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tels que les moineaux, qui causent à leur récolte un dommage actuel (L. 3 mai 1844, art. 9) (1).

Seulement, la présomption de nécessité ne se rencontrant plus dans ce cas comme dans celui où le propriétaire ou le fermier a agi conformément à l'arrêté du préfet, c'est à lui à prouver, pour repousser l'imputation de délit de chasse, qu'il avait un préjudice à empêcher ou à faire cesser (2). Il ne fait pas cette preuve lorsque le préjudice auquel l'exposaient les oiseaux sur lesquels il a fait feu se réduisait à la perte de quelques épis humides et avariés par la pluie (3).

(Destras.)

LE TRIBUNAL : Attendu que Destras est poursuivi pour avoir, le 1er septembre dernier, chassé sans permis de chasse en tirant un coup de fusil sur une bande de moineaux qui s'était abattue dans son champ sur une meule de blé, près de la maison qu'il habite, et dont il a tué quelques-uns; Attendu que les moineaux n'ont point été classés parmi les animaux malfaisants où nuisibles, que l'on peut tuer en tont temps et sans permis de chasse, suivant les moyens de destruction indiqués par le préfet; - Que néanmoins le Tribunal doit rechercher si le fait imputé au prévenu, et reconnu par lui, constitue un fait de chasse;

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Attendu que la chasse consiste dans la recherche et la poursuite du gibier pour s'en emparer; - Que l'on ne peut faire rentrer dans cette définition le fait du propriétaire ou du fermier qui se borne à repousser et à détruire les animaux qui causent un dommage à ses biens, dans le but de faire cesser le préjudice qu'il éprouve; Qu'il semble juste de décider, dans ce cas, que le propriétaire ou le fermier ne fait qu'user du droit naturel de défendre sa propriété attaquée; - Attendu que ce droit de légitime défense est reconnu en ce qui concerne les animaux domestiques, savoir: à l'égard des pigeons, par le décret du 4 août 1789, et par celui du 6 octobre 1791, sur la police rurale, à l'égard de toute espèce de volailles;-Que la loi de 1790 sur la chasse l'avait également consacré vis-à-vis des animaux sauvages, dans son article 15, qui a été reproduit par le paragraphe 3 de l'article 9 de la loi du 3 mai 1844 sur la police de la chasse, qui nous régit aujourd'hui ; Que l'article 9 dit, en effet, que le propriétaire ou fermier, indépendamment du droit qu'il a de détruire en tout temps sur ses terres les animaux déterminés comme malfaisants ou nuisibles par les préfets, peut, en outre, repousser ou détruire, même avec des armes à feu, les bêtes fauves qui porteront atteinte à sa propriété ; - Qu'il résulte de la discussion du projet de loi à la Chambre des pairs et à celle des députés que, par le mot bétes fauves, emprunté à la loi de 1790, le législateur a voulu désigner les bêtes sauvages et traduire ainsi le mot feræ bestie du droit romain;

Attendu, en effet, que M. Franckarré, dans son rapport à la Chambre des pairs, à la séance du 3 mars 1844, après avoir parlé des bêtes fauves, résume sa pensée en disant : « Ainsi les animaux nuisibles ou malfaisants ne pour

(1 et 2) C'est en ce sens que le droit de défense de la propriété contre les déprédations des animaux de diverses sortes a été interprété par la jurisprudence la plus récente. Voir Dalloz, Table des vingt-deux années, vo CHASSE, nos 166 el suiv. - Voir aussi Giraudeau, la Chasse, nos 567 et suiv.

(3) Le même fait a été considéré comme justifié dans une espèce où il s'agissait de repousser un vol d'oiseaux qui venait de s'abattre sur un champ seme de fourrage (Agen, 21 mai 1852, D. P., 1852, II, 10). Le bien fondé de cette décision nous a paru contestable, parce qu'on n'aperçoit pas bien la nécessite de recourir à une arme à feu quand il pourrait suffire du jet d'une pierre ou de l'emploi de tout autre moyen du même genre.

ront être détruits que suivant les conditions déterminées par les arrêtés des préfets, sauf le cas où ils porteront dommage aux propriétés»; - Attendu que M. Crémieux s'était exprimé exactement dans le même sens à la Chambre des députés, et que M. le garde des sceaux disait aussi : « La première partie du paragraphe 3 de l'article 9 s'applique au cas où il s'agit de détruire les animaux malfaisants ou nuisibles par leur nature, encore qu'ils ne nous portent aucun préjudice; la seconde partie est relative au cas où il s'agit de détruire ou de repousser les animaux nuisibles, alors seulement qu'ils nous portent préjudice »; Attendu que c'est dans ce sens que la jurisprudence a interprété la disposition finale du troisième paragraphe, et qu'elle a décidé en conséquence, avec la plupart des auteurs qui ont écrit sur la chasse, que les propriétaires, possesseurs ou fermiers ont en tout temps le droit de défendre leurs propriétés en détruisant les animaux qui y portent dommage, pourvu que ce droit ne soit exercé qu'au moment où le dégât est causé, alors même que ces animaux n'ont pas été désignés comme nuisibles par les préfets;

