Page images
PDF
EPUB

emploie les expressions de la Vulgate, ouvrage de saint Jérôme, postérieur au temps où ces lettres ont été écrites.

Terminons par le jugement qu'a porté le père Coustant sur ce livre fameux :

« A peine peut-on dire combien Isidore a été pernicieux à » l'Eglise par sa fraude, dit-il dans sa préface sur les Lettres » des Papes, imprimées en 1721. Elle a affaibli le nerf de la >> discipline, confondu les droits des évêques, détruit ou du >> moins corrompu les lois des jugements. De là ces discordes, » ces séditions, ces procès qui, à la honte de l'Eglise, ont » poussé des racines si profondes pendant tant de siècles; mais >> ce n'est pas tout. Cette fraude d'Isidore a ouvert aux héré»tiques le chemin de la calomnie; car comme ces écrits pou» vaient être aisément convaincus de mensonge, ils ont servi » de prétexte pour révoquer en doute ceux dont l'autorité est » authentique. Les hérétiques, peu contents de réfuter l'erreur, » ont attaqué la vérité; ils ont reproché aux catholiques leur » crédulité; ils ont répandu sur les décrets les plus saints un » vernis de fausseté; les rites les plus sacrés ont été rejetés, >> les droits les mieux fondés des souverains pontifes ont été » foulés aux pieds, parce qu'ils les ont confondus avec des » droits imaginaires. Heureux si on eût étouffé dans leur nais»sance ces germes dangereux. Mais il n'est pas étonnant que » dans le siècle où la collection d'Isidore parut, on ne se >> soit pas précautionné contre la fourberie. L'indolence des D supérieurs ecclésiastiques avait déjà relâché les liens de l'an>> cienne discipline, ou la fatale destinée des choses humaines » qui fait que les meilleurs établissements durent peu, en ont » été la cause. Joignez à cela le petit nombre d'hommes qui >> eussent alors une connaissance exacte de l'antiquité ecclésias»tique et le goût de la saine critique. L'erreur a donc gagné >> peu à peu; elle se fortifia à l'ombre des noms les plus vé» nérables, et s'accrut par le sommeil léthargique de nos an» cêtres. ».

NOTE 18.- Page 53.

EXTRAIT DU DISCOURS DE MIRABEAU.

Certes, Messieurs, quand on vous reproche de rétrécir l'ancienne juridiction de l'Eglise, et de méconnattre la nécessité et l'étendue d'un pouvoir qu'elle exerçait sous les empereurs païens, et dans les temps des persécutions, n'est-ce pas vous inviter à soumettre à une révision sévère le système d'organisation sacerdotale que vous avez adopté; à ramener la religion à l'existence qu'elle avait sous le gouvernement des anciens Césars, et à la dépouiller de toute correspondance et de toute relation avec le régime de l'empire? Quelle merveille que des empereurs païens pour qui la religion n'était rien, et dans un temps où l'institution chrétienne n'était ni reçue dans l'Etat, ni reconnue par l'Etat, ni entretenue sur les fonds de l'Etat, aient laissé cette institution se régir dans son indivisibilité, suivant des maximes qui ne pouvaient avoir d'effets publics, et qui ne touchaient par aucun point l'admininistration civile! Le sacerdoce, entièrement détaché du régime social, et dans son état de nullité politique, pouvait, du sein des cavernes où il avait construit ses sanctuaires, dilater et rétrécir, au gré de ses opinions religieuses, le cercle de ses droits spirituels et de ses dépendances hiérarchiques. Il pouvait régler, sans exciter nulle sensation, ces limites et ces démarcations diocésaines qui ne signifiaient alors que le partage des soins apostoliques, et qui n'obscurcissaient et n'embarrassaient en rien la distribution des provinces romaines.

Alors, Messieurs, la religion n'était que soufferte. Alors les prêtres ne demandaient pour elle, aux maîtres du monde, que de la laisser épancher dans le sein de l'homme ses bienfaits inestimables. Alors ses pontifes bénissaient les puissances de laisser reposer le glaive qui avait immolé tant de pasteurs vénérables, et de regarder les modestes organes de l'Evangile avec bienveillance, ou même sans colère. Alors ces ouvriers austères et infatigables ne connaissaient d'autre source de leur

* Page & de l'exposition des évêques,

frugale subsistance que les aumônes de ceux qui recevaient l'Evangile et qui employaient leur ministère.

Concevez-vous, Messieurs, quels eussent été les transports de ces hommes si dignes de la tendre et religieuse vénération qu'ils inspirent, si la puissance romaine eût ménagé de leur temps à la religion le triomphe que lui assurent aujourd'hui les législateurs de la France? Et c'est ce moment où vous rendez sa destinée inséparable de celle de la nation, où vous l'incorporez à l'existence de ce grand empire, où vous consacrez à la perpétuité de son règne et de son culte la plus solide portion de la substance de l'Etat; c'est ce moment où vous la faites si glorieurieusement intervenir dans cette sublime division du plus beau royaume de l'Univers, et où, plantant le signe auguste du Christianisme sur la cime de tous les départements de la France, vous confessez, à la face de toutes les nations et de tous les siècles, que Dieu est aussi nécessaire que la liberté au peuple français; c'est ce moment que nos évêques ont choisi pour vous dénoncer comme violateurs des droits de la religion, pour vous prêter le caractère des anciens persécuteurs du Christianisme, pour vous imputer, par conséquent, le crime d'avoir voulu tarir la dernière ressource de l'ordre public, et éteindre le dernier espoir de la vertu malheureuse.

