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tout temps au siège de Rome; pour prouver ce fait, il se sert de l'autorité des papes Anaclet et Marcel qui exhortent les évêques d'Antioche « de ne pas s'écarter des règles de l'Eglise >> romaine, à laquelle il est ordonné de réserver toutes les >> affaires majeures de l'Eglise, afin que les peuples soient » gouvernés régulièrement par l'Eglise dont ils ont reçu les » semences de la foi. »

La même chose est ordonnée à l'égard des affaires les plus épineuses. Dans la troisième lettre attribuée au pape Anaclet, chapitre 4, on fait parler ainsi ce pontife: « Si parmi vous » (les évêques et les prêtres) il s'est élevé quelque affaire difficile, » déférez-la à ce Saint-Siège comme au chef, afin qu'elle soit » terminée par le jugement apostolique; car le seigneur le veut, >> et l'a établi ainsi. Il est le pivot et le chef de toutes les Eglises, » et comme la porte est dirigée par le pivot, de même par la » volonté du Seigneur toutes les Eglises sont gouvernées par » l'autorité du siège de Rome. »

Isidore établit comme une maxime le droit des papes dans les premiers siècles de juger en dernier ressort tous les évêques du monde. Il répand dans son ouvrage que tout évêque et même que toute personne opprimée, a droit dans tout état de cause de se pourvoir à Rome. Il fait parler à ce sujet les papes Anaclet, Sixte Ier, Sixte II, Fabien, Corneille, Victor, Zéphirin, Marcel et Jules, quoique saint Cyprien, qui vivait du temps de saint Corneille et de saint Fabien, non-seulement se soit opposé aux appellations à Rome, mais qu'il ait donné les raisons les plus solides de ne pas déférer à ces appellations qu'on commençait à introduire alors.

On fait écrire par les évêques d'Afrique au pape Damase: « Tous les décrets des saints pères ont réservé, en l'honneur de >> saint Pierre, à votre siège le jugement des évêques, les déci>>sions des grandes affaires de l'Eglise; décrets que nous devons >> observer avec le plus grand soin. Il est juste que les causes » des pasteurs soient examinées par le chef apostolique dont la >> sollicitude si ancienne a toujours été de condamner le malet » de louer le bien. »

Le pape Damase est supposé répondre à cette lettre en témoignant qu'on ne peut assembler des conciles, même provin

ciaux, sans l'autorité du siège de Rome « comme vous savez, >> lui fait-on dire au chapitre 2, qu'assembler un synode sans > autorité n'est pas être catholique, et qu'un évêque ne peut >> être condamné définitivement que dans un concile légitime>>ment convoqué et assemblé par ordre du siège de Rome, on >> lit qu'il n'y a jamais eu de conciles que ceux qui ont été >> munis de l'autorité apostolique. » (Conciles du p. Hardouin, tome 1.)

On lit dans la lettre supposée du pape à Maxence : « Vous ne >> pouvez pas tenir légitimement un synode d'évêques sans » l'autorité du siège de Rome, quoique vous puissiez assembler » quelques évêques. »

Dans le sommaire qui précède le fragment d'une décrétale supposée sous le nom du pape Jules Ier aux Orientaux, on lit: « Le concile qui ne serait pas appuyé de l'autorité de l'Eglise >> romaine ne serait pas régulier »

C'est d'après cette opinion qu'une déclaration faite par les cardinaux interprêtes du concile de Trente du 3 avril 1596, est conçue en ces termes : « Ce qui se fait dans les conciles provin>> ciaux ne doit point être publié sans avoir consulté le souverain >> pontife. » M. de Marca observe dans son traité de l'accord du sacerdoce et de l'empire que cette déclaration faite dans l'esprit des fausses décrétales, donne ouvertement un sens forcé au décret du concile de Trente dans lequel il est ordonné d'assembler tous les trois ans un concile provincial, sans parler de la présidence du légat apostolique ni de la confirmation des décrets à demander au pape.