-

Attendu que, le droit étant ainsi défini, il ne reste plus à résoudre que la question de fait spéciale à la cause actuelle, à savoir: si le prévenu a fait la preuve d'un préjudice par lui éprouvé ; Qu'il ne peut lui suffire, en effet, d'invoquer la voracité et la réputation de franc pillard du moineau, mais qu'il doit démontrer que les moineaux sur lesquels il a tiré causaient en ce moment un dommage à son gerbier de blé; - Attendu que Destras n'a point fait cette preuve, et qu'il paraît d'ailleurs certain au Tribunal que la perte de quelques épis avariés par l'humidité et la pluie, dont ces oiseaux ont pu dérober les grains, ne saurait constituer un préjudice sérieux et appréciable; d'où il suit que c'est à bon droit que le prévenu a été poursuivi pour délit de chasse sans permis; Par ces motifs, CONDAMNE, etc.

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Du 11 novembre 1872. Trib. corr. de Montbrison. MM. Chaize, prés.; Lagrange, subst.; Montagne, av.

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Canal, étang desséché, préemption (droit de).

Le droit de préemption appartenant aux propriétaires riverains sur les portions délaissées des canaux ou cours d'eau navigables est inapplicable à un étang desséché ayant servi de réservoir d'alimentation à un canal (L. 24 mai 1842, art. 3; arr. minist., 2 oct. 1844).

(L'Etat c. Jobard-Dumesnil.) — ARRÊT.

LA COUR: Considérant que, l'Etat ayant mis en vente aux enchères publiques, conformément aux lois de 1790, des étangs desséchés et remis à l'administration des domaines en 1836, ayant servi de réservoirs d'alimentation au canal du Centre depuis 1792, l'un, l'étang Marigny, d'une superficie de 3 hectares 13 ares 50 centiares, l'autre, l'étang de Panneceaux, d'une contenance de 3 hectares 32 ares, Jobard-Dumesnil a formé opposition à cette vente, parce qu'en qualité de riverain il prétend exercer un droit de préemption aux termes de la loi du 24 mai 1842 et de l'arrêté du ministre des finances du 2 octobre 1844; - Que cet arrêté ministériel assimile, il est vrai, les voies fluviales aux voies de terre, en conformité de la loi de 1842; mais que, comme cette loi, il doit être sainement interprété dans son texte et dans son esprit; Que la loi de 1842 ne s'applique qu'aux portions de routes royales délaissées par suite de changement de tracé ou d'ouverture d'une

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nouvelle route, et attenantes aux propriétés riveraines; Que ce droit de préférence ou de préemption, étant une dérogation au mode général adopté pour la vente des domaines de l'Etat, ne peut être étendu au delà de ses exactes limites; Que si, par un sentiment de haute équité, le législateur a accordé cette faculté exceptionnelle, exorbitante du droit commun, au riverain d'une route royale ou d'un cours d'eau navigable, c'est que, considérant la bande de terrain détachée de la route ou du cours d'eau comme un démembrement du fonds limitrophe, il a voulu restituer au riverain les avantages dont il était dépossédé et faciliter l'accès de son héritage « en compensation du tort qu'il éprouvait par la suppression de l'ancienne voie »; - Qu'il est facile, en effet, de comprendre quels inconvénients pouvait entraîner la modification des lieux par l'interposition d'un acquéreur étranger; Que tels sont les motifs de la loi exposés dans le rapport au Corps législatif; Que, s'il en est ainsi, et encore bien que les étangs ayant servi de réservoirs d'alimentation au canal du Centre aient été, à certains titres et dans un intérêt d'utilité générale, une dépendance de ce canal, on ne peut sérieusement les envisager comme « des bras ou lits d'un cours d'eau navigable », et par suite comme des parcelles délaissées du cours d'eau lui-même; Que, fonds distincts et déterminés, formant un corps à part et d'un périmètre souvent considérable, ils ne rentrent ni par leur caractère, ni par leur étendue, ni par leur valeur, ni par leur affectation primitive dans les dispositions édictées et laissent subsister dans toute son intégrité le canal auquel ils ne sont plus nécessaires; - Que le droit de préemption, étant corrélatif du droit d'accès supprimé, ne peut donc avoir lieu dans l'espèce; - Qu'on ne peut mutiler ainsi le droit de propriété de l'Etat et le forcer à diviser, à morceler des immeubles d'un seul bloc en autant de lots qu'il y aurait de riverains maîtres de les acquérir, chacun en droit soi, comme s'il s'agissait de parcelles abandonnées attenant à leurs propriétés; Qu'une pareille exécution de la loi suffirait seule à en fixer le sens, à le limiter, et non à l'étendre à des accessoires plus importants que le principal; Que cette faculté ne serait plus qu'un privilége illégitime, une concession injustement faite à quelques propriétaires au mépris de la libre concurrence et au détriment de la fortune publique ; — Qu'il y a lieu dès lors d'infirmer la sentence des premiers juges; Par ces motifs, statuant sur l'appel interjeté par le préfet de Saône-et-Loire au nom de l'Etat du jugement rendu par le Tribunal civil de Châlons-sur-Saône ; RÉFORME.

