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grandes vérités peuvent se faire entendre. Aucun autre motif n'a dicté celles qui vont suivre, que l'évidence, l'urgence, l'étendue des périls, l'évidence des causes qui les ont produits, et des

moyens qui peuvent les faire cesser. L'excès du mal doit en amener le remède et le terme. Mais, si la vérité, long-temps étouffée, captive, condamnée au silence, proscrite sous peine de mort, n'est pas enfin écoutée, consultée, accueillie dans les cabinets des Rois; si on la rejette comme importune; si on croit pouvoir encore impunément se diviser, s'isoler, se confier, chercher son salut personnel aux dépens du salut de ses voisins, chaque état sera successivement englouti; et le sommeil, l'esclavage, la mort, planeront sur nos malheureuses contrées, au milieu des débris des trônes et de la ruine des peuples.

I.

Des véritables causes et de la nature des dan

gers et des malheurs qui pressent l'Europe.

La révolution françoise, détournée promptement de sa direction primitive, et précipitée dans tous les avoit apparu d'excès genres

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comme une comète de funeste augure, qui menaçoit d'embraser et de consumer tous les gouvernemens. Sorti des flancs de cette révolution, devenu l'un de ses instrumens les plus actifs et les plus redoutables, le chef actuel de la France avoit promis d'en abjurer les principes destructeurs et d'en faire prévaloir les véritables principes, favorables au libre développement des facultés humaines et à la prospérité des nations, lorsqu'il prit, à la fin du siècle dernier, les rênes de l'état. Il avoit inspiré, par ses fallacieuses promesses, une confiance imprudente et aveugle, une trompeuse sécurité dont la France donna l'exemple à l'Europe, et fut la première victime. On peut tirer une leçon utile du rapprochement et du contraste de ce qu'il avoit promis et de ce qu'il a fait.

Il avoit dit aux ambassadeurs des Rois Je mettrai ma gloire à garantir les trônes de l'explosion du volcan révolutionnaire, sur lequel je me suis assis pour l'étouffer.

Il avoit dit aux partisans de la malheureuse famille des Bourbons: Si j'ai saisi l'autorité, c'est pour la remettre dans des mains légitimes, qu'une force injuste en a dépouillées.

Il avoit dit aux amis de la religion : Je serai votre protecteur; je veux relever les autels,

rétablir le culte, replacer le pontife sur son trône, vous rendre la liberté des consciences, vos ministres et vos solennités.

Il avoit dit aux philosophes : Je veux faire régner la philosophie, donner une nouvelle impulsion aux sciences et à l'esprit humain.

Il avoit dit aux partisans d'un gouvernement modéré : Le système représentatif que j'ai juré de maintenir conservera les droits des peuples; je veux procurer à la France les bienfaits d'une constitution monarchique tempérée, à la fois garantie des abus et des excès du despotisme, des désordres et des fureurs de l'anarchie.

Il avoit caressé les anarchistes eux-mêmes et les anciens jacobins, en leur rappelant qu'il avoit servi dans leurs rangs, en leur prometde réaliser tant de faire triompher leur cause, leurs vœux chimériques et insensés, de préparer, par une dictature momentanément nécessaire, le retour et le rétablissement d'un régime républicain et démocratique.

Il avoit dit aux militaires : Je veux m'occuper du bien-être de l'armée, assurer tous ses besoins, récompenser tous les braves de leurs longues fatigues, leur procurer des retraites honorables dans leur patrie heureuse et pacifiée.

Enfin, il avoit proclamé solennellement ces paroles, qui avoient séduit les hommes honnêtes et les cœurs généreux, et ramené à lui les esprits les plus défians : « Je veux donner la paix, la tranquillité, le bonheur à la France et au monde; je n'ai point d'autre politique, d'autre but, d'autre gloire; les idées philanthropiques doivent être le caractère du siècle » (1).

Il avoit parlé à chaque gouvernement, à chaque nation, à chaque classe de la société, à chaque individu, le langage le plus propre à inspirer la confiance et l'espérance, par le mobile toujours si puissant de l'intérêt personnel. Son règne heureux devoit faire fleurir, avec la paix, l'agriculture, l'industrie, le commerce, les sciences, les arts, tous les élémens de la prospérité.

Et cependant, quels ont été les résultats de ces protestations fastueuses?

Tous les trônes ont été ébranlés, et plu

(1) Quoique ces paroles, sorties d'une bouche im-> pure, aient été profanées par un charlatan politique, elles n'en expriment pas moins une idée vraie que doivent adopter et appliquer tous les gouvernemens capables d'apprécier l'opinion et les besoins de leur siècle.

sieurs renversés (à Naples, à Rome, en Espagne, en Portugal, etc.) par les attaques sourdes ou publiques de l'homme qui s'étoit offert pour les consolider. Il a détruit les monarchies même qu'il avoit créées, en Etrurie, en Hollande. Il a écrit, sur les ruines de ces deux états, le sort qu'il destinoit aux autres monarchies dont il se proclamoit le soutien, et qui ont éprouvé les effets de sa protection : interrogez la Prusse, la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg, la Westphalie, etc.

Les Bourbons fugitifs et le petit nombre de leurs partisans, restés fidèles, n'ont plus eu d'asile sur le continent. L'assassinat du jeune et malheureux duc d'Enghien, saisi sur un sol étranger, dans un pays neutre, par une violation inouïe du droit des gens et de l'hospitalité, conduit, avec une atroce perfidie, dans le piège où une mort cruelle l'attendoit, a révélé à ceux qui ne connoissoient point plusieurs particularités recueillies en Égypte, en Syrie et en Italie, le vrai caractère de l'usurpateur, qui avoit offert aux amis de l'antique dynastie françoise son hypocrite protection.

La religion a vu consommer sa profanation et sa destruction; le vénérable pontife, qui avoit eu la foiblesse de consacrer l'usurpation,

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