De la même source est tirée la décrétale de Pelage Ier dans laquelle on lit : « Il a plu de statuer que tout métropolitain qui, » après trois ans depuis sa consécration, n'aurait pas député au >> siège apostolique pour exposer sa foi et pour recevoir le » pallium, sera privé de sa dignité. Les autres métropolitains » pourront après la seconde et la troisième monition, secourir » les églises privées de leur pasteur, en ordonnant des évêques » de l'avis du pontife de Rome. » Origine de l'usage encore en vigueur aujourd'hui, par lequel les métropolitains, quoique consacrés n'exercent pas les fonctions épiscopales avant la réception du pallium, quoique cet usage ne se trouve nulle part dans

l'antiquité et qu'il soit constant au contraire, comme le remarque le père Thomassin (discipl. eccles. part. 2, chap. 2.), que dans le principe le pallium loin d'être la plénitude du pouvoir pontifical, n'était pas même accordé par le pape aux métropolitains, mais par les empereurs.

Enfin, Isidore déclare aux Orientaux, sous le nom emprunté de Jales Ier, qu'il n'est pas permis aux membres des églises particulières de s'écarter des usages de l'Eglise romaine; sous le nom du pape Vigile, d'autres Jules, que le pape seul était appelé à la plénitude de puissance, et les autres évêques seulement à une partie de sa sollicitude. Il rapporte les mêmes maximes sous le nom de Grégoire VII. M. de Marca observe que l'un et l'autre passage de Vigile et de Grégoire VII sont également supposés.

Ces principes ont subsisté cependant; ils ont passé comme hors de toute atteinte dans les décrétales de Grégoire IX, comme on peut le voir dans le chapitre IV de l'autorité et de l'usage du pallium. Quoique reconnus pour faux, ils sont encore dans la bouche et dans les écrits de tous les canonistes italiens.

Fagnan a tiré de cette source cette proposition enseignée comme vraie en Italie: que les évêques ne tiennent point leur juridiction immédiatement de Jésus-Christ, mais du souverain pontife, et que par conséquent cette autorité peut être resserrée suivant la volonté du pape.

Dans le Théâtre de la vérité et de la justice du cardinal de Lucques, on lit que « sous le nom d'officiers du pape on compte >> les patriarches, les primats, les archevêques, les évêques et » les autres prélats inférieurs; que le pape étant l'ordinaire des >> ordinaires, cette subordination est d'une nécessité évidente, >> et que les autres prélats quoique constitués dans la dignité » épiscopale, sont subordonnés au premier pasteur par l'auto>> rité duquel ils ont été proposés dans la proportion qui se > trouve entre les évêques et les curés. >>

A ces maximes tirées de prétendues décrétales dont la fausseté est démontrée, nous avons opposé: 1o l'anathème prononcé par saint Grégoire-le-Grand contre ce titre d'évêque universel qu'il appelle un blasphème et une usurpation sacrilege; 2o l'égalité des évêques établie et proclamée par saint Jérôme dans

ces paroles si positives: Partout où il y a un évêque, soit à Rome, à Eugube, à Constantinople, à Alexandrie, il est partout du même mérite et du même sacerdoce; 3o l'égalité des apôtres établie et proclamée par saint Cyprien, en ces termes : Jésus-Christ, après sa résurrection, donna une puissance égale à tous les apôtres, ils étaient tous réellement ce qu'était Pierre, participans aux mêmes honneurs, à la même puissance, (Unité de l'Eglise). Et par saint Jérôme quand il dit : Vous objectez que l'Eglise est fondée sur Pierre, quoique dans un autre passage cela soit dit de tous les apôtres, qu'ils aient tous reçu les clefs du royaume des cieux, et que la force de l'Eglise soit également établie sur eux.