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N° 174.

COUR DE CASSATION (Ch. req.). — 26 mars 1872.

Usage forestier, délivrance, prescription.

Dans le cas où une commune a transformé les délivrances qu'elle devait à des usagers individuellement et suivant les besoins de chacun d'eux en une délivrance fixe et annuelle faite à un syndicat pour les usagers collectivement, les actes de délivrance consentis par la commune au syndicat interrompent la prescription du droit d'usage (1) sans d'ailleurs

(1) Voir l'arrêt de Pau du 4 avril 1870 (S., 1871, II, 117; P., 1871, 478).-Jugė, à cet égard, que les actes de délivrance consentis par le propriétaire au profit de l'usager interrompent la prescription, alors même qu'ils auraient été accompa gnés de réserves: Cass., 15 juillet 1858 (S., 1859, I, 154; P., 1859, 577). Mais décidé, d'autre part, que les délivrances usagères ne constituent que des me

LÉGISLATION ET JURISPRUDence.

lier les parties pour l'avenir (1). (C. civ., 708, 2045, 2228 et suiv., 2248 et suiv.)

(Commune de Baudéan c. Arribarat et autres.)

En exécution de l'arrêt interlocutoire de la Cour de Pau du 4 avril 1870 (S. 1871.2.117,-P. 1871. 478), une enquête a eu lieu. Puis l'affaire est revenue devant la Conr qui, le 15 mars 1871, à rendu un arrêt définitif ainsi conçu:

«Attendu que de l'enquête à laquelle il a été procédé, en exécution de l'arrêt interlocutoire du 4 avril 1870, il résulte que les forains propriétaires sur le territoire de Baudéan, et ayant, en vertu d'une transaction de 1705, des droits d'usage sur les bois de cette commune, notamment pour l'entretien de leurs bordes, ont été, jusqu'en 1845 ou 1846, c'est-à-dire jusqu'à une époque remontant à moins de trente années, représentées, dans tous leurs rapports avec la commune de Baudéan, par des syndics qui ont agi et qui ont été acceptés par la commune comme agissant au nom de tous les intéressés ; qu'il en résulte, en particulier, que, quelles que soient, à cet égard, l'éten due ou les limites du mandat conféré à ces syndics par l'acte constitutif des droits d'usage, ce mandat, jusqu'à l'époque ci-dessus indiquée, a été, d'un commun accord entre les usagers et la commune, exercé de telle sorte que la commune n'a pas eu affaire aux usagers individuellement, mais seulement aux syndics, et s'est déchargée sur ceux-ci, au moyen de délivrances annuelles constituant une sorte de forfait, des délivrances indéterminées qu'elle devait à chaque usager, suivant ses besoins; que cette manière de procéder a été spécialement mise en usage pour les délivrances de bois de construction; que le doute qui, au premier aperçu, pourrait naître sur ce point du terme d'affouage employé par certains témoins, est levé par cette double circonstance: d'une part, que les usagers, d'après leur titre, n'avaient droit à aucune coupe affouagère; d'autre part, que les témoins qui se servent de ce terine ont expliqué que les bois dont ils ont parlé sous cette désignation étaient des bois propres à la construction; que, dans ces circonstances, le terme d'affouage ne fait, au contraire, que confirmer la périodicité des délivrances faites, par abonnement, aux usagers dans les mains de leurs syndics; - Attendu que, ces faits établis, il ne s'agit plus que de savoir s'ils constituent, de la part de la commune, une reconnaissance des droits des usagers contre lesquels elle invoque la prescription; qu'en fait de reconnaissance interruptive de la prescription, il n'en est pas de plus efficace que celle qui résulte de l'exécution par le débiteur du titre contre lequel il prétend prescrire; qu'une telle reconnaissance ne soulève qu'une question d'intention et de bonne foi, indépendante de la régularité du mode d'exécution, et qu'il suffit que le mode adopté par les parties, dans l'espèce, implique que la commune a entendu, par la manière dont elle a procédé, exécuter le titre vis-à-vis de tous les usagers et satisfaire aux droits de chacun d'eux, pour que chacun puisse s'en prévaloir comme d'une reconnaissance interruptive de la prescription par elle invoquée;

