au nouvel évêque, et dans la suite la coutume s'introduisit, que quand une élection était contestée, on la faisait décider à l'évêque de Rome. Saint-Grégoire-le-Grand fournit dans son registre des exemples de ces décisions, qu'il donna lui-même au sujet de l'élection des évêques de Capoue, de Naples, de Misène. L'évêque de Rome exerçait la même autorité en Sicile qui était une des provinces suburbicaires, comme on peut le voir par les épitres de Saint-Léon et de Saint-Grégoire-le-Grand. D

Plus tard, les papes erigèrent en métropoles ecclésiastiques la plupart des métropoles civiles des provinces suburbicaires. L'évêché de Capoue devint archevêché en 568. Les métropolitains de la Pouille et de la Calabre obtinrent cet honneur quelque

De même que l'évêque de Rome était seul métropolitain des provinces qui composaient le vicariat de Rome, qu'on appelait suburbicaires, l'évêque de Milan jouissait de cette prérogative dans celles qui composaient le vicariat ou diocèse d'Italie. Quoique les provinces de ce diocèse eussent des métropoles, elles n'avaient cependant point de métropolitains.

Parmi les patriarches, celui d'Alexandrie jouissait aussi du droit d'or. donner tous les évêques dépendants de son siège patriarcal. Les autres patriarches ou exarques n'ordonnaient que les métropolitains, et ceux-ci donnaient l'ordination aux évêques qui ne dépendaient du patriarche ou de l'exarque que médiatement.

temps après. Ciponte n'eut ce droit que par la faveur de Benott IX, Salerne l'eut plus tard; l'érection de Naples en archevêché est encore plus moderne. De sorte que leur juridiction immédiate, comme métropolitains, ne s'étendit plus que sur quelques évêchés, la plupart aux environs de Rome.

Mais en même temps que les papes négligeaient leurs droits de métropolitains ils étendaient les droits patriarcaux de l'Eglise romaine.

Le nom de patriarche passa d'Orient en Occident où il était inconnu avant le cinquième siècle. Les Grecs et l'empereur Marcien le donnèrent au pape Saint-Léon. Les empereurs Anastase et Justin donnèrent ce titre au pape Hormisdas, et c'est l'exemple le plus ancien qu'on puisse citer. Le patriarcat de Rome ne s'étendait d'abord que dans les provinces suburbicaires dont le pape était métropolitain; mais ces limites furent bientôt franchies.

L'archevêque de Milan, en qualité d'exarque du diocèse d'Italie, était ordonné, dans les premiers siècles, par les évêques de son exarcat, comme le remarque Théodoret en parlant de l'ordination de Saint-Ambroise. Les évêques de Rome exigèrent dans la suite que leur consentement fût préalablement demandé ainsi qu'on le voit dans les épîtres de Saint-Grégoire. Dès lors les évêques de Rome exercèrent leur autorité patriarcale hors des limites du vicariat de Rome. Bientôt, envoyant des vicaires pour exercer leur juridiction patriarcale dans l'Illyrie occidentale et la Thessalie, ils soumirent à leur métropole ces provinces qui faisaient auparavant partie du diocèse de Macédoine. Dans la suite l'Espagne, l'Afrique et la Grande-Bretagne eurent le même sort.

Dans les Gaules, le premier vicariat fut donné par le pape Zozime, au commencement du cinquième siècle, à Patrocle d'Arles; cette dignité étrangère fut successivement possédée par les évêques d'Arles, Saint-Hilaire, Saint-Césaire, Auxanius et Aurélien. Cependant, Aurélien d'Arles, vicaire du pape, et décoré du pallium, assista au cinquième concile d'Orléans, conconvoqué de toute la France pour condamner les erreurs de Nestorius et d'Eutichès, et il n'y présida pas. Sacerdos, évêque de Lyon, occupa cette place. Ce fait incontestable prouve que

l'autorité patriarcale du siège de Rome n'était pas affermie en France au milieu du sixième siècle. Mais elle le fut bientôt de même que dans tout le reste de l'Occident 1.

Par un droit nouveau et inouï, dit le savant et impartial historien du royaume de Naples, il fut défendu aux métropolitains d'exercer les fonctions archiepiscopales avant que d'avoir reçu de Rome le pallium; on ajouta le serment de fidélité au pape, qui l'exigeait de tous les nouveaux élus. On introduisit dans la suite les appels interjetés au sujet des élections et dévolus au siège de Rome; de sorte que si l'on découvrait ou de la négligence dans les électeurs ou de l'incapacité dans les élus, l'élection appartenait au pape. Enfin, il eut le droit de recevoir la démission des évêques, de faire les translations, de donner des coadjutoreries, avec le droit de succession, et de confirmer toutes les élections qui pouvaient être faites. » (GIANNONE. Hist. du royaume de Naples.)

Pithou, dans son commentaire sur les libertés de l'Eglise gallicane, ch. 10, observe qu'aucun monument historique ne nous a transmis que pendant les premiers siècles, on se fût adressé au pape pour la confirmation des synodes ou conciles provinciaux et des décrets faits dans ces assemblées; mais qu'après la promulgation des fausses décrétales, les Romains établirent pour maxime qu'un synode ne peut être assemblé et que ses décrets ne sont légitimes que par l'accession de l'autorité du siège apostolique.

L'usage encore en vigueur aujourd'hui par lequel les métropolitains, quoique consacrés, n'exercent pas les fonctions de leur ordre, avant la réception du pallium, ne se trouve nulle part dans l'antiquité. C'est la remarque du père Thomassin (discip. eccles. part. 2, ch. 2.) Il est constant, au contraire, que dans le principe le pallium, loin d'être la plénitude du pouvoir

On connaît les degrés par lesquels le pape est arrivé à cette puissance que nos pères appelaient usurpation, et contre laquelle l'Eglise même s'est surtout élevée. On a vu l'Eglise d'Afrique priver de la participation à sa communion les évêques qui auraient recours au pape.

[merged small][ocr errors][merged small]
« PreviousContinue »