Page images
PDF
EPUB

le vœu du pays et les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le Roi.

Les intrigues et les manœuvres conseillées par l'abbé Maury dans sa lettre à l'abbé de Vermond 1, ont abouti à transformer les états généraux en assemblée nationale et constituante.

La résistance organisée contre les lois de l'Etat a fini pàr amener la répression des rigueurs et des excès qui ont rendu prophétiques les tristes prévisions de Mirabeau.

a Pasteurs et disciples de l'Evangile, qui calomniez les principes des législateurs de votre patrie, disait-il, savez-vous ce que vous faites? Vous consolez l'impiété des insurmontables obstacles que la loi avait opposés aux progrès de son désolant système, et c'est de vous-mêmes que l'ennemi du dogme évangélique attend aujourd'hui l'abolition de tout culte et l'extinction de tout sentiment religieux. Figurez-vous que les partisans de l'irréligion, calculant les gradations par où le faux zèle de la foi la conduit à sa perte, prononcent dans leurs cercles ce dis

cours :

« Nos représentants avaient reporté sur ses bases antiques » l'édifice du Christianisme, et nos mesures pour le renverser » étaient à jamais déconcertées; mais ce qui devait donner à » la religion une si grande et si imperturbable existence devient » maintenant le gage de notre triomphe et le signal de la chute » du sacerdoce et de ses temples. Voyez ces prélats et ces prêtres » qui soufflent dans toutes les contrées du royaume l'esprit » de soulèvement et de fureur; voyez ces protestations perfides » où l'on menace de l'enfer ceux qui reçoivent la liberté; voyez » cette affectation de prêter aux régénérateurs de l'Empire, le » caractère atroce des anciens persécuteurs des chrétiens; voyez > ce sacerdoce méditant sans cesse des moyens pour s'emparer de » la force publique, pour la déployer contre ceux qui l'ont » dépouillé de ses anciennes usurpations, pour remonter sur » le trône de son orgueil, pour faire refluer dans ses palais » un or qui en était le scandale et la honte; voyez avec quelle » ardeur il égare les consciences, alarme la piété des simples,

› Cet abbé de Vermond vendait son crédit sur la Reine au comte Mercy d'Argenteau, ambassadeur de Vienne à Paris. Il était la créature de M. de Brienne, archevêque de Sens et principal ministre de Louis XVI.

[ocr errors]

» effraie la timidité des faibles, et comme il s'attache à faire >> croire au peuple que la révolution et la religion ne peuvent » subsister ensemble.

» Or, le peuple finira par le croire en effet; et, balancé dans » l'alternative d'être chrétien ou libre, il prendra le parti qui » coûtera le moins à son besoin de respirer de ses anciens » malheurs : il abjurera son christianisme, il maudira les » pasteurs, il ne voudra plus connaître ni adorer que le Dieu » créateur de la nature et de la liberté, et alors tout ce qui lui » retracera le souvenir du Dieu de l'Evangile lui sera odieux; » il ne voudra plus sacrifier que sur l'autel de la patrie; il ne » verra ses anciens temples que comme des monuments qui >> ne sauraient plus servir qu'à attester combien il fut long-temps » le jouet de l'imposture et la victime du mensonge il ne » pourra donc plus souffrir que le prix de sa sueur et de son » sang soit appliqué aux dépenses d'un culte qu'il rejette, Det qu'une portion immense de la ressource publique soit Dattribuée à un sacerdoce conspirateur. Et voilà comment cette » religion, qui a résisté à toutes les controverses humaines, » était destinée à s'anéantir dans le tombeau que lui creuseraient » ses propres ministres. »

» Ah! tremblons que cette supputation de l'incrédulité ne soit fondée sur les plus alarmantes vraisemblances. »

NOTE 25.- Page 75.

Voici ce qu'écrivaient, en 1802, au pape Pie VII, plusieurs de ces évêques qui, en renonçant à leur patrie, en se séparant de l'Eglise gallicane en professaient les principes, depuis que le souverain Pontife avait souscrit une convention favorable à la paix de l'Eglise de France.

« Jésus-Christ, disent-ils, en fondant son Eglise, choisit > parmi ses apôtres, celui qui devait en être le chef, et par un » prodige de sa puissance, la succession des pontifes s'est per» pétuée jusqu'à votre Sainteté. Mais il ne dit point à saint » Pierre Vous gouvernerez l'Eglise comme je la gouverne » moi-même; ma puissance sera la vôtre, et mon infaillibilité

» sera votre partage. Il ne promit ces dons qu'à l'Eglise réunie » dans la personne de ses pasteurs. Il ne lui dit pas : les portes ▷ de l'enfer ne prévaudront point contre vous; mais il leur » promit qu'elles ne prévaudraient pas contre l'Eglise; et, pour » ajouter l'exemple au précepte, en assurant l'infaillibilité de > l'Eglise, il permit que saint Pierre sentit toute la faiblesse » humaine chez Caïphe. Les apôtres développèrent la doctrine » du souverain Maître, et saint Paul confirma à l'Eglise, que les » évêques étaient établis par le Saint-Esprit pour gouverner » l'Église de Dieu; les conciles œcuméniques reconnurent tous » cette vérité fondamentale... Saint Pierre gouverna l'Eglise en » se soumettant aux lois; lorsqu'il crut pouvoir s'en écarter, » saint Paul lui résista en rappelant la loi, et saint Pierre se » soumit. »

Cette protestation est tout-à-fait conforme aux principes que nous avons exposés dans les notes 16 et 17.

