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qu'autant qu'ils seraient définis par une loi, pour conclure à ce qu'on cessât toute espèce de poursuite contre le maréchal Ney, jusqu'à ce que la marche à suivre eût été déterminée par une loi organique.

Le procureur - général répondit sur-lechamp à ce plaidoyer. Il persista à demander que tous les moyens qui ne tenaient point au fond de l'affaire fussent présentés à l'heure même et collectivement.

M. Dupin, second avocat du maréchal, crut devoir répliquer. Il allégua que les pièces dont la loi ordonnait la communication aux accusés, n'avaient été remises au maréchal que depuis deux jours ; qu'ainsi ses conseils n'avaient pas eu le tems de les méditer, et qu'ils ne demandaient d'ailleurs qu'un délai strictement nécessaire pour préparer la défense.

La chambre des pairs se retira pour délibérer sur ce moyen, et ordonna que le commissaire du Roi s'expliquerait sur l'absence de la loi organique, objet des argumentations de l'accusé.

Cette explication ne se fit point attendre. Le procureur-général trouva dans son talent, et surtout dans son zèle, les moyens de réfuter la proposition émise par ses ad

versaires.

M. Dupin prétendit alors que la Charte constitutionnelle exigeait qu'une loi parti culière définît la nature des crimes qui seraient portés au jugement de la cour des pairs, et que cette loi n'ayant pas été rendue, on ne pouvait dès-lors juger le maréchal Ney. La chambre crut devoir encore délibérer sur cette nouvelle prétention; elle rendit l'arrêt suivant :

« La chambre, faisant droit sur les conelusions du commissaire du Roi, sans s'arrêter ni avoir égard aux moyens présentés dans l'intérêt du prévenu, s'ajourne à jeudi prochain, 23 novembre; maintient les assignations des témoins; ordonne que l'accusé sera tenu de présenter cumulativement ses autres moyens de défense, s'il en a, sur la question préjudicielle; sinon elle passera outre, pour continuer les débats sur la question de fond et rendre le ju

gement. »

Cependant les intentions des avocats du maréchal ne pouvant être satisfaites par le délai qui était1accordé, M. Berryer essaya de nouvelles représentations; mais le chan-. celier les écarta par la force de la chose jugée. Tel fut le résultat de la première séance tenue par la chambre des pairs.

Les audiences furent reprises le 23 novembre.

Le chancelier dit aux avocats de l'accusé : « La chambre vous a accordé la faculté de présenter vos moyens préjudiciels, vous avez la parole. »

Ce fut M. Berryer qui, à la suite d'un discours où l'on retrouve une partie des idées qu'il avait déjà plusieurs fois présen tées, déposa sur le bureau de la chambre les conclusions suivantes :

« Il plaira à la chambre des pairs,

« Attendu qu'il n'existe contre M. le maréchal Ney aucun arrêt de mise en accusation;

« Que l'ordonnance du r novembre, présentée en même tems que la plainte et avant l'addition de plainte, ne peut avoir ce caractère ;

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« Que cette ordonnance d'ailleurs supposait valable et probante la procédure tenue devant le conseil de guerre, tandis que cette procédure, nulle comme faite par juges incompétens, était désormais réputée

non-avenue;

« Que cela est si vrai, que l'ordonnance du 12 et l'arrêt du 13 novembre ont of donné une nouvelle instruction;

« Qu'il n'existe pas d'arrêt qui, depuis cette nouvelle instruction, ait prononcé la mise en accusation;

« Que l'arrêt du 17 novembre ne contient qu'une simple ordonnance de prisede-corps, qui suppose la mise en accusation, mais qui ne saurait la suppléer;

« Qu'ainsi il y a irrégularité sous ce premier rapport;

« Attendu que l'acte d'accusation dressé le 10 novembre, et relaté dans l'arrêt du 17, est nul, en ce qu'il n'a été précédé d'aucune mise en accusation légalement prononcée;

« Que d'ailleurs cet acte d'accusation aurait dû être notifié à l'accusé dans les trois jours, et que l'exploit de signification étant ensuite ne porte aucune date ni du jour ni du mois, de sorte que cette signification, nulle par elle-même, n'a pu avoir l'effet, ni de remplir le but de l'article 242′ du Code d'instruction criminelle, ni de faire courir aucun délai contre l'accusé;

« Attendu d'ailleurs qu'il n'a pas été accordé de délai suffisant, soit pour la pro-position de nullités, soit pour faire donner assignation aux témoins à décharge;

Et par tous autres motifs qui seront

déduits à l'audience, ou qu'il plaira à la cour suppléer de droit et d'équité :

« Déclarer la procédure tenue, à partir de l'arrêt du 13 novembre dernier, nulle et de nul effet; en conséquence, ordonner qu'elle sera recommencée en la forme voulue par la loi.

<< Tous autres moyens réservés. »
Paris, ce 22 novembre 1815.

Le maréchal prince de la Moskowa, NEY.

Le procureur-général réfuta les objections présentées au nom de l'accusé, et demanda que les débats du procès fussent commencés à l'instant même.

Pour épargner à nos lecteurs les détails presque toujours stériles dans lesquels s'embarrassent les procédures qui tendent à obtenir des délais, nous nous contenterons de faire connaître la seule propo- ! sition qui fut prise en considération par la cour des pairs, et qui renfermait en effet un axiôme de droit universellement reconnu, celui de laisser à l'accusé toute la latitude nécessaire à sa défense.

M Dupin demanda au nom du maré

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