ODE XXVIII. . LE PORTRAIT Oroi, le plus habile & le plus gracieux Des peintres que Rhodes nous vante , Fais ici de ton art un effort glorieux, Trace-moi les attraits de ma Maîtresse absente, Tâche de la peindre à mes yeux Telle qu'elle est à ma memoire. Peins d'abord ses cheveux, fai, qu'à mes yeux charmez Ils semblent , s'il se peut , d'essences parfumez. Que son front sous leur couleur noire Efface la blancheur des lis. Ni separez, ni réunis; Qu'on n'apperçoive presque pas. Jettent une douce lumiere. de Pallas Αμα δ' υγegν ως Κυθήρης. REMARQUES Toi le plus habile e le plus gracieux O Des Peintres que Rhodes nous vante.] C'eft ainfi que j'ai cru pouvoir exprimer ζωγράφων άρισε Ροδίης κoίρανς Pein son cou, Humides & brillans, armez de mille appas, Qu'unc blancheur vive, animée, son menton en leur forme parfaits ; Pein sans cesse autour d'eux les Graces volti geantes. Habille-la de pourpre , & fai que de son corps Une aimable partie, échappant de fa robe, Nous fasse juger des tresors, C'en est assez, l'ouvrage est fait. Téxons ; car de rendre en françois xoigare τέχνης , Téyvus , par le Roi de l’art, cette expression me paroît trop vulgaire. Je croi, comme Mr le Fevre & Mad. Dacier, qu'il faut mettre lúpane, au lieu de noigers , parce que les deux premieres syllabes de xogave, font un trochée, où il deyroit y avoir un ïambe. Il eft vrai : pent. C'est qu'Anacréon n'en fait point de difficulté dans plusieurs autres de ses Odes ; mais dans celle-ci il y a été très-exact , & il n'auroit pas voulu être irregulier dans un seul vers qu'il pouvoit corriger li facilement. Pein d'abord ses cheveux. ] J'en dis la la couleur deux vers plus bas. Qu'il semble, s'il se peur. ] Il y a dans y l'Original : si la cire le que les Anciens peignoient avec de la cire , à laquelle ils donnoient toute sorte de couleurs. Anacréon ne demande pas là au Peintre qu'il fasse à sa Maîtresse des cheveux parfumez, dont il puisse sentir l'odeur ; car la Peinture, comme dit Mr. le Fevre, n'est pas pour le nez , elle est pour les yeux. Mais il souhaite , à mon avis , qu'il pu sse exprimer le luisant que les parfums donnent aux cheveux noirs. Qu'ils soient bleus tels que ceux de Pallas.] Pallas ou Minerve, c'est la même Déesse, Elle avoir les yeux d'un bleu tirant sur le verd. On les nomme en françois des yeux pers ; mais ce mot n'est pas trop Humides brillans. ] De ces deux epithetes , il n'y a que la premiere dans le texte , & j'y ai joint la seconde, qui marque connu. > marque l'effet de cette premiere. Le Tafle n'a pas oublié de peindre ainsi les yeux d'Armide. Qual raggio in onda le scintilla un riso Negli umidi occhi tremulo e lascivo. Qu'une blancheur vive, animée, &c.] J'ai suivi l'explication de Mr D. en traduifant ρόδα τα γαλακτι μίξας. En effet de dire comme dans l'Original : Mêle les roses au lait , pour faire la couleur de for nez; cela ne feroit pas en nôtre langue une idée assez juste de la pensée d'Ana. créon. Que le feu du coral , &c.] Il y a dans le Grec : Fais lui les lévres comme celles de la Persuasion : Mais nous ne connoissons point cette Déesse en françois. Quand les lévres sont faites, comme je les des mande ici, elles sont assez persuasives. |