Et nous ne pouvons pas douter, Messieurs, que ce ne soit dans une intention aussi malveillante qu'on cherche à insinuer que la religion est perdue, si c'est le choix du peuple qui décerne les places ecclésiastiques. Car nos évêques savent, comme toute la France, à quel odieux brigandage la plupart d'entre eux sont redevables du caractère qu'ils déploient maintenant avec tant de hardiesse contre la sagesse de vos lois. Certes, il en est plusieurs qui auraient trop à rougir de voir se dévoiler au grand jour les obscures et indécentes intrigues qui ont déterminé leur vocation à l'épiscopat; et le clergé, dans sa conscience, ne peut pas se dissimuler ce que c'était que l'administration de la feuille des bénéfices. Je ne veux pas remuer ici cette source impure, qui a si long-temps infecté la France de sa corruption profonde, ni retracer cette iniquité publique et

› Page 23 de l'exposition.

scandaleuse qui repoussait loin des dignités du sanctuaire la portion saine et laborieuse de l'ordre ecclésiastique, qui faisait ruisseler dans le sein de l'oisiveté et de l'ignorance tous les trésors de la religion et des pauvres, et qui couronnait de la tiare sacrée des fronts couverts du mépris public et flétris de l'empreinte de tous les vices: mais je dirai que des prélats d'une création aussi anti-canonique, des prélats entrés dans le bercail du troupeau du Seigneur par une porte aussi profane, sont les véritables intrus que la religion réprouve, et qu'ils ne peuvent, sans blesser toute pudeur, condamner la loi qui leur assigne pour successeurs ceux qui obtiendront l'estime toujours impartiale et pure de leurs concitoyens.

a On sait, disent-ils, à quel point la forme qu'on propose » pour les élections est contraire aux règles anciennes... Il n'y a » pas d'exemple d'une forme d'élection sur laquelle le clergé » n'ait pas eu la principale influence; cette influence est anéantie; » il y a des départements dans lesquels on ne compte pas un ec> clésiastique parmi les électeurs ».

Vous deviez bien frémir, ô vous qui brûlez de tant de zèle pour la restauration de l'ancienne discipline, lorsque, sous l'ancien régime, le clergé se mêlait si peu du choix des premiers pasteurs, et qu'un ministre vendu aux volontés et aux caprices de ce qu'il y eut jamais de plus pervers et de plus dissolu autour du trône, distribuait en mercenaire les honneurs et les richesses de l'Eglise de France au commandement des mêmes oppresseurs qui se jouaient des larmes du peuple, et qui trafiquaient impunément du bonheur et du malheur des hommes ! Pourquoi donc ne vit-on jamais sortir des assemblées du clergé ni doléances, ni réclamations, ni remontrances contre un abus qui tuait si visiblement la religion dans ses plus intimes éléments, et qui corrompait si scandaleusement toutes les sources de morale?

Non, Messieurs, on ne veut pas sincèrement l'ordre et la justice; on ne veut que brouiller et bouleverser. On n'est irrité que de la force de la digue que vous avez opposée au torrent des passions sacerdotales. On cherche à paralyser la constitution de

1 Pages 23 et 24 de l'exposition.

FEtat, pour faire revivre l'ancienne constitution du clergé; on aspire à faire évanouir tous nos travaux dans les longueurs et la continuité des interruptions qu'on y apporte, et à voir toutes nos scènes politiques se dénouer dans les horreurs d'une guerre religieuse.

Ceux qui revendiquent la part qu'avait autrefois le clergé à l'élection des ministres de l'Eglise, sont-ils de bonne foi? Il n'y a qu'un mot à leur répondre : le voici. Si le clergé actuel ne doit jamais devenir constitutionnel et citoyen, son intervention dans le choix des pasteurs serait un mal public, et le foyer du trouble résiderait à perpétuité dans le sein de l'Eglise de France. S'il prend enfin l'esprit de la révolution et de la liberté, le peuple s'honorera d'invoquer sa sagesse et d'écouter ses conseils dans toutes les grandes déterminations qu'il aura à statuer pour le maintien des lois et pour la juste distribution des emplois religieux et politiques.

L'influence de l'ancien clergé sur les élections ecclésiastiques n'a point d'autre origine que le respect et la confiance du peuple. Vous savez, prélats qui m'entendez, vous savez qu'il ne tient qu'à vous de vous faire adorer des hommes et de devenir les oracles de tous leurs conseils. Ressemblez à vos anciens prédécesseurs, et vous verrez bientôt le peuple ressembler aux anciens fidèles, et ne vouloir rien faire sans ses pasteurs.

NOTE 19.- Page 53.

EXTRAIT DU RAPPORT DE M. VOIDEL.

« Une ligue s'est formée contre l'Etat et contre la Religion entre quelques évêques, quelques chapitres et quelques curés. La religion en est le prétexte, l'intérêt et l'ambition en sont le motif: montrer au peuple, par une résistance combinée, qu'on peut impunément braver les lois, lui apprendre à les mépriser, le façonner à la révolte, dissoudre tous les liens du contrat social, exciter la guerre, voilà les moyens, et les faits vont le prouver.

» Ce plan se trouve tracé dans une lettre de l'évêque de

« PreviousContinue »