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lorfque vous aurez confacré le principe général, vous pe ferez fans doute que l'application exacte de ce principe doit appartenir à l'adminiftration particulière de chaque province.

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Les différences d'impôs dans les pays de droit. écrit, n'entraînent aucune diftinction humiliante. Le noble propriétaire d'un bien roturier paie toutes les taxes affectées à ce genre de poffeffions, & le bourgeois propriétaire d'un fief jouit de toutes les exemptions attachées à ce fol privilégié. L'in- › convénient de ces distinctions n'eft don que dans l'inégalité du fardeau fupporté par les divers fonds de terre, & la difficulté de rétablir la parité dérive du pré udice réel que fouffri oient les poffeffeurs de biens nobles, ces biens ayant été acquis & comptés dans les partages de familles pour un capital proportionné aux prérogatives qui leur étoient affurées. L'on ne pourroit donc détruire entièrement ces diftin&tions à l'égard des proprié ૐ taires laïcs, fans admettre, fans chercher du moins en même temps un fyftème de compenfation ou d'indemnité Ces règlemens diffemblables font vicieux dans l'ordre politique, puifqu'ils jettent fur une feule partie des terres tout le poids des impofitions; mais cette réflexion doit être balancée avec les égards dûs aux droits de propriété. Les loix de la juftice font auffi un patrimoine commun & chacun a droit de réclamer leur appui. Ce n'eft donc pas fous de fimples rapports d'adminiftration, qu'une fi grande queftion peut être jugée; il fembleroit même qu'elle devroit appartenir aux dé ibérations particulières de chaque province, & l'on ne prévoyoit pas que les Etatsgénéraux feront appelés à intervenir dans cette importante queftion, & fi l'Etat, pris collectivement, n'étoit pas intéreffé à maintenir dans toutes les provinces le plus d'égalité poffible dans la répartition des impôts, afin que chaque partie du grand enfemble jouiffe de toutes les forces, &,

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puiffe ainfi concourir dans une même proportion aux divers befoins du royaume.

IH. Une répartition plus équitable des impôts entre toutes les provinces, ne peut être foumife qu'à l'examen & aux délibérations de la Nation entière affemblée en Eta s-Généraux. Li faut, pour fe former une jufte idée des difproportions qui exiftent aujourd'hui, acquérir une connoiffance exacte de la fomme contributive de chaque province, & s'inftruire des exceptions & des fanchifes dont quelques-unes d'entre elles font en pof. feffion. Il faut enfuite, pour juger fainement da degré de justice ou de convenance de ces différe 1tes inégalités, avoir une notion certaine de l'étendue & de la population de chaque province, & il faut examiner les diverfes circonstances qui augmentent ou qui reftreignent leurs reffources.

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On mettra fous vos yeux, Meffieurs, un tableau général de la population, de lé endue & des contributions de chaque généralité; on vous fera consoite auffi les immunités dont jouiflent plufieurs provinces; mais la réunion de vos lumières formera, fans. contredit, la meilleure des inftructions relat mest aux avantages ou aux défavantages rehmat is de toutes les parties du royaume. Vess outdozerez Meffieurs, fi c'est à une procère teme des Etats-généraux qu'il convient de chercher à abre plus d'égalité entre les contributions de che province. Vous obferverez fas loure qe po fieurs de ces inégalités dérivent d'a ciens titres conftitutis, & vous vous trouveriez néceffaitement en a és dans plufieurs conteftations dificile & délicates, fi vous voulicz, dès cette première affemblée, ak pter une règle de proportion plus corf me a 1x pro pes gé éra..x de l'équité; ainfi vous croirez peut-être plus fage de vous en tenir aujourdui à l'esame des c conftanc sé émenines qui pourron fervir à remplir, dans un autre temps, le but auquel vous défirerez de par

venir. Ce qu'il faut, avant tout, pour élever lè grand édifice du bonheur public, c'eft de la paix & de la concorde ; ainfi les amis de ce bonheur doivent renvoyer à d'autres époques les idées de perfection & même de juftice dont l'application ne pourroit le faire fans exciter de vives réclamations. Affez d'autres fujets d'ombrage & de défiance féparent aujourd'hui les efprits; il ne faut pas, pour fe hâter de mettre la dernière main à un fyftême général, ouvrir des difcuffions dangereufes. Les améliorations de tout genre arriveront d'elles-mêmes à l'aide du temps, & il faut, avant tout, confolider le terrain fur lequel on veut bâtir.