Nous ne reprochons à ces prélats que la contradiction de leur conduite. Ils en appellent au pape en 1790 contre les décrets de l'Assemblée nationale, et quand le pape s'entend en 1801, avec le gouvernement français, ils protestent contre la résolution du pape. Leur tort, à nos yeux, c'est de n'avoir su faire en aucun temps, aucun sacrifice ni à la paix de l'Eglise, ni au bien de la patrie.

A la suite du concordat et de la protestation des évêques dont nous venons de parler, il s'est formé dans plusieurs diocèses une secte de catholiques purs, qui exerçaient un culte clandestin, auquel assistaient des prêtres qui, se dérobant à la surveillance des évêques et à la juridiction des administrateurs capitulaires, et n'écoutant que les vicaires apostoliques, ne donnaient au gouvernement aucune garantie de leurs principes et de la morale qu'ils enseignaient.

(Rapport de LL. EE. les cardinaux Fesch, Maury, Castelli, des archevêques de Tours et de Malines, des évêques d'Evreux, de Trèves et de Nantes, le 5 mars 1811.)

Les catholiques purs dont parlent les prélats, auteurs de ce rapport, ne doivent pas être confondus avec des catholiques plus

Réponse de quelques évêques de France au bref du 15 août 1801. Londres 1802. (Déposé aux archives de France.)

purs encore, qui protestaient contre le concordat de 1801, et vraisemblablement contre les concordats à venir, autant que contre les décrets de l'Assemblée constituante. Ainsi, outre les Jansénistes et les Molinistes, il y avait dans le clergé de France les assermentés et les réfractaires, les primitifs et les concordataires, les partisans et les adversaires, soit des évêques nommés par le chef de l'Etat et admis par les chapitres, soit des vicaires apostoliques immédiatement envoyés par le Saint-Siège, etc.

Ces divisions naissaient toutes des efforts de l'esprit ultramontain contre la conduite du clergé gallican qui, fidèle aux précieuses maximes de l'Eglise de France, avait, contrairement à ses adversaires, la gloire d'être national.

NOTE 25 bis. - Page 79.

Voici la lettre que M. Belmas écrivit au pape en 1802, pour lui demander l'institution canonique :

BEATISSIME Pater,

A primo galliarum consule in episcopum Cameracensem nominatus nihil antiquius habeo quam ut ea omnia discordiarum semina penitus extinguere possim quæ ex gallicanæ revolutionis inevitabili serie dimanarunt. Quapropter, ne quid sanctitati vestræ dubii in hâc parte, circà mentis meæ propositum existere possit, sincero corde profiteor me constitutionem, ut aiunt, civilem cleri gallicani ultro deserere, novæ couventionis inter sanctitatem vestram et Gubernium gallicanum initæ me dispositiones et articulos admittere et profiteri et docturum veramque sanctitati vestræ ac successoribus ejus obedientiam servaturum. Sanctitatem vestram enixè rogo ut hæc pro invariabili mentis meæ proposito habens, me tanquam ecclesiæ catholicæ filium obedientissimum respicere velit, mihique canonicam institutionem quam ab ipsâ humiliter efflagito concedere dignetur.

Interim benedictionem apostolicam ab ipsâ petit tanquam caritatis ejus ergà se pretiosum pignus.

Sanctitatis vestræ,

Beatissime pater,

Humillimus et obsequentissimus filius,

+ LUDOVICUS BELMAS,

Nominatus episcopus Cameracensis.

Parisiis die decimà quinta aprilis, anoi millesimi octingentesimi secundi.

Nous nous abstenons de traduire cette lettre; mais nous affirmons qu'elle ne contient que l'abandon pur et simple de la constitution civile du clergé et l'adhésion au concordat, dans l'intérêt de la paix religieuse.

Ainsi, démission volontaire du siège de Narbocne, abandon sincère de la constitution civile du clergé, adhésion au concordat de 1801, voilà ce que M. Belmas a fait pour étouffer comme il le dit, toutes les semences de discorde. IL N'a rien fait DE

PLUS.

C'est qu'en effet on ne pouvait rien exiger de plus pour le rétablissement de la paix. Le gouvernement français et le pape, pour se rapprocher, se sont fait des concessions réciproques. Ils ont transigé. La constitution civile du clergé, décretée par l'Assemblée constituante, n'existait plus. « On ne pouvait la faire » revivre, dit Portalis, sans perpétuer le schisme qu'il fallait » éteindre. Le rétablissement de la paix était pourtant le grand » objet, et il suffisait de combiner les moyens de ce rétablis » sement avec la police de l'Etat et le droit de l'Empire. »

N'est-il pas évident que le gouvernement français, abandonnant la constitution civile du clergé, le pape, de son côté, devait laisser dans l'oubli l'anathème de son prédécesseur, s'il ne voulait ranimer le schisme? En effet, le gouvernement, en maintenant la constitution civile du clergé, aurait irrité les évêques qui avaient refusé le serment civique, et le pape, en maintenant les brefs de son prédécesseur, aurait irrité les évêques constitutionnels. C'était dans l'une et l'autre hypothèse, la continuation du statu quo. Les difficultés étaient les mêmes; elles

« PreviousContinue »