Or, attendu que c'est ce qui résulte des faits ci-dessus relatés et particulièrement de la circonstance que, jusqu'en 1845 ou 1846, la commune de Bau déan, ayant exécuté le titre de 1705, en transformant les délivrances qu'elle

sures de police et des formalités administratives dont l'accomplissement n'implique pas nécessairement l'aveu ou la reconnaissance du droit : Poitiers, 20 mars 1872 (S., 1872, II, 127; P., 1872, 612).

(1) Mais en principe, le mode d'exercice d'un droit d'usage comme celui de tout autre servitude peut être changé par la prescription: specialement le droit d'une commune à la délivrance d'un nombre fixe de stères de bois, peut être substitué, lorsqu'il a été exercé pendant plus de trente ans, au droit à la délivrance proportionnelle aux feux de la commune, tel qu'il est établi par le titre constitutif de l'usage. Voir Cass., 19 janvier 1852 (S., 1852, I, 826; P., 1854, II, 86).

devait aux usagers individuellement, et suivant les besoins de chacun d'eux, en une délivrance fixe faite aux syndics pour tous les usagers collectivement, a, par ce mode d'exécution, pratiqué et accepté de bonne foi, qui n'engage sans doute aucune partie pour l'avenir, mais qui n'en est pas moins un fait constant du passé, reconnu les droits de tous les usagers figurant dans le titre précité; que cette reconnaissance remontant à moins de trente années, la commune est mal fondée dans son exception de prescription; — Par ces motifs, confirme. >>

POURVOI en cassation par la commune de Baudéan. — Moyen unique. Violation des articles 691, 706, 707, 708, 2045, 2228 et 2 229 du Code civil, en ce que la Cour a déclaré non éteint par la prescription un droit d'usage prétendu par des particuliers dans les bois d'une commune, bien qu'il soit constaté par les juges du fait, que ce droit a cessé depuis plus de trente ans d'être exercé conformément au titre qui l'avait établi, sous prétexte qu'un usage différent, s'exerçant dans des conditions différentes, aurait été substitué à l'usage primitif par une sorte de forfait avec la commune, alors que cette commune n'était pas autorisée à cette transformation irrégulière et non obligatoire.

ARRÊT.

LA COUR: Sur le moyen unique du pourvoi, tiré de la violation des articles 691, 706, 708, 2045, 2228 et 2229 du Code civil; - Attendu que l'arrêt attaqué déclare, en fait, que si les propriétaires forains, bien tenant dans la commune de Baudéan, n'ont pas reçu individuellement et directement de cette commune la délivrance des bois que leur assurait la transaction du 17 août 1705, ils en ont été appropriés par l'intermédiaire de leurs mandataires, acceptés comme tels par la commune; que ce mode d'exécution pratiqué de bonne foi jusqu'en 1845 ou 1846, et conformément à l'intention commune des parties, a suffi pour assurer le maintien de leurs droits et de leurs obligations respectives; Attendu qu'en décidant, dans ces circonstances, qu'une semblable exécution, si elle ne liait pas les parties pour l'avenir, impliquait, de la part de la commune, une reconnaissance du titre constitutif de la servitude et ne permettait pas d'accueillir l'exception de prescription par elle invoquée, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des articles de loi visés par le pourvoi; - REJETTE.

Du 26 mars 1872. Ch. req.. - MM. de Raynal, prés.; Dagallier, rapp.; Reverchon, av. gén. (concl. conf.); Bosviel, av.

COUR DE CASSATION (Ch, req.).

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No 175. - 16 avril 1872. Eau (cours d'), travaux, autorisation, suppression, compétence. L'autorité judiciaire est compétente pour ordonner la suppression des travaux autorisés par l'administration sur un cours d'eau non navigable, alors que l'arrêté d'autorisation a été pris sur la demande et dans l'intérêt purement privé d'un riverain, et sous la réserve des droits du tiers (1). (C. civ., 644, 645.)

(Lassale c. de Supervielle.)

Rappelons brièvement, en les complétant, les faits nécessaires à l'intelli

(1) La jurisprudence paraît se fixer en ce sens. Voir l'arrêt attaqué de Pau, 22 juillet 1872 (S., 1872, II, 310; P., 1872, 1215), et le renvoi. Voir aussi les observations de M. le conseiller rapporteur et les conclusions de M. l'avocat général que nous reproduisons au cours de l'article.

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