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Considérant enfin que le demandeur prétend que Thibault a commis une faute grave en ne garantissant pas la scie d'un appareil de protection qui aurait pu empêcher l'accident; mais qu'il n'indique pas à quel appareil il fait allusion et comment cet appareil aurait pu le protéger; que des renseignements fournis au tribunal il résulte que les scies circulaires fonctionnent ordinairement comme fonctionnait celle de Thibault; que, si l'on peut concevoir et s'il existe pratiquement des cadres en bois recouvrant en partie les scics circulaires destinées à couper ou découper des bois de faible volume ou petite épaisseur et surtout d'épaisseur à peu près régulière, il n'en est pas de même des scies. destinées à opérer le débit des fortes pièces de bois en grume de forme et d'épaisseur irrégulières, et que de ce chef encore Thibault ne saurait être reconnu en faute;

Par ces motifs,

Déboute Cirodde de sa demande et le condamne aux dépens.

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Note. · I-II.

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Sur le premier et le second point: Comp. Paris, 3 avril 1895

(Gaz. Pal. 95.1.579), et 7 novembre 1895 supra.

(Gaz. Palais)

No 32.-COUR D'APPEL DE NANCY (Ch. corr.)—27 Mai 1896.

Correspondance particulière de la Gazette du Palais.

Pêche. Pêche fluviale. Délit. Prescription d'un mois. -Point de départ. Clôture du procès-verbal.

La prescription d'un mois en matière de délit de pêche ne court pas du jour de l'ouverture du procès-verbal, mais seulement du jour de la clôture du procès-verbal.

MINISTÈRE PUBLIC c. ROGER ET AUTRES.

Le Tribunal correctionnel de Nancy, le 25 avril 1890, avait rendu le jugement suivant :

Attendu que, suivant assignation de l'huissier Julliac, de Pont-à-Mousson, en date du 14 avril 1896, Roger, Derlau et Henry sont cités devant le tribunal correctionnel comme prévenus d'avoir à Pont-à-Mousson, le 13 mars 1896, pêché sans autorisation, dans la Moselle, et capturé des poissons de dimensions non réglementaires ;

Attendu qu'aux termes de l'art. 62 de la loi du 15 avril 1829 les actions en réparation de délits de pêche se prescrivent par un mois à compter du jour où les délits ont été constatés; que le délit commis par les trois prévenus a été constaté le 13 mars 1896, à trois heures de l'après-midi, ainsi que le constate le procès-verbal dressé par le garde-pêche Rouvelin, et ce contre des personnes désignées dans ce procès-verbal; que le dernier jour utile pour assigner les prévenus était donc le 13 avril 1896; qu'en conséquence l'assignation donnée le lendemain 14 avril était tardive;

Par ces motifs,

Dit que l'action publique était prescrite le 14 avril 1896, jour de leur assignation; en conséquence, les renvoie des poursuites, etc.

Sur le rapport du ministère public,

LA COUR:

ARRÊT:

Attendu qu'aux termes de l'art. 62 de la loi du 15 avril 1829 l'action en réparation des délits en matière de pêche se prescrit par un mois à compter du jour où les délits ont été constatés, lorsque les prévenus ont été désignés dans le procès-verbal;

Attendu que cette disposition doit évidemment s'entendre en ce sens, que la prescription ne commencera à courir que du jour de la clôture du procèsverbal, puisque c'est à cette date seulement que le délit est « légalement >> constaté, et que le procès-verbal, qui auparavant n'était qu'un projet, devient un « titre complet et régulier pouvant servir de base à l'action du ministère public;

Attendu, en fait, que le procès-verbal dressé contre les prévenus a été clos et signé par l'agent rédacteur à la date du 15 mars 1896;

Attendu, d'autre part, que l'assignation, qui est le premier acte de la poursuite, leur a été signifiée le 14 avril 1896, c'est-à-dire moins d'un mois après la clôture du procès-verbal, et que, dès lors, la prescription n'étant pas encore accomplie, la poursuite a été régulièrement engagée;

Attendu, au fond, que la preuve des délits imputés aux prévenus est établie par un procès-verbal régulier et non contesté, dressé par le garde Rouvelin, et duquel il résulte qu'ils ont été surpris, le 13 mars 1895, pêchant avec un filet dans la Moselle sur le territoire de Pont-à-Mousson, sans la permission du propriétaire du droit de la pêche; qu'il résulte également de ce procès-verbal qu'au moment où le délit a été constaté par le garde ils avaient déjà pris environ un demi-kilogramme de poissons, n'ayant pas les dimensions réglementaires;