Les autres assertions des fausses décrétales sur la souveraineté des papes, sont démenties par l'histoire des premiers siècles de l'Eglise. Aucun monument historique ne nous a transmis que pendant les huit premiers siècles on se soit adressé au pape pour la confirmation des synodes et des décrets faits dans ces assemblées. Ce n'est qu'après la promulgation des fausses décrétales que les Romains établirent pour maxime qu'un synode ne peut être assemblé et que les décrets ne sont légitimes que par l'accession de l'autorité du siège apostolique. (Voyez Pithou. Commentaires sur les libertés de l'Eglise gallicane, chap. 10.)

Ajoutons un mot sur l'authenticité de la collection des fausses décrétales dont la publication changea entièrement l'ancienne discipline de l'Eglise.

Du temps de Charlemagne, on inséra dans le recueil des canons ces fameuses lettres attribuées aux premiers évêques de Rome; mais que dans la vérité, Riculphe, archevêque de Mayence, avait acquises d'un marchand espagnol et qu'il fit le premier paraître dans nos contrées. Il y eut dans ce siècle même beaucoup de contestations sur l'autorité de ces lettres. Les êvêques de France s'élevèrent contre les nouveautés qu'elles contenaient et qu'ils voyaient contraires aux anciennes règles. Cependant le bonheur des romains prévalut. Depuis ce temps on n'entendit parler que de ces lettres et de leur autorité; de sorte que la plupart de ceux qui firent des recueils de canons et de décrets se servirent de ces lettres comme de pièces authentiques. Quelques-uns cependant n'en firent pas usage. Raban,

comme l'observe Antoine Augustin, quoique abbé de Fulde au diocèse de Mayence, et ensuite archevêque de Mayence après Ergerius, n'employa point ces lettres dans ses écrits.

Cette collection renferme cinquante canons des apôtres, que Denis-le-Petit avait déjà insérés dans la sienne, mais avec quelques variations; les canons du concile d'Ephèse omis par Denis-le-Petit; les canons des conciles d'Afrique avec moins d'exactitude que dans Denis-le-Petit, lequel avait collationné son travail sur les originaux; les canons de dix-sept conciles de France, et de quelques conciles d'Espagne, ce qui décèle que l'auteur de cette compilation n'était pas espagnol; mais jusqueslà il n'avait guère fait d'autre faute que d'avoir mal observé l'ordre des temps. Ensuite il rapporte sous le nom des papes des premiers siècles depuis saint Clément jusqu'à saint Sirice, une foule de lettres décrétales inconnues jusqu'alors. Il parle de ces lettres avec la même confiance que si elles contenaient la véritable discipline de l'Eglise primitive, et que s'il les eût tirées des sources les plus pures. Il y joint plusieurs monuments évidemment apocryphes, qui seuls suffisaient pour convaincre sa collection de mensonge. La prétendue donation de Constantin; les actes d'un concile de Rome tenu sous saint Sylvestre; une lettre d'Anasthase à Marc, dont une partie est citée dans Gratien; celle d'Anasthase, successeur de Sirice, adressée aux évêques de Germanie et de Bourgogne; celle de Sixte III aux Orientaux; une lettre de saint Léon touchant les priviléges des chorévêques, lettre dont la fausseté soupçonnée par le père Labbe a été démontrée dans la onzième dissertation du père Quesnel; une lettre de Jean à l'archevêque Zacharie; une de Boniface II ǎ Eulalie d'Alexandrie; une de Jean III aux évêques de France et de Bourgogne, et un grand nombre d'autres dont la fausseté est également démontrée.

La critique a observé que le style des lettres attribuées à différents papes est partout le même. Le latin en est dur et obscur tel que celui qu'on parlait dans le huitième siècle.

Il est question dans ces lettres de patriarches et de primats dans des temps où ces noms n'étaient pas connus dans l'Eglise.

Toutes les fois qu'on s'y sert des paroles de l'Ecriture, on

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