Les mêmes obfervations fans doute ne font pas applicables à l'établiffement de l'égalité des répar titions entre les particuliers contribuables; cette égalité eft follicitée depuis long-temps par la plus nombreuse partie de la Nation. Les deux Ordres privilégiés ont déjà fait éclater de toutes parts les fentimens de juftice & d'équité qui les animent, & le projet qu'ils ont formé de renoncer volontairement aux avantages pécuniaires dont ils jouiffent.

J'ajouterai qu'une décifion fur l'égalité de la répartition entre les contribuables, bien loin d'être à craindre dans ce moment, comme le feroit peutêtre une difcuffion fur les charges refpectives de chaque province, deviendroit fûrement une fource précieufe d'harmonie. La parité une fois établie entre les facrifices pécuniaires des différens Ordres, combien de difficultés s'applaniroient! Il ne faut qu'une feule caufe d'ombrage & de rivalité pour fortifier & raffembler tous les prétextes d'oppofition; mais auffitôt que le principal motif d'éloignement eft détruit, on n'aperçoit, on ne fent plus que les raifons diverfes qui doivent porter à se rapprocher & à s'unir.

IV. Il est des impôts qui peuvent être modifiés Afféremment dans chaque province, fans qu'il en

réfulte aucun préjudice pour le refte du royaume ; tels font les aides & tous les droits purement locaux, & l'on peut s'en remettre aux délibérations de chaque province, fur la manière de réformer ou de changer ces fortes de contributions, fous la feule condition importante pour l'Etat de faire verfer la même fomme au tréfor royal. Mais il est des impôts dont le produit s'évanouiroit ou s'affoibiroit confidérablement, fi on dérangeoit partiellement les loix auxquelles leur recouvrement eft affujetti. Que dans une des provinces affujetties. aujourd'hui à la gabelle ou à la vente exclufive du tabac, on voulût fe fouftraire à ces impôts en les remplaçant par quelque autre, une telle difpofition ne pourroit avoir lien d'une manière isolée, fans blefler l'intérêt général. En effet, la faculté qu'auroit une nouvelle province de vendre à bas prix les denrées dont la vente privilégiée conftitue une des reffources de l'Etat, nuiroit effentiellement aux revenus du Roi, à moins qu'avec beaucoup de dépenfes, & à force de gardes & de loix fiscales, on ne parvint à féparer cette même province du refte du royaume. C'est du mélange des pays francs & des localités foumifes à l'impôt, que naît une fource intariffable de fraudes & de contrebandes ; & il réfulte de ces obfervations, que les changemens & les modifications applicables à certains droits généraux, doivent être préparés & conve nus dans l'affemblée nationale.

J'ai cité parmi ces droits, les impôts établis fur le fel & le tabac, mais ceux qui fe perçoivent aux frontières du royaume, font foumis au même principe. Les obftacles apportés à l'entrée & à la fortie de quelques marchandifes, deviennent nuls quand ils ne font pas généraux, ou bien l'on fe trouve obligé d'établir des barrières entre les provinces intérieures & celle qui trafique librement avec l'étranger.

Les droits impofés fur certaines fabrications

doivent encore être foumis à des règles uniformes, puifque toute exemption accordée à une province en particulier, lui donneroit fur les autres un ava tage qui écarteroit leur concurrence.

La diverfité des droits fur les actes n'eft pas auffi préjudici.ble an revenu du Roi que les autres difparités dont en vient de parler; car on ne peut jouir de la modé ation de ces droits dans un lieu particulier, fans s'y transporter perfonnellement. Cependant la communication de proche en proche rendront toujours préjudiciable aux revenus du fifc, la difparité des droits fur les tranfactions, & fous ce rapport, leur uniformité devient intér: ffante pour l'Etat,

Ces divers exemples fuffifent pour faire connoître qu'il eft des impôts dont la réforme ou les changemens doivent appartenir à la délibérationd'une affemblée nationale, tandis que la modification de certaines contributions peut être foumife fans aucun inconvénient à l'administration particu. lière de chaque province.

On a préparé, Meffieurs, des renfeignemens & des mémoires fur toutes les parties d'impôt qui pourront occuper l'intérêt & l'attention des Etatsgénéraux; ainfi l'on n'entrera pas ici dans des explications plus étendues.

V. Le plus grand nombre des queftions & des reglemens de commerce foat du reffort de l'affemblée commune de la Nation, car les mêmes principes do ven: fixer les relations & les connexions de la France avec les pays étrangers, favorifer également l'induftrie dans toutes les provinces, &affranchir le génie national des entraves qui peuvent arrêter les efforts.

Il eft une grande délibération relative au commerce François, qui pourra fixer plus particuliè rement votre attent on; c'eft l'examen des avantages d'une compagnie exclufive pour exercer le commerce au-delà du Cap de Bonne-Eípérance.

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