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noncer tant pour lui que pour ses successeurs, tous titres et droits sur l'Espagne, dont Philippe V et ses successeurs étaient reconnus rois, et Philippe V, de son côté, devait renoncer à tous droits et prétentions sur les Pays-Bas et les états d'Italie qui avaient fait autrefois partie de la monarchie espagnole, ainsi qu'au marquisat de Final, et aux droits de réversion sur le royaume de Sicile; mais on lui accordait (art. V) tout ce qu'il pouvait prétendre sur les successions éventuelles de Parme et de Toscane, et l'empereur s'obligeait, lorsque ces successions seraient ouvertes, d'en donner l'investiture aux enfans de la reine d'Espagne à qui elles devaient échoir.

L'article VI dérogeait à celui du traité d'Utrecht, qui avait assigné la Sicile au duc de Savoie. Il portait que ce prince la rendrait à l'empereur, et qu'en échange, on lui ferait céder par l'Espagne, les royaume et île de Sardaigne, dont elle s'était emparée par la voie des armés, etc.

La cour de Madrid furieuse d'un traité qui lui dictait des lois, quand elle se proposait elle-même d'en donner, s'attacha à empêcher la ratification des états-généraux, et elle y parvint. L'ambassadeur d'Espagne à la Haye, le marquis de BerettiLandi, fier de cette réussite, fit même frapper à ce sujet une médaille ironique (1), Mais ce léger

(1) Cette médaille présentait un char portant les géniés de l'Au

succès de l'Espagne ne fut que de courte durée, puisque les Provinces-Unies accédèrent à la quadruple alliance, le 16 février de l'année 1719.

Le traité de la quadruple alliance arrêta l'humeur effervescente d'Alberoni qui, par goût pour la célébrité, voulait incendier l'Europe. Ce fut l'abbé Dubois qui eut le principal honneur de ce traité, qui n'était au fond qu'une confirmation ou une suite de celui de la triple alliance de l'année précédente.

Ce négociateur, en quittant Londres, y laissa en qualité de chargé d'affaires, le secrétaire d'ambassade Néricault Destouches, homme d'un esprit agréable, qui avait quitté le service où il était d'abord entré pour suivre le marquis de Puysieux en Suisse. Le régent charmé de son talent pour le théâtre, l'avait donné à l'abbé Dubois, qui le présenta au roi Georges, et s'en servit utilement pour ses propres intérêts, en chargeant Destouches de faire recommander par le roi d'Angleterre plusieurs de ses demandes au duc d'Orléans (1).

triche, de la France et de l'Angleterre, tendant toutes trois la main à la Hollande assise sur un lion, tenant d'une main le bonnet de la liberté, et de l'autre la quatrième roue, qu'elle refusait de joindre aux trois autres roues du char. Au bas, on lisait : Sistit adhuc quartá deficiente rotá.

I

(1) Destouches se retira dans la suite à la campagne près de Melun, avec une pension de 6000 livres, et mourut en 1754, non moins estimé par ses talens que par la modération de son caractère.

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1718.

du conseil des

Le duc de Savoie, Victor-Amédée II, adhéra au traité de la quadruple alliance, par un acte signé à Londres le 8 novembre 1718; mais Philippe V le rejeta; ce qui joint à d'autres circonstances que nous rapporterons bientôt, alluma la guerre entre la France et l'Espagne.

Le régent supprima à la fin de septembre 1718 Suppression les conseils qui tenaient lieu des secrétaireries affaires étran- d'état, et rétablit celles-ci dans la forme qu'elles avaient sous le règne précédent.

gères; sa politique.

Le maréchal d'Huxelles, président du conseil des affaires étrangères, fut nommé ministre d'état, et entra en cette qualité au conseil.

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Le conseil des affaires étrangères eut peu de consistance et d'aplomb. S'il en faut croire Bolingbrocke, qui traita souvent avec lui pour les intérêts du prétendant, ses membres promettaient et niaient ce qu'ils avaient promis, et n'avaient ni plan, ni systême arrêté. Il est vrai que le régent contribuait à cette incertitude de vues, en ne donnant connaissance au conseil que d'une partie de ses desseins, et ne lui communiquant souvent les traités qu'après leur conclusion.

En théorie, l'institution des conseils pour chaque ministère, peut être bonne; mais l'exécution en est rarement heureuse, au moins pour le département des affaires étrangères. Indépendamment des vices propres à tous les conseils, la lenteur et le défaut d'ensemble, il s'y rencontre un incon

venient plus dangereux pour l'état, qui est la divulgation du secret, laquelle est bien plus dangereuse dans les affaires du dehors que dans celles du dedans. Un ministre sera à peu près sûr de son secret; un conseil ne l'est jamais, parce l'auteur de l'infidélité ou de l'indiscrétion est difficilement découvert, et que le soupçon de la divulgation s'étendant sur tous, ne frappe personne. De plus, dans la rédaction des principales dépêches, il faut une unité de conception et de vues d'exécution qui se trouve rarement dans plusieurs têtes.

que

de

1718.

Nomination

l'abbé Du

bois au minis

e

tère.

Le régent nomma le 24 septembre, l'abbé Dubois pour remplir les fonctions de secrétaire d'état pour les affaires étrangères. Il avait la confiance de ce prince, et une connaissance personnelle de tout ce qui s'était passé dans son cabinet, dont il était le principal agent. Le régent persuadé, d'après le rapport du mar- Intrigues da quis de Louville, qu'il avait envoyé en Espagne, pagnc. qu'on y tramait quelque dessein contre son autorité, avait cru devoir opposer l'intrigue à l'intrigue, en fomentant parmi les espagnols un parti ennemi de la cour, et en brouillant Alberoni avec 'le jésuite d'Aubenton, confesseur de Philippe V.

L'ambassadeur de France en Espagne, était Beauvilliers, duc de Saint-Aignan, frère du sage

(1) Mém. polit. et milit., t. V.

régent en Es

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duc de Beauvilliers, gouverneur du duc de Bour.

gogne.

Le régent entama avec cet ambassadeur une négociation directe. Pour s'assurer du secret, le duc de Saint-Aignan avait ordre de chiffrer et de déchiffrer lui-même les dépêches, et devait envoyer ses lettres sous trois enveloppes : la première à l'adresse d'un banquier de Bayonne; la seconde à celle du marquis de Louville; la troisième à celle du régent.

Il était sur toutes choses recommandé au duc de Saint-Aignan, de tâcher de pénétrer les vues du père Daubenton. Pour y parvenir, il devait conserver avec lui l'intimité la plus étroite, et paraître même sa dupe aux yeux de tout le monde, et surtout du cardinal Alberoni, ou que du moins on soupçonna entr'eux des communications mys térieuses. Si le confesseur, craignant que les assiduités de l'ambassadeur ne lui fissent tort, le priait de les réduire; il fallait lui en rendre moins, mais à des heures et d'une façon qui augmentassent les ombrages d'Alberoni. Il fallait chercher par toutes sortes de voies à les brouiller ensemble. « Souvenez-vous, écrivait le régent à l'ambassadeur, le 2 septembre 1716, au sujet de Daubenton, que c'est un homme très rusé et très artificieux, dont il faut vous défier autant que personne, et qui, quelque mine qu'il vous fasse au dehors, est très étroitement uni avec Alberoni, et n'oubliez

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