Attendu, enfin, que les prévenus ont eux-mêmes reconnu, ainsi qu'en fait mention le procès-verbal, l'existence de ces deux délits qui sont prévus et réprimés par les art. 5 et 30 de la loi du 15 avril 1829;

Attendu, quant à l'application de la peine, que les trois prévenus ont une excellente réputation et n'ont jamais subi de condamnation; qu'ils ne sont pas signalés comme des délinquants habituels, et que le fait qui leur est reproché paraît tout à fait exceptionnel de leur part;

Attendu que, dans ces conditions, il y a lieu de leur faire l'application de

l'art. 72 de la loi précitée, en admettant en leur faveur l'existence des circonstances atténuantes ;

Par ces motifs,

Reçoit l'appel du ministère public et y faisant droit :

Réforme et met à néant le jugement du Tribunal de Nancy du 25 avril 1896, en ce qu'il a à tort admis l'existence de la prescription en faveur des pré

venus;

Et statuant à nouveau, etc..., les condamne solidairement en 5 francs d'amende chacun.

Présidence de M. Angenoux.-M. Baradez, subst. proc. gén. Me de Courteville, av.

Note. — La solution admise par la Cour nous paraît entièrement juridique. La question avait été résolue dans le même sens en matière de délits forestiers : V. Cass, 31 août 1850 (D. 50.5.363). Sic: Dalloz. v° Prescription criminelle, nos 190 à 193, et supp., eod. verb., n° 215. - D'autre part, également, suivant M. Faustin Hélie (Traité de l'instruction criminelle, t. III, p. 193), on doit décider que, pour les délits de pêche fluviale, la prescription ne court que du jour de la clôture des procès-verbaux.

Toutefois cette solution, admise par la doctrine, n'avait, à notre connaissance, été appliquée par la jurisprudence qu'une seule fois et par un arrêt déjà ancien. Metz, 23 novembre 1865 (D. 67.2.59). (Gaz. Palais.)

No 33.

DU DÉLIT DE PÊCHE A LA MAIN ET

DE SA REPRESSION

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Dès que les blanches affiches annoncent à tous l'ouverture de la pêche, les fervents de ce paisible sport, en se frottant les mains, préparent leurs instruments de capture inutiles depuis des mois. Il en est qui se peuvent contenter de se frotter les mains, car les profanes s'en étonneront peut-être elles constituent à elles seules leur unique instrument de pêche. Instrument qui en vaut bien un autre, puisque le législateur a vu son attention spécialement attirée sur la pêche à la main et n'a pas cru inutile d'édicter, pour la réprimer, une disposition spéciale (art. 15, § 3, du décret du 10 août 1875) 1.

M. Flandin donne en ces termes la description de ce mode de pêche fructueux quoique primitif :

1. Déjà il avait été question de réprimer ce mode de pêche dans la loi de 1829. La disposition du projet fut écartée sur ce point par cette raison que mieux valait laisser au pouvoir réglementaire le soin de s'expliquer. Celui-ci tarda quelque peu le décret du 25 janvier 1868 resta muet sur ce point; la Cour de cassation, d'ailleurs, se fondant sur la généralité des termes de l'article 5 de la loi de 1829, appliquait à ce genre de pêche la pénalité prévue à cet article (Cass. crim., 2 août 1860. D. 60.1.523.)

« Le pêcheur n'emporte rien qui le trahisse, ni filets, ni engins, ni «< appâts. Il descend à l'eau ordinairement tout vêtu; il avance avec << précaution, fouillant avec la main les herbes et les racines: il plonge << dans les trous et va jusque dans les crevasses chercher les poissons. << Il arrive parfois qu'il en trouve plusieurs rangés côte à côte, immo<«<biles, la tête cachée sous une roche, alors surtout que l'eau a été battue « à l'avance et que le poisson affolé cherche à se mettre en sûreté. Un <«< homme habile les saisit l'un après l'autre par les ouïes et les lance << sur la berge à un compagnon qui tient le sac 1.

L'article 15 § 3 du même décret contient la prohibition suivante : « Il est également interdit, dit-il, de pêcher à la main, de troubler l'eau et de fouiller au moyen de perches sous les racines ou autres retraites fréquentées par le poisson. >>

Quelle est la sanction de cette prohibition? Le décret du 10 août 1875 est muet sur ce point et, à vrai dire, son silence s'explique, le droit commun étant de tous points applicable aux infractions que ce décret avait uniquement pour but de déterminer. Les peines édictées par la loi du 15 avril 1829, qui constitue notre Code de la pêche, seront applicables. En conséquence, avant l'ouverture ou après la clôture de la pêche, il conviendra de faire application de l'article 27 qui punit de 30 à 200 francs d'amende la pêche pendant les saisons et heures prohibées. Dans le cas contraire et si l'infraction consiste uniquement à avoir pêché à la main sans la permission de celui à qui le droit de pêche appartient, ce sont les articles 5 et 28 qui recevront leur application et le délinquant devra être condamné à une amende de 20 francs au moins et 100 francs au plus, indépendamment des dommages-intérêts et de la confiscation du poisson.

Donc aucune difficulté, semble-t-il, et la présente étude pourrait sembler au premier abord dénuée de tout intérêt.

Cet intérêt ne tardera point cependant à apparaître si nous nous plaçons dans l'hypothèse d'un délit commis en récidive, hypothèse très pratique, puisqu'en aucune matière, sauf peut-être en matière de chasse, les tribunaux n'ont aussi souvent à juger des délinquants d'habitude.

Une question se pose alors, très délicate en droit, fort importante en fait. Oui ou non, la peine de l'emprisonnement peut-elle être appliquée au coupable?

La jurisprudence paraît divisée sur ce point. La Cour de Paris, dans un arrêt rendu dans une espèce analogue où les raisons de décider sont

1. V. E. Martin, Code nouveau de la péche (1892), § 530.

exactement les mêmes, s'était, en 1867, prononcée très nettement pour la négative. Un arrêt récent de la même cour (22 mai 1896) tranche la question en sens contraire. A notre connaissance il n'existe pas de décision de la Cour suprême sur ce point. Mais nous ne doutons pas en ce qui nous concerne qu'elle ne condamne, le cas échéant, le revirement qui s'est produit dans la jurisprudence de la Cour de Paris. Nous croyons, en effet, qu'il est impossible de prononcer une peine d'emprisonnement sans étendre arbitrairement les termes d'une loi qui nous apparaît très claire, mais qui, fût-elle douteuse, devrait être, étant donné son caractère pénal, interprétée restrictivement.

C'est cette opinion que nous voudrions brièvement défendre.

La récidive en matière de pêche consiste, il n'est pas inutile de le rappeler tout d'abord, dans ce fait qu'un précédent jugement pour délit en matière de pêche a été prononcé contre le délinquant dans les douze mois qui ont précédé l'infraction dont il a à rendre compte (art. 69, loi 15 avril 1829).

Aux termes de ce même article, la récidive a toujours pour effet d'entraîner nécessairement le doublement de la peine.

Ceci posé, si nous supposons un prévenu condamné quelques mois auparavant pour un délit de pêche quelconque et comparaissant à nouveau en justice sous prévention de pêche à la main, soit en temps prohibé, soit en temps non prohibé, mais dans un lieu non réservé, quelles pénalités pourra-t-il encourir au maximum?

La réponse n'est pas douteuse, en ce qui concerne l'amende. Dans le premier cas c'est l'amende de l'article 27 doublée, c'est-à-dire 400 fr. Dans le second cas, c'est l'amende des articles 5 et 28 doublée, c'est-àdire 200 francs.

Mais dans un désir de répression, d'ailleurs légitime, les tribunaux pourront vouloir se montrer plus sévères et croiront devoir infliger de dix jours à un mois de prison. Le pourront-ils? Non. Suivant nous, nous le répétons, ils n'en auront pas le droit.

Pour le faire, en effet, il leur faudrait se fonder, comme la Cour de Paris dans l'arrêt récent dont nous rappelions tout à l'heure la date, sur l'article 7 de la loi du 31 mai 1865 dont il est indispensable de rapporter ici le texte et qui constitue le siège même de la discussion :

<«< L'infraction aux dispositions de l'article 1er du premier paragraphe de l'article 5 de la présente loi sera punie des peines portées en l'article 27 de la loi du 15 avril 1829 et, en outre, le poisson sera saisi et vendu sans délai dans les formes prescrites dans l'article 42 de ladite loi.

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